From "Top-Down" to "Bottom-Up"
Perspectives extérieures du Colisée Grand Paris destiné à être construit à Tremblay-en-France, au bord des piste de Roissy CDG

From "Top-Down" to "Bottom-Up"

La récente prise de parole du Président de la LNB Alain Béral sur « son » projet d’implantation d’un club de basket dans Paris intra-muros est sujette à analyse. Quant au mode de gouvernance de ce projet. Quant à sa pertinence, aussi. Ou enfin quant à la surprenante capacité du Président d’ignorer un autre projet, une salle de 10.000 places, bien réelle et qui en est au stade de signature du contrat de PPP, et plus encore tout un territoire, au prétexte que celui-ci se trouve du mauvais côté du « périph »…

En effet, dans un article du Parisien daté du 7 juillet dernier , le Président de la LNB exposait avec vigueur sa vision de l’évolution de la cartographie du basket professionnel : « Je peux vous assurer qu’il y aura un nouveau Paris dans notre basket professionnel. Je travaille personnellement pour un grand club dans la capitale…On a besoin d’une équipe professionnelle dans Paris intra-muros. Encore une fois j’y travaille. Tous les jours même. Et je sais que je peux y arriver ». Le Président de la LNB fait donc du projet d’un club parisien un projet éminemment personnel. Au point qu’il y travaille au quotidien.

Que le basket français ait un intérêt à voir émerger un grand club de basket en région parisienne, capable de rivaliser, à terme, avec les autres grandes métropoles européennes comme Madrid, Berlin, Milan, Barcelone, Moscou, Munich, Athènes, etc., est difficilement discutable. Le paysage sportif français est bien plus encombré que celui de tous nos voisins (en dehors du Royaume Uni et de l’Allemagne, dans une moindre mesure), où une hiérarchie avec le Football en n°1 incontestable, suivi du Basket puis du Hand beaucoup plus loin, est très clairement dessinée. Dans l’hexagone, le rugby s’intercale sans contestation possible en n°2, drainant d’importants budgets et une bonne partie de l’espace médiatique, tout comme des événements phares et absents ailleurs, comme Rolland Garos ou le Tour de France. Alors, oui, dans cet environnement hyper concurrentiel, le basket ne peut espérer exister médiatiquement comme économiquement sans disputer  la compétition européenne majeure (et y performer un minimum), seule capable d’attirer l’attention. Donc oui, le basket a besoin d’une ou de locomotives situées dans des bassins économiques assez importants pour y construire un modèle économique suffisant pour rivaliser au plus haut niveau européen. Et en France, ces « bassins » sont évidemment sur la fameuse ligne « PLM » (Paris-Lyon-Marseille), voire en l’étirant un peu au Nord jusqu’à Lille. Dans la situation actuelle du basket français et d’une Euroleague « resserrée » pour le moment à 16 ou 20 clubs à terme, on peut même sans doute réduire cela à la seule région parisienne et ses 10 millions d’habitants.

Que le président de la LNB s’intéresse à ce dossier de construction d’un grand club parisien est donc louable. Et, même dans le cas où aucun mandat clair ne lui aurait été donné par les 36 clubs membres de la LNB pour faire émerger un concurrent, on peut comprendre son intérêt. En revanche, s’y investir au quotidien, ou opter aussi clairement pour un club « intra-muros » au détriment d’autres projets aura quand même de quoi surprendre. Quid d’un Nanterre qui poursuivrait son incroyable aventure en disposant, dans sa ville, de l’U Arena ? Ou du projet Tremblay et des 10.000 places dans une toute nouvelle Arena aux dimensions et aux standards Euroleague ? Ou de ces deux projets fusionnants un jour pour construire un grand club francilien ? Tout cela ne serait pas digne d’intérêt ? Ceci n’est en tous cas jamais évoqué, comme si le salut ne pouvait venir que d’un éventuel mécène et être situé dans une salle (Bercy 2), prévue au mieux pour 2023 et dont la taille (7.000 places annoncées), ne correspond pas aux prérequis de la compétition européenne majeure. Un parti pris tout de même surprenant…

« Le vrai problème, c’est que personne n’a jamais pris le problème à bras-le-corps pour le résoudre. Moi, je vais le prendre ». Tous les anciens dirigeants impliqués dans le Basket d’élite sur la Capitale qui ont dû apprécier ces propos. Ceux d’ADA Intérim, très impliqués dans le Racing des années 80, ou Charles Bietry, qui voulut faire du PSG un grand club omnisport dans les années 90, ont dû aimer. Ou encore Jean-Claude Blanc, Président du PSG Handball, qui a lui aussi envisagé toutes les options pour contribuer à la construction d’une nouvelle Arena dans Paris avant de se résoudre à procéder à des aménagements de la salle Pierre de Coubertin.

Ceci posé, et pour éviter la polémique et choisir d’aller plus loin dans la réflexion, cette démarche illustre parfaitement une pratique qui nous semble constituer un point bloquant pour le développement des projets sportifs sur le territoire français. Soit une approche « Top-Down », au sens que l’initiative vient d’en haut et est destinée à être imposée à la base. Ce mode de gouvernance de projet est celui qui a prévalu, et prévaut trop souvent encore, dans notre société. Et plus précisément dans le sport où notamment la puissance publique a souvent imposé ses visions. Telle ville choisissant tel sport. Tel autre territoire en privilégiant un autre. Fort heureusement, les finances des collectivités étant ce qu’elles sont, la tendance est plus aujourd’hui à l’accompagnement de projets faisant sens qu’à l’investissement massif de celles-ci pour imposer tel ou tel sport. Et le modèle qui prévalait est donc irrémédiablement en voie d'extinction.

Car la limite de la démarche est qu’elle ignore l’absolue nécessité d’enraciner toute forme de projet sportif dans une réalité de terrain. Pour exister, n’importe quel projet francilien se devra d’attirer régulièrement 10.000 personnes ayant acheté leur billet pour un match de basket. Cela ne se décrète malheureusement pas, surtout sur un territoire où la norme a toujours été le recours massif aux invitations pour remplir des enceintes pourtant bien plus petites. Jean-Pierre Aubry, président du Paris Levallois devenu Levallois, s’en faisait d’ailleurs écho dans la presse, il y a quelques mois, en indiquant humblement avoir presque renoncé à développer la billetterie et opté pour une politique d’invitation à quasi 100% pour garnir les 4.000 places de Coubertin ou les 2.500 de Marcel Cerdan.

Une preuve supplémentaire que, malgré toutes les bonnes intentions des uns et des autres, on ne peut décider de la localisation d’une équipe sur un territoire donné. Elle émane d’une intention des publics - et non plus du Public -qui constituent le territoire ou bien est destinée à n’être qu’un (parfois très joli) feu de paille, comme l’ont tous été les différents projets purement parisiens depuis 30 ans. Et les acteurs qui se sont succédés n’étaient pourtant pas des « pinces ». Le Stade Français faisant venir Kikanovic et Radovanovic, deux authentiques stars européennes des années 80 ? Bilan déposé en 1986. Le Paris Basket Racing d’ADA, numéro 2 de l’intérim de l’époque ? Désengagement fin 1991. Canal Plus et le PSG, avec Sciarra, Bonato et Risacher ? Huit ans d’efforts (de 1992 à 2000), d’autres stars comme Dacoury ou J.R. Reid, un titre en 1997, quelques mémorables soirées européennes comme la venue du Real de Sabonis à Coubertin, mais un nouveau renoncement, de guerre lasse. Feu Loulou Nicollin, puis Tony Parker et Mark Fleisher, puis un nouveau groupe de cinq investisseurs fortunés, passionnés et compétents dans leurs domaines, se sont ensuite attelés au chevet de l’historique « Racing ». Malheureusement sans changer la donne ni déplacer les foules…

Alors que faire ? Tenter à nouveau de convaincre un mécène du bien fondé de parier sur le basket à Paris, en insistant bien sur « l’intra-muros » au détriment de ce qui peut se faire par ailleurs ? Ou bien essayer justement de faire autrement ?

Les récentes élections ont démontré une tendance qui ne se dément pas depuis plusieurs années : le temps du « Top-Down » par lequel une oligarchie décidait de ce qui était bon pour les gens est irrémédiablement révolu. Il s’ouvre dorénavant le temps du « Bottom-up », celui qui consacrera les projets que les gens se dessineront eux-mêmes, sans avoir besoin que l’on décide pour eux. Toute organisation ignorant ces évolutions est destinée à se couper de la base et à se diluer dans les attentes nouvelles des générations se présentant sur le marché. Toutes les grandes réussites économiques de ces 10 ou 15 dernières années sont fondées sur l’adoption, l'appropriation et l'engagement, la réponse à un besoin évident bien que pourtant inconnu au lancement par les futurs consommateurs eux-mêmes. Les fameuses GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), Twitter, Snapchat et tous les autres, ont été adoptés, pas imposés.

C’est pour cela que nous nourrissons la conviction que le seul moyen d’attirer une dizaine de milliers de personnes, régulièrement, pour du basket, en région parisienne, ne peut résulter que d’un travail de fond. D’un ancrage solide et sincère d’un projet sur son territoire et sa région, et ce pour des raisons qui dépassent le simple cadre du basket ou du spectacle sportif.

Et de nous étonner alors de la distinction, pour ne pas dire de l’opposition, que l’on pourrait faire en utilisant le terme « intra-muros ». Voici une démarche qui nous semble ignorer les leçons que tirent tous ceux qui considèrent la façon dont les urbanismes de nos grandes villes se sont structurées depuis des décennies. Avoir fait le choix du cloisonnement plutôt que celui de la mixité a conduit aux tensions sociales qui émergent cycliquement et que les milliards engloutis dans la politique de la Ville ne permettent hélas pas de compenser. Alors, si le basket s’inscrit dans cette logique du cloisonnement - de notre point de vue d’un autre âge au moment de la promulgation du Grand Paris -, il viendrait nourrir cette opposition entre intra-muros et extra-muros. Comme s’il n’y avait pas de vie à l’extérieur du périphérique, ou plutôt comme si la vie à l’extérieur du périphérique ne méritait pas de considération.

Et pourtant, la banlieue parisienne est un formidable fournisseur de talents dans lequel les clubs LNB viennent piocher depuis des décennies. Un territoire que le basket français ne peut ignorer. Et la partie Nord-Est de cette banlieue se caractérise par une absence de club professionnel, toutes disciplines confondues (en dehors du handball à Tremblay justement), le Red Star se produisant désormais à Jean Bouin. Mais aussi par une quasi-absence d’équipements à l’exception d’un Stade de France hélas dénué de club résident, élément indispensable en terme de structuration d’une filière sportive productive de valeur. Même les décideurs du Paris intra-muros ont intégré ces réalités en envisageant faire de Paris 2024 un moteur de la recomposition d’un équilibre des équipements à l’échelle du Grand Paris, avec les constructions de tous ou presque de ces nouveaux équipements, comme la Base Nautique, le village olympique, le centre de presse, etc., tous situés en dehors de Paris…

En tant que citoyen, chacun est libre d’exprimer un choix. Mais il nous semble qu’en tant que représentant du volet professionnel d’une discipline sportive, on devrait se souvenir que les fonctions fondatrices de la pratique sportive résident d’abord et avant tout dans les items de la socialisation, de l’éducation, de la mixité, de l’insertion, et de la promotion de l’égalité des chances. En exprimant un choix qui ne fait qu’alimenter l’opposition entre intra-muros et extra-muros, le Président de la LNB entend imposer une vision dont il conviendrait de savoir quel intérêt elle sert. En ignorant que le processus de construction d’une salle de 10.000 places, certes dans le Nord-Est parisien, mais situé à 20 minutes de métro de la Gare Saint-Lazare, est irrémédiablement enclenché, J.O. 2024 ou pas, Monsieur Béral prend ouvertement partie. Est-ce là son rôle ?

Mais encore une fois, le temps où ce qui était décidé à Paris Intra-Muros s’imposait à tous partout dans le territoire est passé. Ignorer l’élan démocratique nouveau qu’a fait naitre la digitalisation du monde expose tous ceux qui s’y risquent à se trouver doublé par la base. Et c’est encore plus vrai dans le sport, activité humaine s’il en est, bien avant d’être devenu une activité marchande.

Dans mes activités professionnelles, à travers le nom comme dans les recommandations que porte notre société auprès d’une soixantaine de clubs professionnels de football, rugby, basket, handball ou hockey sur glace, je n’hésite pas à affirmer que : « It is Time For Business ! » Professionnaliser les approches, se doter d’une vraie force commerciale, refonder les catalogues de produits proposés pour y introduire des avantages et services allant au-delà du simple spectacle sportif, le tout pour chercher à intéresser de nouvelles clientèles – pas seulement des fans – en répondant à leurs besoins, sont le crédo de Time For Biz. Ce pourquoi la Ligue de Handball, La Rochelle ou l’Aviron Bayonnais en rugby, le Paris Saint-Germain et bien d’autres clubs de football nous font confiance. Mais cela n’est absolument pas incompatible avec une démarche sociale et sociétale indispensable pour ancrer réellement les clubs dans leur communauté, qu’ils s’y fassent apprécier pour bien d’autres choses que pour le spectacle sportif produit, élément par définition hautement aléatoire. A l’époque où je m’occupais de l’ASVEL, nous étions parfois décrits comme « la firme », une entreprise 100% business marchant sur le glorieux passé de la Maison Verte. Pourtant, nous avions osé, là-bas, baisser la part du budget dévolu au sportif pour le consacrer aux structures et à la force commerciale. Des démarches qui produisent encore leurs effets dans une Astroballe toujours bien garnie. Et l’ASVEL de l’époque, c’était aussi la création d’un CFA (Centre de Formation des Apprentis) qui a formé puis distillé et contribué à créer des postes pour plus de 120 jeunes à travers beaucoup de clubs amateurs de la région, contribuant ainsi à structurer le tissu associatif basket du Grand Lyon.

Dans le contexte du Colisée Grand Paris, comme nous avions briser les barrières entre clubs de Basket en impulsant ce programme, nous briserons les barrières entre les disciplines en concrétisant bientôt le premier accord de coopération entre un club de Basket et un club de Hand. Et nous irons au-delà dans le but d'agréger également les acteurs des arts de rue qui font la vitalité de la vie culturelle de la grande banlieue Nord de Paris et qui trouveront dans cette enceinte également un lieu d'expression sans égal. C'est par ces procédés que nous pouvons envisager faire naitre un fait social qui légitimera pleinement l'investissement fait dans l'équipement et qui en assurera la vitalité. Dans un partage de nouvelles générations, brisant les cloisons que les oligarques ont dressé entre les uns et les autres.

Pour conclure, de notre point de vue, faire du business aujourd’hui, c’est justement et surtout ne pas oublier d’où l’on vient. Mais au contraire s’en inspirer, miser sur un ancrage, des valeurs partagées. Le CSP, l’Elan Champion de France 2017 ou encore le BCM se sont tirés de mauvais pas et/ou ont connu le succès à leur échelle parce qu’ils « sont » Limoges, Chalon ou Gravelines. Chacun d’eux tente aussi d’évoluer pour « coller » aussi à son avenir et continuer de remplir Beaublanc, le Colisée, Sportica ou une future salle de clients plus jeunes appelés à assurer la continuité de leurs modèles. Nanterre a le sien pour trouver preneur pour les 3.000 places de Maurice Thorez. Mais pour grimper jusqu’à 10.000, en région parisienne, ce modèle est à construire. Deux solutions. Un mécène et un Lebron James d’un côté. Là, médias et public suivraient, c’est certain. Mais Lebron, c’est 35 millions de dollars par an, sans les charges patronales …

L’autre solution, c’est d’innover, de travailler en amont, de s’ancrer autrement pour espérer construire un socle suffisamment fort pour qu’un modèle compétitif, apte à attirer des investisseurs - plutôt que des mécènes - et donc quelques stars (pas Lebron, qui restera toujours inaccessible…) en découle.

Même si ce n’est pas « intra-muros », nous faisons le pari que ce projet intéressera. Ce qui nous paraît regrettable, c’est que malgré le fait qu’il ait su séduire Eiffage, l’Agglomération Terre d’Envol, le département et la Région, au point de devenir réalité d’ici à quelques jours ou semaines, il semble ne pas même pas exister pour des instances du basket pourtant en quête assumée d’un grand club parisien… Dommage.


Vince BOT

Sports Consultant Teams & Brands since 2009 | Basketball Expert | Strategy • 360 Management • Marketing | Audit • Business Model • Data • Brand • Arena • Fan XP • CRM • Sponsorship • Revenues Growth • Talent Recruitment

7 ans

J imagine une concurrence périphérique entre Tremblay (Colisée) et Nanterre (Arena 92). Meilleur accès aux enceintes que Paris intra-muros. Le Branding "Paris" pouvant être absorbé par une entité. Cependant, On peut très bien avoir des clubs de banlieue comme dans le foot Anglais (Arsenal, Chelsea etc...), aucun club de Football en Premier League ne dispose de l'appellation "London".

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