Funeste conseil en Management et perspectives d'aujourd'hui

En lisant l'article de Emmanuelle Duez ci-après, je suis circonspect.

N'ayant ni respect pour Le Figaro, ni pour la seconde personne citée, je pourrais approuver le propos, dont je constate les effets soulignés par Michael Ballé

Un élément me met la puce à l'oreille dans cette analyse, que je retrouve fréquemment. La vision défendue est temporellement centrée que sur aujourd'hui. Ce n'est ni bien ni mal, c'est une limite d'analyse rentrant dans l'immédiateté, tout comme chacun doomscroll un Facebook ou Tik-tok dans un éternel présent sans passé ni futur.

Pour ouvrir la temportalité, le conseil en management est tout sauf neuf (la plupart des grands cabinets d'aujourd'hui trouvent leurs origines au début du 20ème siècle), et leur intention est la même : partager des pratiques qui ont marché ailleurs. Loin de moi l'idée de louer l'orientation du marché, et le recours systématique à leurs services. Les grandes idées sur le management remonte à plus loin, et certaines écoles enseignent encore "Le Prince" et autre carnets de recommendation. Ceci me fait poser deux éléments.

Un, concernant le recours au conseil en management, je blamerais deux courants :

* La pauvreté des contenus délivrés aux futurs managers dans les écoles, qui tient plus de la liste des trucs et astuces du moment que d'une théorie de l'être humain. Mon affectation répugnée va à la majorité des MBA où la théorie financière est par contre très bien enseignée, merci pour elle, et présente une théorie de l'humain au travail inspirée par Taylor, Ford et Fayol dans leur version libertarienne.

* Le second est la même absence dans la promotion d'un individu au statut d'encadrant d'une équipe. Cette personne aura donc le choix entre se former tout seul (€€€), suivre les comportement de ses anciens responsables, ou avoir recours à ce que proposent les cabinets de conseil en management ou les médias modernes avec des unes racoleuses, et au final la même absence quasi-complète d'assise théorique. C'est un des démonstrations de Dave Snowden depuis des années. L'usage d'une pratique dans un milieu, ne se reproduit pas dans un autre, sans validation du contexte. Pour une métaphore, si vous avez fait pousser des courgettes dans votre jardin dans le Loiret et que votre recette s'arrête à "mettez les graines dans le sol, arrosez un peu", les résultats seront différents en plantant des graines sur une plage de la méditerranée.

Je voudrais éviter la généralisation : il existe encore des programmes pour les managers, certains corrects aussi bien dans le monde académique que professionnel. Ils sont rares, arrivent souvent plusieurs mois voire années après le démarrage.


Deux, concernant la démobilisation des salariés et la difficulté avec les nouvelles générations. Pour la "démobilisation", c'est une tendance mondiale post seconde crise pétrolière (C'est sans doute l'un des intérêts de Gallup). Si vous cherchez des causes, je regarde (en France) vers l'évolution de la signification du contrat de travail, où le post seconde guerre mondiale fait effet d'épiphénomène au regard du mouvement global. S'il y avait une relation entre le salarié et l'entreprise, elle est devenue une relation tarifée essentiellement dans les grands groupes. Et l'orientation managériale et la financiarisation en reste le critère déterminant en ce qu'il explique également que les aléas ne devraient pas exister. N'étant pas prévus, quand ils arrivent, les "variables d'ajustement" sont peu nombreuses, le salarié étant l'une des plus simples à réduire :'(.

Pour plus de contextualisation, l'analyse un peu ancienne de Robert Castel reste l'une des meilleures pour comprendre la dynamique globale, et surtout la spécificité de la période 1910-1980 à l'aune du reste du temps.

Si vous trouvez que les jeunes sont peu motivés, démobilisés, n'ont pas envie... discutez avec eux. Le modèle où ils ont peu vu leur parents qui travaillaient 70h/sem avant d'être remercié à 55ans n'est sans doute pas leur idéal, pas plus que celui où ils ont vu leurs parents avoir des difficultés à en trouver un.

Le manque d'intérêt pour le travail "salarié" n'est pas nouveau. Le refus du modèle du "salary man" est aussi ancien que le salaire, et si vous en doutez, j'adore revoir "Easy Rider" pour m'en convaincre, ou retourner vers le discours de mai 68. Ce qui est différent est peut-être le volume actuel. Retournez au 19è pour que ce ne soit pas le cas, et encore une fois, reprenez les pratiques développées par Henry Ford pour pousser les ouvriers à rester sur la chaine pour comprendre la dynamique très ancienne et oubliée du sujet, avec un grand coup de pouce du modèle de l'école moderne dont la principale intention était de sortir les enfants des maisons pour permettre aux parents de travailler à l'usine, et par effet de mimétisme, de les habituer à arriver à l'heure, à écouter les consignes,...

Les analyses ballistiques ne sont pas nouvelles. La différence fondamentale est l'effet des réseaux sociaux pour les déverser à une masse plus large. Sans contextualisation, chaque jour ressemble à la fin du monde ou à sa naissance, à vous de choisir si vous préférez vous énerver ou vous émerveiller. En pensant à très loin avant, les surprises sont moins nombreuses, mais le volume de personnes continuant à écrire augmentent.

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