(FX. Hebdo du 30 novembre - 6 décembre) - L’EUR/USD face au cap des 1,20 $ : une marche encore trop haute à gravir ?
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(FX. Hebdo du 30 novembre - 6 décembre) - L’EUR/USD face au cap des 1,20 $ : une marche encore trop haute à gravir ?

Editorial : Quelles sont les facteurs qui influenceront l'EUR/USD en décembre ?

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Alors que l’on s’apprête à entamer le dernier mois d’une année 2020 très particulière et à jamais marquée par la crise retentissante du COVID-19, c’est le moment choisi par le taux EUR/USD pour toucher le seuil symbolique de 1,20 $. C’est seulement la deuxième fois cette année (pic recensé à 1,2011 $ le 1er septembre) et surtout depuis le mois de mai 2018 que la paire de change touche cette barrière qui revêt une importance psychologique auprès des cambistes en tant que moyenne historique du cours depuis l’introduction officielle de l’euro en 1999. Ce seuil a également fait office de support majeur pendant toute une décennie et la période 2004-2014, réfrénant à l’époque les pressions baissières s’exerçant sur l’euro. Depuis 2014 et la vive dépréciation de l’euro provoquée par l’introduction de taux d’intérêt négatifs par la BCE, les rôles se sont inversés et ce palier est devenue un « plafond de verre » très difficile à franchir. Difficile mais pas impossible car on se rappelle au début d’année 2018 le taux de change avait fait une escapade de plus de trois mois au-dessus de ce seuil, touchant à cette occasion un pic de 3 ans à 1,25 $ avant que le climat global se détériore sous l’influence de la guerre commerciale sino-américaine et du Brexit. Contrairement à septembre dernier, la voie semble cette fois un peu plus dégagé pour permettre à l’EUR/USD de s’installer au-dessus de 1,20 $, au moins quelques temps. L’environnement de marché est totalement différent de celui observé à la fin de l’été, et pour cause les spéculations autour de l’arrivée prochainement sur le marché d’un premier vaccin contre la COVID-19 – possiblement dès décembre – sont bien plus élevées qu’à la fin de l’été. Les annonces successives en novembre de projets de vaccin avec des taux d’efficacité extrêmement élevés (95% pour les vaccins produits par les américains Pfizer et Moderna, 70% en moyenne pour celui produit par le britanno-suédois AstraZeneca) ont clairement dopé la confiance des intervenants marché qui croient désormais voir au loin la lumière au bout du tunnel. Le contexte est donc propice aux prises de risque et à l’achat de devises plus rémunératrices. Une stratégie d’investissement qui se fait au détriment du dollar américain que l’on a clairement vu adopter le costume de « valeur refuge » durant cette année de crise, et donc qui se voit du coup très fortement pénalisé par le fort regain d’appétit au risque des intervenants de marché au cours du mois de novembre. Car ne nous y trompons pas, les récents gains visibles sur la paire EUR/USD sont davantage guidés par un mouvement de dépréciation généralise du dollar face à l’ensemble de ses pairs (G10 et émergents) relatif à la forte chute de la volatilité sur les marchés financiers ces dernières semaines, que par une vive hausse de la demande en euro. On en veut pour preuve la réduction graduelle des positions acheteuses net d’euro face au dollar depuis le pic historique touché fin août (depuis le début de la série statistique en 2012) sur les marchés à terme américains. Celles-ci sont aujourd’hui à leur plus bas niveau depuis juillet et envoie le signal qu’un possible mouvement correctif pourrait s’entrevoir sur la paire EUR/USD. Les faibles tractions visibles ces dernières semaines sur la paire EUR/CHF et le niveau stable et très élevé des positions nettes de franc suisse face au dollar sur les marchés à terme américains tendent à donner du grain à moudre à l’hypothèse que l’on n’assiste pas en ce moment à une recrudescence significative d’intérêt pour la devise européenne. Cela s’explique parfaitement par le haut degré d’incertitude qui entoure les perspectives économiques européennes après la seconde vague de contamination qui a constitué un nouveau coup d’arrêt de l’économie européenne cet automne. Cela constitue-t-il un obstacle dans le projet d’ascension au-dessus de 1,20 $ ? Très clairement à ce stade. Pourtant, n’enterrons pas trop vite les velléités haussières de la paire EUR/USD et interrogeons-nous plutôt sur les différents facteurs qui risquent d’influencer l’euro le mois prochain.

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Données actualisées au 30 novembre. Source: CFTC, Reuters

Pandémie – Avantage EUR

En raison du décalage de l’arrivée de la seconde vague entre l’Europe et les Etats-Unis, on assiste depuis la mi-novembre à une rotation des risques sanitaires du continent européen vers le continent européen. Ce déplacement des risques est renforcé en raison de l’absence de politique stricte de lutte contre la pandémie à l’échelle nationale aux Etats-Unis. On assiste en effet pour le moment à de simples initiatives locales en matière de restriction. Ce choix stratégique opéré au profit de l’économie – pas de reconfinement envisagé comme en Europe – pourrait être désastreux sur le plan sanitaire, et implicitement sur le plan économique. En Europe, le pic épidermique semble désormais passé et l’on s’achemine progressivement vers un assouplissement du confinement et des restrictions sur le mois de décembre. Il serait toutefois présomptueux de crier victoire trop tôt, la période des fêtes étant propice à un risque de regain de vigueur de la pandémie dans les deux régions.

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Données actualisées au 29 novembre. Source: Reuters

Course au vaccin – Avantage EUR  

L’espoir que suscite l’homologation d’un premier vaccin avant la fin de l’année a littéralement bouleversé l’environnement de marché. Plus optimiste, les investisseurs sont propices à augmenter leur exposition au risque. Ce n’est pas tant qu’ils se montrent plus gourmands en euro dans ce contexte sachant que la devise européenne est peu attractive en raison de ses rendements négatifs mais on assiste plutôt à de larges coupes des positions longues en dollar au sein des portefeuilles d’investissement. Si cette vague d’enthousiasme est légitime, attention tout de même à ne pas se prendre un retour de manivelle si jamais les choses ne se déroulent pas comme prévu. Le niveau d’attente autour d’un premier vaccin est si élevé que le moindre écueil sur ce volet pourrait engendrer de la déception, et dans la foulée des mouvements correctifs sur les marchés des changes. Le dollar pourrait être alors à nouveau recherché si jamais les autorisations d’un premier vaccin tardent à être délivrés ou bien que des complications dans la distribution s’observent.  

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Données actualisées au 29 novembre. Source: Reuters, Goodjudgment.com

Economie – Avantage USD

Si l’on se base sur les données macroéconomiques publiées jusqu’à présent, l’économie américaine montre un bien meilleur visage que son homologue européenne. Cela s’explique facilement par le fait que l’Europe a fait le choix de se reconfiner pour stopper l’avancée du virus, ce qui n’a pas manqué d’impacter l’activité au mois de novembre. De plus les données américaines publiées à ce jour ne retranscrivent pas, ou très peu, les effets de la seconde vague de contamination. Les statistiques publiées en décembre seront l’occasion d’évaluer le niveau de résilience de l’économie américaine et les impacts du retour de la pandémie sur le territoire américain. De nouvelles tensions (très légères) sur le marché du travail américain semblent s’observer et laissent à penser que l’absence de nouvelles mesures de soutien sur la fin d’année commence à peser sur l’économie. Du côté européen, on peut se rassurer de voir que les impacts du second confinement sur l’économie sont nettement moins importants que ceux observés en mars-avril. Néanmoins, le maintien possiblement prolongé des restrictions sur la fin d’année voire le début d’année 2021 pourrait très probablement freiner une reprise forte de la croissance dans cette zone géographique. Celle-ci est par ailleurs conditionné au bon déploiement des aides européens censées être déversées l’année prochaine. Aussi on surveillera très attentivement les débats autour du nouveau budget européen septennal pour 2021-2027 auquel le plan de relance de 750 Mds€ est rattaché. Bloqué par la Pologne et la Hongrie avec le soutien de la Slovénie, un accord sur le nouveau budget européen revêt un enjeu majeur pour la région. Tout blocage ou tensions persistantes sur ce dossier pourraient raviver quelques tensions sur l’euro.

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Source : Markit, Ministère du Travail aux Etats-Unis

Banques centrales – Très court avantage USD

À l’heure où l’on parle, la perspective d’une nouvelle action de soutien de la part de la banque centrale européenne (BCE) au mois de décembre apparaît inévitable. Par souci de transparence vis-à-vis des marchés financiers, Christine Lagarde n’a pas caché ses ambitions et a préparé le terrain à de nouvelles annonces sur la fin de l’année (réunion monétaire le 10 décembre). Anticipant à cette occasion tout mouvement de déception, les banquiers centraux européens communiquent depuis quelques jours sur le fait qu’il ne faudra pas s’attarder sur la magnitude du soutien mais plutôt sur sa temporalité et ses caractéristiques. Au regard de ses récentes communications, la banque semble clairement privilégier l’option d’un nouveau programme de prêts à taux préférentiels pour les banques qu’opérer une nouvelle augmentation significative de son programme de rachat d’actif dédié à la pandémie dont le montant s’élève à 1350 Mds €. Le choix de la qualité à défaut de la quantité, cela semble être le nouveau mot d’ordre de la BCE dont il faut reconnaître qu’elle a déjà écumé une très large partie de son arsenal monétaire au fil des années. Il sera intéressant de voir de quelle manière les marchés réagissent à ces annonces. Un soutien à minima mais considéré comme pertinent pour accompagner la reprise en Europe et soutenir les banques face au risque de faillite d’entreprises en 2021 pourrait être favorable à l’euro. Aux Etats-Unis, la réserve fédérale américaine (Fed) n’a pas réellement communiqué sur une volonté à intervenir de nouveau pour soutenir l’économie, néanmoins les récents évènements pourraient l’y obliger. En l’absence très probable de nouveau plan de relance voté par le Congrès à court terme en raison des divergences bipartisanes au sein d’un Congrès divisé en deux, mais aussi de la réclamation récente par le Trésor faite auprès de la Fed de restituer la totalité des fonds inutilisés (455 Mds$) initialement dédiés au financement de programmes d’aide et de facilité de crédit, la pression sur les épaules des banquiers centraux américains est grande pour intervenir à nouveau. L’arrivée à échéance de nombreux programmes d’aides du CARES Act, programme de soutien affilié au plan de relance de 3000 Mds$ adopté en mai dernier aux Etats-Unis, fait craindre d’importants défauts de paiement de la part de société mais aussi de particuliers (dette étudiante, dette immobilière, …). La banque centrale américaine a déjà commencé à placer quelques pions en annonçant ce lundi la prolongation de quatre programmes de prêt jusqu’au 31 mars 2021. Une action qui en amène d’autres plus importantes (réunion monétaire le 16 décembre) ?  En cas de nouvelles injections massives de liquidité aux Etats-Unis, le dollar pourrait subir de nouvelles pressions baissières.

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Commerce – Très court avantage EUR

Le contexte général est plutôt relativement apaisé depuis l’annonce de la victoire du candidat démocrate Joe Biden aux Etats-Unis que beaucoup d’observateurs voient comme le présage d’un retour au multilatéralisme commercial et une rupture avec l’approche protectionniste défendue par Donald Trump durant son mandat. À cet égard, le mois de novembre a été témoin de l’annonce de deux accord commerciaux majeurs : 1) la constitution d’une zone de libre-échange comprenant 15 pays de l’Asie Pacifique et de l’Océanie dont le Japon, la Chine et l’Australie, et 2) un accord de libre-échange entre le Canada et le Royaume-Uni. Sur le volet du Brexit, l’espoir d’un accord commercial trouvé dans les ultimes minutes de l’année avant la fin de la période de transition fixée au 31 décembre à minuit reste dominant. Les quatre dernières années nous ont prouvé que malgré des divergences très importantes au départ, britanniques et européens finissent toujours par trouver un compromis, même si bien souvent cela s’est fait au détriment du calendrier préalablement fixé. Cette fois pourrait être toutefois différente et on ne peut négliger le fait qu’au 1er janvier on observe l’application de droits de douane sur les échanges de marchandises entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne faute d’accord trouvé pour encadrer leur relation commerciale. Un tel scénario pourrait se révéler très néfaste à l’euro. Car si le Royaume-Uni a plus à perdre que l’UE à court terme, cet évènement ne serait pas non plus sans impact sur l’économie européenne. Outre le Brexit, on observe également l’émergence de nouveaux pôles de tensions commerciales, et notamment entre la Chine et l’Australie. L’annonce la semaine dernière de nouveaux droits de douane chinois pouvant monter jusqu’à 212% sur les importations de vins australiens constitue un nouvel échelon de tensions. Autre point d’incertitude majeur, c’est la position qu’adoptera le futur président Joe Biden à l’égard de la Chine et notamment sa réaction face au probable non-respect par Pékin cette année de ces engagements en matière de hausse de ses achats de biens américains inscrits dans l’accord de Phase 1 signé par la Chine et les Etats-Unis en janvier dernier. L’émergence de nouvelles tensions commerciales entre les deux principales économies mondiales, et plus globalement à l’échelle mondiale, pourrait constituer un catalyseur favorisant une hausse de la demande en dollar.



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