Gabriel Tallent, lauréat du prix Marianne/Un Aller Retour Dans le Noir
Gabriel Tallent, une gueule d'ange, vous envoie en enfer dès les premières pages de son livre. En effet si Turtle, cette adolescente californienne perturbée, vous séduit rapidement, sa proximité avec le démon qui partage son toit n'en reste pas moins dérangeante. Car son père, Martin, maniaque des armes à feu, régente la vie de sa fille. Il la domine, il la possède. Père violeur, père incestueux, il est avant tout son démiurge. La jeune fille a perdu toute notion de libre arbitre, tout en se fabriquant une carapace infranchissable et salvatrice. La rencontre de deux garçons, au hasard d'une de ses nombreuses escapades ouvre une brèche dans cette carapace. Son père, ce démon tout puissant, ne laissera pas cette ouverture se concrétiser. Y-a-t-il une issue à l'enfer quotidien de Turtle ?
Là où James Ellroy nous fait entrevoir l'immondice et la noirceur de nos âmes, Gabriel Tallent prend un risque supplémentaire en projetant son lecteur au coeur des ténèbres. Servi par une écriture magistrale cet ouvrage entrainera les lecteurs au bout de la nuit, dans une cadence effrénée. La tension malsaine permanente ne peut s'achever une fois la dernière page tournée. Ce livre majeur vous tourmentera bien après la fin de sa lecture.
Gabriel Tallent, édité par cette maison remarquable, Gallmeister, apportait, samedi dernier, à Pau, un éclairage intéressant sur son oeuvre. Aux Etats-Unis 55000 enfants sont abusés chaque année, 80% de ces actes se déroulent dans l'entourage proche des victimes. Le silence est malheureusement souvent la norme. Par son écriture directe il a voulu, (et y est parvenu), briser la distance entre son héroïne et le lecteur. Turtule est une combattante. Well done Gabriel !