GPA, que dit - et ne dit pas- l'arrêt MENNESSON ...
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GPA, que dit - et ne dit pas- l'arrêt MENNESSON ...


De très nombreux médias annoncent, après la décision rendue par la Cour de cassation le 4 octobre dernier dans l'emblématique procédure MENNESSON, la "validation" de la GPA (gestation pour autrui) :

GPA à l’étranger: la justice reconnaît la filiation de la mère d’intention

GPA à l’étranger : le lien de filiation d’un couple et leurs filles reconnu par la justice

GPA : la Cour de cassation a tranché

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Est-ce vraiment ce que dit la Cour de cassation ?

Ben... non...

La transcription automatique du lien de filiation de la mère d'intention n'est pas validée par la Cour de cassation .

La Cour de cassation est claire : le "cas" MENNESSON est un cas d'espèce (un cas particulier).

Pourquoi ?

Quels sont les apports/enseignements de l'arrêt MENNESSON rendu le 4 octobre dernier par la Cour de cassation ?


1/ Tout d'abord, la Cour de cassation en estimant le parquet recevable en l'espèce, confirme plusieurs choses :

* Le parquet est une partie à toute procédure, même civile, dès lors qu'elle concerne l'ordre public ;

* L'établissement de la filiation relève de l'ordre public ;

* La GPA y porte atteinte (principe de l'indisponibilité du corps humain).

Il résulte de l’article 423 du code de procédure civile que le ministère public peut agir pour la défense de l’ordre public à l’occasion de faits qui portent atteinte à celui-ci.


2/ La Cour de cassation rappelle : la CEDH estime que le droit positif français (le doit actuel) est conforme à la convention européenne des droits de l'homme (conv EDH) puisqu'un enfant conçu par GPA peut voir son lien de filiation reconnu au travers d'une adoption et que " le choix des moyens à mettre en oeuvre pour permettre la reconnaissance du lien enfant-parents d’intention tombe dans la marge d’appréciation des Etats".

La Cour européenne des droits de l’homme est d’avis que “dans la situation où, comme dans l’hypothèse formulée dans les questions de la Cour de cassation, un enfant est né à l’étranger par gestation pour autrui et est issu des gamètes du père d’intention et d’une tierce donneuse, et où le lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention a été reconnu en droit interne :

1. Le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la “mère légale” ;

2. Le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, ne requiert pas que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger ; elle peut se faire par une autre voie, telle que l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, à la condition que les modalités prévues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de sa mise en oeuvre, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant”.

Il résulte de l’avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme que, s’agissant de la mère d’intention, les Etats parties ne sont pas tenus d’opter pour la transcription des actes de naissance légalement établis à l’étranger (§ 50). En effet, il n’y a pas de consensus européen sur cette question. Lorsque l’établissement ou la reconnaissance du lien entre l’enfant et le parent d’intention est possible, leurs modalités varient d’un Etat à l’autre. Il en résulte que, selon la Cour, le choix des moyens à mettre en oeuvre pour permettre la reconnaissance du lien enfant-parents d’intention tombe dans la marge d’appréciation des Etats (§ 51).


3/ La Cour de cassation reprécise les modalités d'établissement de la filiation en droit français, sa jurisprudence en la matière et la conformité de l'ensemble à la convention européenne des droits de l'homme (cf supra).

En application de l’article 310-1 du code civil, la filiation est légalement établie par l’effet de la loi, par la reconnaissance volontaire, ou par la possession d’état constatée par un acte de notoriété. Elle peut l’être aussi par un jugement. Par ailleurs, la filiation peut être également établie, dans les conditions du titre VIII du code civil, par l’adoption, qu’elle soit plénière ou simple.

15. En considération de l’existence de ces modes d’établissement de la filiation, la 1re chambre civile de la Cour de cassation, par quatre arrêts du 5 juillet 2017 (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvois n° 15-28.597, Bull. 2017, I, n° 163, n° 16-16.901 et n° 16-50.025, Bull. 2017, I, n° 164, n° 16-16.455, Bull. 2017, I, n° 165 ) a jugé que l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention, épouse du père biologique. Selon l’avis consultatif, l’adoption répond notamment aux exigences de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que ses modalités permettent une décision rapide, de manière à éviter que l’enfant soit maintenu longtemps dans l’incertitude juridique quant à ce lien, le juge devant tenir compte de la situation fragilisée des enfants tant que la procédure est pendante


4/ La Cour de cassation confirme à nouveau que les conventions de GPA "sont nulles"

16. En droit français, les conventions portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui sont nulles, la Cour de cassation retient, eu égard à l’intérêt supérieur de l’enfant, qu’il convient de privilégier tout mode d’établissement de la filiation permettant au juge de contrôler notamment la validité de l’acte ou du jugement d’état civil étranger au regard de la loi du lieu de son établissement, et d’examiner les circonstances particulières dans lesquelles se trouve l’enfant.


5/ La Cour de cassation déduit des faits de l'espèce, une solution spécifique à la situation des enfants MENNESSON à savoir la transcription sur les registres de l’état civil de Nantes de leurs actes de naissance établis à l’étranger.

Quelles sont ces raisons ?

a) La possession d'état n'est pas suffisante car elle ne présente pas des garanties juridiques suffisantes en l'espèce

puisque

*la Cour ne contrôle pas la validité de la constatation de la possession d’état dans l’acte de notoriété établi le 11 mai 2018 par le juge d’instance de Charenton-le-Pont

* cette possession d'état peut être contestée pendant 10 ans (art. 335 du code civil : "la filiation établie par la possession d'état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne qui y a intérêt en rapportant la preuve contraire, dans le délai de dix ans à compter de la délivrance de l'acte.")

18. Selon les requérantes, la concrétisation du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention évoquée par la Cour européenne dans son avis consultatif pourrait trouver une traduction en droit interne français avec la possession d’état qui, en application de l’article 311-1 du code civil, s’établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. Cependant, l’avis consultatif insiste sur la nécessité de ne pas fragiliser la situation de l’enfant dès lors que la gestation pour autrui a été réalisée dans les conditions légales du pays étranger et que le lien avec la mère d’intention s’est concrétisé. A cet égard, la reconnaissance du lien de filiation par la constatation de la possession d’état dans l’acte de notoriété établi le 11 mai 2018 par le juge d’instance de Charenton-le-Pont, à supposer que les conditions légales en soient réunies, ne présente pas les garanties de sécurité juridique suffisantes dès lors qu’un tel lien de filiation peut être contesté en application de l’article 335 du code civil. Par conséquent, la demande formée par Mmes A... et B... X... tendant à faire constater le fait juridique reconnu dans l’acte de notoriété établi le 11 mai 2018 par le juge d’instance de Charenton-le-Pont sera rejetée.

b) et le contentieux MENNESSON a plus de 15 ANS

19. Il résulte de ce qui précède, qu’en l’espèce, s’agissant d’un contentieux qui perdure depuis plus de quinze ans, en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de Mmes A... et B... X... consacré par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et alors qu’il y a lieu de mettre fin à cette atteinte, la transcription sur les registres de l’état civil de Nantes des actes de naissance établis à l’étranger de A... et B... X... ne saurait être annulée.


CONCLUSION


La transcription automatique du lien de filiation de la mère d'intention n'est pas validée par la Cour de cassation.

Le cas MENNESSON est un cas d'espèce.




 

 

 

 

 

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