Grève et retenue sur traitement pour service non fait: la retenue appliquée est différente selon la fonction publique d'appartenance.

Grève et retenue sur traitement pour service non fait: la retenue appliquée est différente selon la fonction publique d'appartenance.

Le 5 décembre 2024 s'annonce comme une nouvelle date marquante de la mobilisation des agents de la fonction publique en France. Cette grève s'inscrit dans une série de mouvements sociaux majeurs initiés depuis 2019, où les agents avaient déjà manifesté contre des réformes similaires, notamment celles concernant les retraites et la réduction des avantages acquis. Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre les conséquences financières pour un agent public d'une participation à une grève. C'est également l'occasion de constater  les différences existantes dans les modalités de calcul de la retenue sur traitement pour service non fait, qui varient selon la fonction publique à laquelle appartient le fonctionnaire.

Modalités de calcul de la retenue sur traitement en cas de grève

La retenue sur traitement pour service non fait constitue une conséquence immédiate de la participation à un mouvement de grève. En France, cette retenue est appliquée différemment selon la fonction publique d'appartenance : État, Territoriale ou Hospitalière. Analysons ces différences.

Fonction publique de l'État

Dans la fonction publique de l'État, la retenue pour service non fait est régie par la règle dite du "trentième indivisible", qui remonte à une disposition historique issue de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984, désormais codifié à l'article L822-2 du Code général de la fonction publique .Concrètement, chaque journée de grève entraîne une retenue d'un trentième du traitement mensuel. Il s'agit ici d'un calcul simple et strict : même si la grève ne dure qu'une demi-journée, la retenue appliquée reste d'un trentième du traitement. Cette règle est considérée comme une application stricte du principe de non-rémunération d'un service non fait.

Fonction publique Territoriale

Pour les agents de la fonction publique territoriale, la méthode de calcul de la retenue varie selon les collectivités, mais suit également, en grande majorité, la règle du trentième indivisible. Toutefois, certaines collectivités peuvent appliquer des ajustements en fonction de la durée effective de la grève et choisir de proratiser la retenue pour des grèves de courte durée, prenant en compte le nombre d'heures réellement non travaillées. Cela permet d'atténuer les effets financiers pour les agents concernés. Les fonctionnaires territoriaux peuvent se voir ainsi impacter une retenue proportionnelle à la durée de la grève soit 1/30ème pour une journée d'absence, 1/60ème pour une demi-journée d'absence, et 1/151,67ème par heure d'absence. Cette différence est le reflet de la relative autonomie des collectivités territoriales dans la gestion de leurs ressources humaines, qui leur permet d'adopter une approche plus souple que l'État.

Fonction Publique Hospitalière

Dans la fonction publique hospitalière, la situation est encore différente. La règle du trentième indivisible s'applique, mais il existe des particularités liées aux contraintes du service hospitalier, telles que l'obligation de continuité des soins, la nécessité de maintenir un service minimum, et la réquisition de certains personnels en cas de grève. Compte tenu du caractère vital de la continuité des soins, certains agents grévistes sont en effet parfois réquisitionnés pour assurer un service minimum. Dans ces cas, la retenue sur traitement est ajustée pour tenir compte du temps de travail effectivement réalisé. Les directions des établissements hospitaliers ont donc une certaine latitude pour adapter la retenue en fonction de la réalité du service non fait, mais la règle générale reste similaire à celle de la fonction publique de l'État.

Enjeux de ces différences de traitement

Ces différences dans les modalités de calcul de la retenue sur traitement en cas de grève traduisent des disparités importantes entre les trois fonctions publiques. Pour les spécialistes de la rémunération, il est primordial de bien comprendre ces nuances afin d'informer au mieux les agents sur les conséquences financières de leur mobilisation.

La règle du trentième indivisible, particulièrement stricte dans la fonction publique de l'État, peut être perçue comme un levier de dissuasion contre la grève. À l'inverse, la souplesse observée dans certaines collectivités territoriales ou dans le secteur hospitalier traduit une prise en compte des réalités locales et des contraintes de continuité du service. Ces approches divergentes soulèvent des questions quant à l'équité de traitement entre agents publics selon leur secteur d'appartenance.


Avis www.naudrh.com: la mobilisation du 5 décembre 2024 s'inscrit dans un contexte de tension croissante entre les agents publics et le gouvernement, et la question de la retenue sur traitement pour service non fait reste un sujet sensible, qui reflète les différences structurelles entre les trois versants de la fonction publique. Pour l'avenir, il serait souhaitable que les syndicats et le gouvernement travaillent ensemble à une réforme de ces règles, afin de clarifier les modalités de calcul et de parvenir à une harmonisation qui tiendrait compte des spécificités de chaque secteur tout en garantissant une plus grande équité. Une telle démarche pourrait contribuer à améliorer le dialogue social et à apaiser les tensions actuelles. Pour les professionnels de la rémunération, l'enjeu est de conseiller et d'accompagner les agents en tenant compte des réglementations propres à chaque secteur, tout en étant conscient des impacts financiers potentiels pour chaque agent.

Ces disparités dans le calcul de la retenue soulignent un besoin de clarification et d'harmonisation des règles applicables, afin de garantir une plus grande équité entre les agents de la fonction publique, quelle que soit leur administration d'appartenance. Cela permettrait non seulement de renforcer la transparence, mais aussi de créer un climat de confiance plus favorable au dialogue social. Qu'en pensez-vous ? Ces différences de traitement sont-elles justifiées par les particularités de chaque secteur ou constituent-elles une source d'inégalités ?


Par Pascal NAUD

Président www.naudrh.com

Editorialiste / expert statutaire

Contact naudrhexpertise@gmail.com

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