Gracq fait tapisserie
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Gracq fait tapisserie

Dans les bas-fonds de la gigantesque bibliothèque, les escaliers coulissent, les couloirs sont fléchés comme dans les aérogares. L’exposition consacrée à Gracq est un petit lieu de perdition, au bout du bout du labyrinthe.

On hésite à jeter un oeil dans la salle de prière comme on sauterait la préface pour d’emblée se colleter au texte de l’oeuvre. Le hic, c’est que Gracq est évoqué à l’étroit, dans la blancheur des murs d’une chambre de bonne rénovée.

La salle des visites, de la taille d’un modeste salon de coiffure, est boudée des lecteurs. Je me résigne à ce que l’avant-propos constitue l’intégrale des mots.


Aux murs sont épinglées des feuilles manuscrites de Gracq, nerveuses, fines, millimétriques, penchées vers la suite, biffées de traits définitifs.

Je suis ému par la pile de ses cahiers de brouillon et ses narrations d’écolier. Ses bouquins - quelques uns - sont théâtralement éparpillés sur une table basse. Les portraits de l’écrivain sont connus des paroissiens.

Une sorte d’ironie surréaliste – son chef d’œuvre sur Breton n’est pas loin – introduit la figure incongrue d’un Kerouac en Anjou, l’atmosphère oppressante d’un Paris, Texas.


Dans la froideur du lieu, les clichés de Louis Poirier calment une solitude, éveillent une curiosité. Je découvre les virées gracquiennes des années 60, ses traversées des déserts castillans.

Les obligatoires vidéos sollicitent un tourment physique, réclament de quoi s’accouder. Bref, les écrans sont nécessairement dissuasifs. Je me coiffe d’encombrants écouteurs. Les doctes y ramènent leur fraise. Gracq fait tapisserie. Le salon de coiffure est de maigre facture. La galerie manque de biscuits, l’exposition de munitions.

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