GROSSOPHOBIE (2ème PARTIE)
Certaines associations féministes exigeaient que les mensurations de Barbie s’accordent mieux avec l’anatomie réelle des citoyennes ; sans quoi, elles envisageaient de boycotter les jouets de la marque. Le PDG de Mattel ne prit pas tout de suite ces menaces au sérieux. Depuis vingt ans, l’entreprise surfait sur une vague de prospérité sans précédent avec plus d’un milliard de poupées distribuées dans 150 pays : « Culte de la minceur ! Grossophobie !! Non, mais, je rêve !! », s’exclamait-il, tout en fustigeant « ces cocos de Berkeley (qui) commencent à nous emmerder avec leurs conneries … »
Mais en 2010, lorsque les ventes de Barbie commencèrent à décliner, le Conseil d’Administration fut bien forcé de réagir : ses douze membres se réunirent en assemblée extraordinaire afin de définir une nouvelle stratégie. Présente sur le marché depuis 1959, Barbie paraissait désormais trop maigre au goût des mamans américaines. Ces dernières craignaient que leurs filles, en grandissant, ne développent des complexes, voire des troubles du comportement alimentaire en voulant à tout prix ressembler à leur poupée préférée.
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En février 2016, Mattel lança une nouvelle gamme baptisée Fashionista ; un florilège de jouets inclusifs visant à célébrer le corps féminin dans toute sa diversité. Dans les rayons, on trouvait désormais une Barbie afro-américaine, une Barbie en cours de chimiothérapie (forcément chauve), ainsi qu’une Barbie paraplégique. Mais « Curvy Barbie » constituait le clou de la collection : une Barbie Ronde, à la taille moins fine, aux fesses plus rebondies et au ventre plus proéminent. Une poupée en léger surpoids. Subsistait pourtant une question : cette création allait-elle autant plaire aux clientes qu’aux militantes féministes ? Les désirs des petites Américaines allaient-ils s’accorder avec l’idéologie en vogue dans les universités ?
Pour répondre à cette question, une équipe de psychologues californiennes décida de sonder les opinions d’une centaine de fillettes âgées de 3 à 10 ans, à qui l’on présenta quatre poupées aux caractéristiques morphologiques très différentes ; à côté de la Barbie Classique, on trouvait une Grande Barbie, une Petite Barbie et, last but not least, la Barbie Ronde. On pria les participantes d’associer à chacune d’entre elles une appréciation positive (heureuse / intelligente / jolie / gentille) ou négative (triste / idiote / laide / méchante). Les chercheuses mirent ainsi en évidence une corrélation frappante ; plus la poupée était mince, plus l’avis des enfants était favorable. Pire encore : à leurs yeux, la Barbie Ronde cristallisait tous les défauts. Même les plus jeunes la jugeaient moche. La grossophobie apparaît dès l’âge de 3 ans et s’observe davantage chez les filles que les garçons : telle fut la conclusion de l’étude. Quant à la Barbie Ronde, alourdie par le poids des préjugés, ses ventes ne décollèrent jamais vraiment.
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8 moisEt si notre cerveau nous envoyait ce message pour nous avertir de ne pas grossir, de ne pas ressembler à ces personnes en surpoids ? Comme un système d'autodéfense, de protection de notre santé et de notre corps ?