Guy de Maupassant et le Horla

Nous sommes en 1885, à Châtel-Guyon où Maupassant est en cure.

Il y fera trois séjours : En 1883, en 1885 et le dernier séjour en 1886.

Maupassant est malade, il souffre d’une syphilis depuis 1877, qu’aucun traitement n'arrive à le guérir.

Il cherche ici un peu d’apaisement à ses effroyables migraines.

Il fuit aussi les mondanités, Paris et cette vie de surmenage cérébral et sexuel.

Maupassant en 1885 est un écrivain reconnu, il vient de publier Bel Ami et il est célèbre pour ses chroniques au Gil Blas, au Gaulois et au Figaro.

Son tempérament de «  Grand faune », comme il se décrit lui-même dans ses premières correspondances avec Gisèle d’Estoc : sa terrible sensualité l’emporte où qu’il aille !

Sa force de travail est toujours présente malgré la maladie et cette folie qui le guette.

L’Auvergne l’apaise, le calme, le soulage autant que les eaux de Châtel-Guyon. (Ses névralgies sont parfois insoutenables.)

La douceur de ce pays l’inspire, il écrira ici Mont-Oriol et entretiendra une liaison sentimentale avec Joséphine Litzelmann une porteuse d’eau qui lui a déjà donné un fils : Lucien.

Comment Maupassant, l’homme qui fréquente les femmes les plus en vue de la capitale, l’homme qui est reçu par le « Tout Paris », est-t-il séduit par une "petite Porteuse d’eau " de Châtel-Guyon ?

Mystère et solitude : mystère de ses contes fantastiques et solitude de sa vie qu’il cache dans tous ses frasques et voyages.

Il sait que le temps lui est compté, il a trente cinq ans en 1985, il ne lui reste que huit ans à vivre.

Le Horla l’attend déjà...

Il débarque donc à Châtel-Guyon  pour vingt cinq jours de cure avec son valet, François Tassart et transporte ses malles dans une curieuse Auberge d’Enval, tenue par une certaine Madame Morge.

Pourquoi cette modeste auberge alors qu’une suite lui est réservée au Grand Hôtel ?

La suite du Grand Hôtel sera occupée par François Tassart le temps du séjour.

C’est que Maupassant n’a pas envie de se montrer comme tous ces riches curistes. Il dépeindra cette ville d'eau comme une « Californie de comique »dans une de ses Chroniques au Gaulois (11 mai 1984).

Il préfère cette auberge perdue ou il retrouve "  sa petite porteuse d’eau ".

C’est Maupassant qui donnera à l’auberge ce nom pittoresque : Au retour du bout du monde.

Ses turpitudes, ses excès lui sont cependant nécessaires : un ami fortuné possède un curieux chalet aux briques rouges en contrebas des Gorges d’Enval. On y reçoit des demi- mondaines, des filles de joie, on y fait la fête toute la nuit et le champagne coule à flot. Ne dirais t’on pas la Maison Tellier ?

Maupassant aime ces soirées où l’on s’enivre en bonne compagnie.

Oublier, toujours s’oublier dans les plaisirs cette absence du bonheur qui n’existe pas !

Joséphine, employée dans le parc thermal est d’un autre monde, de cet petit monde qu’on retrouve dans certaines nouvelles de Maupassant.

Il refusera sa paternité - il abandonnera la mère à son monde et ne reconnaîtra jamais son fils.

Il ne croit qu’en l’amour libre et déteste chez la femme cet étalement de l’animalité amoureuse et de la grossesse.

Joséphine portera cependant de lui un autre enfant, une fille qu’il ne reconnaîtra pas non plus. Bien entendu, ceux- ci ne manquerons matériellement de rien.

L’écriture le poussera à la solitude et Maupassant trouvera refuge quelques jours dans un petit pavillon au bord de l’eau, au Gour de Tazenat, à quelques kilomètres de Châtel-Guyon.

Au diable sa cure ! N’est t’il pas incurable ? Et ces médecins ne sont-il pas de cupides charlatans ?

Le roman qu’il prépare sera une satire de cette médecine et de ces médecins mondains. Il en sait quelque chose de cette médecine, lui qui est gravement malade !

C’est auprès de ce lac, au bord de l’eau, que Maupassant commence à écrire Le Horla ,qu’il finira à la fin de l’été à Étretat.

Il ne dort guère la nuit, et parait t-il le doux clapotis de l’eau apaise ses sens.

Il a déjà en lui « ce désespoir, ces doutes profonds sur le sens de la vie humaine obscurcissant son âme »

Il sait qu’il est déjà hanté par le Horla.

JL Dranem