hôpital : l'implosion
Plus de 15 % des infirmières et aides-soignantes, peu considérées, surmenées et désabusées ont rendu leurs blouses blanches. Pas loin de 70 % des étudiants en médecine et internes stressent, 30 % dépriment et 20 % ont des tendances suicidaires. 22 % des postes de praticiens hospitaliers restent vacants. Des professeurs de médecine quittent leurs services : du jamais-vu ! Les personnels soignants hospitaliers restants ne supportent plus les contraintes liées à un surcroît de travail dû aux départs des uns dont les postes ne sont pas pourvus par d'autres.
Voici le triste état des lieux de l'hôpital. Ce désengagement ne date pas d'hier, mais il s'est accentué avec les nombreuses demandes de mises en disponibilités retardées à cause de la pandémie. Ajoutez-y une pratique désordonnée de tâches souvent inutiles effectuées sous les ordres d'un système hiérarchique patriarcal obsolète, allié au harcèlement et au sexisme ambiant, toutes causes cumulées qui engendrent un malaise profond allant jusqu'à la perte de sens du métier.
Démobilisation silencieuse
Conséquence : les hôpitaux patinent dans leur retour à la dispensation de soins pour combler les retards de prises en charge notamment des pathologies cardiaques et des cancers auxquels s'ajoutent les urgences pédiatriques. Les blocs opératoires tournent à seulement 70 % de leur capacité.
La colère sourde qui enflait depuis des années, a mué en démobilisation silencieuse que la pandémie n'a fait qu'aggraver. Voir mourir plusieurs malades ventilés par jour dans un service de réanimation sans la présence de leur famille tout en se protégeant avec des sacs-poubelles faute de blouses a profondément choqué les esprits.
le blues des blouses blanches
La dégradation des conditions de travail et le manque criant d'autonomie des professionnels du soin au sein même de leurs unités de travail ont engendré la fuite des infirmiers soit vers d'autres métiers soit vers une pratique libérale ou salariée en clinique privée et dans des centres de soins à taille plus humaine.
Les milliards d'euros et les milliers de postes débloqués lors des accords de Ségur n'ont pas suffi à enrayer l'effondrement qui s'effectue sous nos yeux, laissant déjà près de 35.000 postes infirmiers vacants. L'implosion est proche.
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De la souplesse contractuelle
Sortir de cette impasse délétère implique des décisions fortes et en premier lieu desquelles la transformation de la fonction publique hospitalière et de ses statuts, instance qui ne répond plus aux défis actuels, afin de bâtir un véritable Service national de santé reposant sous la forme de contrats définissant les règles d'action sanitaires tout en permettant à des infirmiers et des médecins publics et libéraux de soigner à l'hôpital comme salarié et en ville comme libéral.
Le paiement à l'acte évoluera vers un mode de revenus mixtes, combinant une partie salariée pour les tâches administratives, une partie à la capitation sur le nombre de patients suivis et une partie à l'acte ou au forfait. La création de ce Service national de santé facilitera les collaborations entre les établissements et entre les acteurs publics et privés exerçant ensemble pour le bien des patients.
Plus d'autonomie
Des voix aussi corporatistes que médiatiques dénonceront la mise à mort du système public hospitalier, crieront à la marchandisation du soin, tout comme à la disparition de la médecine libérale, mais l'avenir plaide pour cette nouvelle forme de contrat social dont l'hôpital pourrait devenir le laboratoire sur le terrain.
Au-delà de la revalorisation de leurs revenus, les infirmiers demandent avant tout une reconnaissance de leurs compétences et de leur autonomie face à un corps médical figé dans des postures syndicales et ordinales obsolètes.
Vieille France, bouge-toi !
La jeune génération de médecins l'a compris, elle qui veut exercer en partenariat étroit avec des soignants aux responsabilités accrues. En deux à trois ans on peut transformer les déserts médicaux en oasis de santé dans lesquels la prévention tiendra une place égale à celle du soin.
Cette nouvelle politique sanitaire qui s'appliquera partout dans les territoires grâce à la multiplication des infirmiers de première ligne et de pratique avancée. Il suffit de regarder les pays qui ont mis en place ce type d'organisation pour comprendre l'efficacité d'une telle redistribution de l'activité des professionnels de santé. Vieille France, bouge-toi !
Guy Vallancien est membre de l'Académie de médecine.
Médecin Généraliste Déléguée CARMF Région Occitanie MBA HEC Paris
2 ansMerci Monsieur pour ce beau projet qui redonne de l’espoir au Médecin bourré d’empathie que j’ai toujours été…
Anesthésiste - Réanimateur
3 ansGuy Vallancien Merci pour ce post qui reflète très exactement les discours et pensées des anesthésistes, IADE, IBODE, IDE , cadres et médecins chirurgiens que je croise tous les jours. Ayant exercé au Québec, je trouve excellente votre idée de rémunération mixte (1 salaire fixe + 1 rémunération à l’activité): cela fonctionne très bien au Québec dans les hôpitaux mème si les hôpitaux « en région » doivent faire appel à des étrangers pour les spécialités comme chirurgie, anesth, cardio,… (français, argentins, iraniens, syriens, grecs,…). Les chirurgiens et Anesthesiste (pour les autres je ne sais pas exactement) sont des travailleurs indépendants au sein des hôpitaux, directement rémunérés par la sécurité sociale en fonction de leur présence et des actes effectués. Il existe à côté un système totalement privé, assez peu développé (pas de remboursement des soins aux patients). Il est vrai que l’évolution que vous souhaitez risque grandement de faire grincer des dents dans nos structures privées. La route est donc longue et les 2-3 ans mentionnés me semblent utopiques : c’est à mon sens à l’échelle d’une génération car c’est une profonde modification du rapport des soignants à l’hôpital au mode de rémunération.
Créer l'état d'esprit de coopération - Codéveloppement - Management bienveillant - Communiquer pour mieux coopérer en intelligence collective - Transition : territoire et entreprise.
3 ansComment vous dire merci Guy Vallancien pour le temps que vous n'avez pas et que vous avez pris pour écrire de façon aussi limpide, claire et constructive. MERCI Intervenant majoritairement au sein des hopitaux, ehpad sur le management bienveillant, le bien être et communiquer en équipe, je me sens pleinement connecté à votre article et acteur à mon tout petit niveau. Soyons des co-apprenants et arrêtons de nous comporter comme des sachants et du coup co-élaborons avec l'ensemble des acteurs. mais de grâce, Agissons car de l'implosion du système sanitaire à l'explosion citoyenne, il n'y a qu'un pas. Co-construisons avec la colère rencontrée mais ne la nions pas au risque du pire alors que le meilleur est dans l'opportunité du présent qui nous est offert. Merci.
Transformative business strategist | driving innovation, data-infused and purpose driven insights, and measurable performance
3 ansIl est temps d‘envisager un nouveau système de santé visant la protection de la santé et non pas uniquement le traitement de maladies. C‘est avec et autour la population qu‘il faut développer ce mode de vie, plus qu‘une thérapie ou une politique dite sanitaire. Pour une société résiliante il faut une population renforcée. L‘enseignement d‘un mode de vie sain et l‘encouragement de ce mode de vie produira la santé, un nouveau goût pour la vie avec un respect accru pour l‘environnement et la santé planétaire, tout en inventant un nouveau mode de vie. La société doit se libérer du capitalisme et songer à maximiser non pas les finances d‘une minorité mais la qualité de vie et le bien-être de tous et chacun. En passant par une nouvelle organisation de la société, le focus sur la santé permettra un style de vie qui créera la prospérité tout en rendant la société invulnérable par les risques des maladies connues comme conséquences directes du système actuel.