HAUTE CLÔTURE PARIS 2023

HAUTE CLÔTURE PARIS 2023

Voici la contradiction la plus flagrante de la mode, c’est son nouveau statut de pilier de la culture populaire, un spectacle que tout le monde peut suivre ou même pratiquer dans les commentaires. Pourtant, une grande partie de l’audience sur Instagram est dominée par la dissection des collections de couture de passionnés de la mode en pantoufles et en neurones au chômage technique.

Certains de ces « pseudo-journalistes » en herbe n’ont probablement jamais assisté à un défilé de mode, et ne seront jamais en mesure d’acquérir un vêtement de Haute Couture. Toutefois, ils ont une véritable passion pour la mode ce qui leur fait penser qu’ils sont indispensables, et comme la bimbo qui travaille pour 1 200 euros de salaire brut chez LVMH et qui a une carte de visite avec le logo « Vuitton », elle se prend pour le haut du panier de la Fashion Week. Une d’elles m’a dit un jour : « la mode, c’est moi ». Elle était standardiste chez Vuitton.

La mode actuelle est donc à la fois démocratique par sa portée et snob par son goût. Tout le monde, en d’autres termes, peut être snob ! Snob vient de « Sine Nobile » en latin, qui veut dire « qui est sans Noblesse » ! Il y a donc deux approches esthétiques qui s’affrontent ; la première est dominée par des références aux couturiers précédents, presque à la manière d’une chanson à succès qui reprend un refrain des années 1980 comme « Born to be Online ».

Daniel Roseberry, de Schiaparelli, est la cheville ouvrière de ce genre de vêtements. Son défilé de lundi était truffé de références au travail de Christian Lacroix afin que les nombreux fans puissent passer la collection au peigne fin et s’électriser en trouvant ces rappels, comme la jupe pouf, les chapeaux à large bord plat, et les petites vestes boléro à volute.

Tout le monde reprochait à Virgil Abloh de copier une culture Pop. D’ailleurs, moi le premier, mais aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de copier, mais de repérer la référence et de la célébrer. Cela crée un sentiment de snobisme parmi ce que l’on pourrait appeler les spectateurs numériques de la couture, en réalité les sachants. « Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe. Ils sont mal élevés, méprisent l’autorité, n’ont aucun respect pour leurs aînés, et bavardent sur leur lieu de travail. Ils ne se lèvent plus lorsqu’un adulte pénètre dans la pièce où ils se trouvent. Ils contredisent leurs parents… » Si vous pensiez que c’était nouveau ! Eh bien non, c’est de Socrate (470-399 av. JC) . Etonnant, n’est-ce pas ?

Mais, ce qui rend le travail de Roseberry important c’est qu’il a également cultivé un groupe d’excentriques pour porter et incarner ses vêtements, un peu à la manière d’Elsa Schiaparelli, comme le confirme le succès de la nouvelle exposition au Musée des Arts décoratifs de Paris.

Les vêtements de Roseberry ne sont pas ma tasse de thé. Mais, cela me rappelle qu’il y a une créativité qui palpite sous tout ce business, tout ce bla-bla-bla capitaliste. Et qu’en termes de compréhension, cela ne doit pas être pour tout le monde, et que les célébrités qui veulent être à part, que ce soit dans leur façon de s’habiller, de penser ou dans les projets, méritent une garde-robe qui les célèbre. Narcisse quand tu nous tiens !

En revanche, les grands noms de la Couture parisienne ont emprunté un chemin beaucoup plus tranquille. Au cours des trois dernières années, Virginie Viard, chez Chanel, et Maria Grazia Chiuri, chez Dior, ont présenté des collections de plus en plus subtilement peu créatives, peut-être une gageure. La logique de réflexion, la plus évidente, est que leurs vêtements résistent à l’algorithme, et ne sont pas diffusés à grand renfort de médias sociaux, car ce qui est le plus rare est ce qui se vend le plus. Je vois cela avec ma fille qui cartonne avec ses pièces uniques qui s’arrachent.

Chez Chanel, Viard semble croire que les vêtements, faits sur mesure, constituent un mode de vie à part entière, ce qui explique pourquoi sa collection comprenait tant de manteaux simplement assortis de bottes, de jupes avec des poches facilement accessibles et de pantalons avec des vestes légères. Il ne s’agit pas vraiment de gadgets, mais de la vie réelle d’une femme. Un type de femme très rare dont elle rêve chaque nuit : la riche cliente oisive qui vient d’hériter de 15 millions de dollars de son mari qu’elle a mis dans un Ephad.

Pour la beauté pure et minimaliste, et pour démontrer que cette dernière compte autant que toute autre chose dans le monde de la Fashion sphère, le défilé de Dior était le meilleur de la semaine. Car le travail de Maria Grazia est le plus fort lorsqu’elle fait les choses les plus simples. Certaines pièces étaient si simples que leur travail manuel était d’une banalité douloureusement glorieuse. Même les robes diaphanes ressemblaient à des chiffons, exprès ou pas peu importe, c’est un autre débat.

Ce que j’aime tant dans une collection comme celle-ci, c’est qu’elle ne se contente pas de provoquer, elle veut réaliser une démonstration de beauté totale et absolue ; l’Epicure au sens propre de la couture. « Comment pouvez-vous dire que quelque chose comme ce magnifique travail manuel est sans importance, petit ou sans intérêt ? » « C’était pour moi de Maria, car elle me la écrit. »

Ce qui est vraiment intéressant à propos de la couture, c’est qu’il s’agit vraiment d’un style de vie lorsque la plupart des marques s’approprient les même produits. J’ai remarqué lors d’une balade dans Paris à la fin du mois dernier que presque toutes les marques de luxe fabriquaient un sac tote, sorte de cabas mais aussi un sac banane beige et marron imprimé d’un logo, en réalité les marques copient les unes sur les autres. L’histoire de la France est pillé à foison, et c’est le seigneur qui a donné le feu vert.

Mais, la question n’est pas de savoir à qui vous êtes fidèle, à Demna ou à un Sliman, mais quel genre de vie vous voulez mener ? Il s’agit véritablement d’un domaine où le luxe est synonyme de liberté. Luxe en latin veut dire « La luxation » ou la fracture, donc la transgression, CQFD. (Petits mots pour ceux qui disent que je ne connais rien à la mode, je peux aussi porter une analyse sérieuse, mais sachez que pour le public de Bimbos, c’est certainement moins amusant).

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ERIC BONGIOVANNI

Observateur avisé et amusé de la fashion sphère. (Chroniqueur indépendant) - intervenant - coach

2 ans

Bravo pour cette analyse extrêmement pertinente. 👏🏼. J’apprécie tout particulièrement la distinction entre les collections « haute couture » crées pour de vraies femmes qui composent leur garde-robe en haute couture et les autres défilés Instagram-ables qui defileront sur les red carpet. Pourtant il y a une troisième catégorie parmi les défilés Haute Couture, celle où les Directeurs Artistiques talentueux proposent un univers fort et créatif qui raconte leur histoire et notre époque … Vous l’aurez compris ce sont ses défilés là que j’aime et que, modestement, j’ai un plaisir infini à découvrir (sur écran il est vrai, car il y a maintenant un bon moment que je ne travaille plus « en couture »), à chroniquer et à défendre ! 😉 Merci pour vos articles Mr Mouclier. 🙏

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