Houellebecq et Niort : la possibilité d’une idylle ?
Michel Houellebecq (photographie ; Fronteiras do Pensamento)

Houellebecq et Niort : la possibilité d’une idylle ?

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Au début de l’année 2019 paraissait un nouveau livre de Michel Houelllebecq intitulé « Sérotonine ». Au hasard des pages, on pouvait y lire quelques phrases au sujet de la ville de Niort qui allaient créer une belle polémique, à la mesure de la très grande notoriété d’un des auteurs favoris des Françaises et des Français. Sachant pour information que statistiquement parlant, notre beau pays compte beaucoup plus de lectrices que de lecteurs. Je cite pour mémoire : « C’est dans un état d’exaspération avancée que j’arrivais à Niort, une des villes les plus laides qu’il m’ait été donné de voir… » S’ensuivent quelques remarques peu amènes concernant aussi le Mercure-Marais Poitevin, un hôtel de la cité. Par des voies détournées, ces propos ont fini par atteindre mes oreilles et ils ne pouvaient que m’interpeller. En effet, j’ai vécu plusieurs années dans la préfecture des Deux-Sèvres et il s’avère que mon premier appartement offrait une vue plongeante sur… l’hôtel Mercure que l’on ne gratifiait pas encore de sa localisation géographique. On réservait alors une chambre au Mercure et on s’arrêtait là.

Michel Houellebecq dans les rues de Niort ?

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Je vous rassure tout de suite au cas où vous seriez inquiets, le maire de Niort contribua largement à éteindre le joli feu littéraire provoqué par la saillie de cet auteur qui, en général, m’inspire plutôt de la sympathie. L’édile répondit avec humour en l’invitant à venir découvrir Niort quand il le souhaitait. Je ne sais pas si monsieur Houellebecq a accepté l’invitation, mais immédiatement, je me suis dit que je finirai par écrire ce que je pensais de tout cela. Car moi aussi, à mon arrivée, tout droit parachuté de Paris, j’ai abordé Niort les bras chargés de condescendance, ville très moyenne accusant selon mes critères de l’époque, un retard d’au moins dix ans sur la Ville Lumière qui avait nourri tous mes rêves d’adolescent. Et puis, j’ai défait mes valises.

Niort et le « Midi Atlantique »

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Très vite, j’ai compris que décidément, dans la vie, je préférais le calme à la tempête. Et peu à peu, j’ai regardé cette « ville à la campagne » sous un jour différent. Très vite également, j’ai été séduit par l’intensité de la lumière ambiante qu’accentuent encore la blancheur et l’éclat de la pierre calcaire utilisée jadis pour la construction des maisons traditionnelles. Sans parler du climat. Le sud des Deux-Sèvres profite déjà de tous les attraits de ce que l’on nomme le « Midi Atlantique ». À savoir des températures particulièrement clémentes, un ensoleillement généreux, une végétation qui peut prendre des accents méditerranéens… Autre atout que Michel Houellebecq ignore sans doute mais Niort se trouve à une heure environ de La Rochelle, accessible par une quatre voies (gratuite). Autant dire à deux pas. En journée, on peut profiter sans modération de la joyeuse effervescence rochelaise et passer sa soirée bien calé dans le canapé de son « home sweet home » niortais dans la quiétude et la sérénité. Sans subir l’inflation des loyers faramineux des villes branchées. Pourvu que ça dure.

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Niort que j’apprécie : plus culturelle qu’angélique.

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Grand déménageur devant l’éternel, j’ai inscrit trois adresses au tableau de chasse de ma tranche de vie dans les Deux-Sèvres. Et j’ai fini par habiter rue du Pont. Dans le centre-ville de Niort que Michel Houellebecq a malheureusement dédaigné. Quartier caractérisé – n’en déplaise à notre auteur polémiste – par l’élégance de ses petits immeubles des plus avenants, aux façades souvent rajeunies ces dernières années. Et selon moi, presque plus dynamique aujourd’hui qu’à l’époque où j’y vivais. Ce qui constitue en soi une performance. Vu les difficultés rencontrées par la majorité des cités françaises moyennes pour animer leur cœur de ville. Freinées dans tous leurs élans par la concurrence des zones commerciales de périphérie.

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Mais revenons à mon nid douillet niortais si regretté de la rue du Pont … Une maison de ville où j’ai été heureux comme jamais auparavant. Pas très loin de la Sèvre niortaise évidemment. Et tout près des Halles, construction majestueuse et accueillante à la fois inspirée par celles de Paris, conçues par Victor Baltard. Dans ce royaume du bon goût et des produits authentiques, à des prix particulièrement raisonnables, je me suis régalé de la production environnante en matière de fruits et de légumes, de la crème des fromages de chèvre bien sûr, de viande et de poisson frais pêché de l’Atlantique… À deux pas de chez moi toujours – et au bord de la rivière qui plus est -, j’ai aussi profité sans modération du Moulin du Roc, un pôle dédié à la culture qui regroupe une scène nationale, un cinéma d’art et d’essai et une médiathèque actuellement en rénovation. Autant dire que la ville est le contraire d’un désert culturel. Ce que personnellement, j’ai apprécié au plus haut point. Plus que l’angélique, la célèbre plante aromatique locale aux multiples vertus dont aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de mal à identifier la saveur.

Paris, si loin, si proche.

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Vous l’aurez compris, malgré le temps qui passe, j’ai gardé une tendresse toute particulière pour la ville qui a vu naître madame de Maintenon, la fameuse épouse morganatique de Louis XIV, Henri-Georges Clouzot le cinéaste des « Diaboliques », Mathias Enard, prix Goncourt en 2015 pour son livre intitulé Boussole… Malgré mon départ, j’y cultive des amitiés solides et particulièrement enrichissantes. Et j’ai naturellement profité des propos malheureux de Michel Houellebecq pour dire tout le bien que je pensais de Niort. Afin aussi de tordre le cou à ma manière à un certain parisianisme qui voudrait traiter avec un sourire un peu dédaigneux une certaine province et par ricochet ses habitants. Se permettant de juger sans connaître. En propageant des idées reçues sans rapport avec la réalité contemporaine. Humble et discrète et pourtant parfois assez prospère comme c’est le cas de Niort, la France provinciale n’a quand même plus rien à voir avec la vision caricaturale et déprimante que l’on pouvait en donner il y a encore une trentaine d’années. À Niort comme dans beaucoup d’autres villes, le TGV raccourcit les distances avec la possibilité de rejoindre Paris en moins de deux heures. La culture en général, les films et les spectacles en particulier font escale en terre niortaise comme partout ailleurs en France à la vitesse V. Et le web, quand il est intelligemment utilisé, ouvre les horizons et influe positivement sur les mentalités. Que l’on habite dans le Marais ou dans le Marais Poitevin.

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Légendes photographies :

  • 1 : Fronteiras do Pensamento,
  • 2 et 4 : Enzo Clémot,
  • 3 et 7 : Alain Joseph,
  • 5 : André Bianco,
  • 6 : François Dallet,
  • 8 : Jfpnt,
  • 9 : Domaine public,
  • 10 : Gilbert Bochenek.


Laurent Girard

Web-designer et web-marketer freelance

5 ans

Niort a bien changé depuis toutes ces années... Faire partie du microcosme nombrilo-centré de l'intelligentsia parisienne est souvent la seule raison d'être de l'intellectuel français. A défaut de pouvoir rivaliser avec les auteurs mondiaux, il se positionne en méprisant la province dont il est issu. 

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