HSBC ou quand les criminels en col blanc s'achètent une impunité
Résumons. Ce mardi, le parquet de Bruxelles a annoncé que pour clore l’enquête pénale ouverte en Belgique en 2014 à l’encontre de HSBC Private Bank pour « fraude fiscale grave », « blanchiment » et « organisation criminelle », la filiale du géant britannique de la banque a accepté une transaction financière de près de 300 millions d’euros. En novembre 2017, en France, HSBC s’était déjà acquitté de la même somme auprès de l’administration fiscale afin d’échapper à un procès pour « démarchage bancaire illicite » et « blanchiment de fraude fiscale ».
Rappelons que ces enquêtes ont été ouvertes après la remise aux autorités françaises de fichiers clients copiés par l’informaticien et lanceur d’alerte Hervé Falciani que j’avais pu rencontrer à Paris en 2014. Ce dernier travaillait pour HSBC Genève, lorsqu’en 2008, il a siphonné la mémoire informatique de la filiale suisse du holding bancaire anglais afin d’en extraire les données financières de plus de 100 000 personnes physiques et quelque 20 000 personnes morales de 180 nationalités différentes détenant ensemble 180 milliards d’euros (selon une estimation du journal Le Monde) planqués chez HSBC Private Bank.
Alors, certes, les juges (Michel Claise en Belgique) et les enquêteurs financiers ont bien fait leur boulot. Certes, les trésors belge et français empochent une jolie somme en s’épargnant d’interminables procès financiers qui s’achèvent très souvent par la « prescription » ou le « dépassement du délai raisonnable » en raison principalement des artifices de procédure et des moyens dilatoires qu’utilisent les armées d’avocats grassement rémunérés par les puissances d’argent. Certes, les fiscs belge et français s’attelent à régulariser les fraudeurs identifiés.
Mais comparativement aux sommes faramineuses détournées des caisses de l’État – rien qu’en Belgique, un millier de riches contribuables, dont de nombreux diamantaires anversois, avaient été identifiés ; en France, l’administration française avait estimé à « au moins 1,67 milliard d’euros » les sommes frauduleusement soustraites à l’impôt avec la complicité active de la banque – et en regard des casseroles (en or) que traînent aux quatre coins du monde HSBC, ce n’est pas cher payé. Une fois de plus, cette justice de classe qui ne dit pas son nom permet à des criminels en col blanc de s’acheter une impunité de fait.
La preuve ? En 2012, une commission sénatoriale américaine a conclu qu’au cours de la dernière décennie, HSBC a collaboré avec les cartels de la drogue mexicains, blanchissant leur argent sale. Dans le rapport du Sénat, il apparaît que HBUS (filiale des USA) a offert des services bancaires à HSBC Mexico. En 2007 et 2008, l’antenne mexicaine a transféré sept milliards de dollars en espèces à HBUS, cette somme étant fortement suspectée d’être le produit de la vente de drogue par les narcotrafiquants. Fin 2012, HSBC s’est acquittée d’une amende de 1,9 milliard de dollars pour clore les procédures judiciaires. Pas un seul dirigeant ou employé n’a fait l’objet de poursuites criminelles.
Dans son ouvrage édifiant, « Là où est l’argent » aux Editions Les Arènes, Maxime Renahy, ex-espion des services secrets français au coeur de la haute finance à Jersey et au Luxembourg, écrit ceci au sujet des procédures qui relèvent de la justice dérogatoire dont bénéficiera de plus en plus souvent la criminalité financière : « Elles permettront aux personnes morales d’échapper à toutes poursuites ainsi qu’à toute reconnaissance de culpabilité, moyennant une somme négociée auprès des hauts fonctionnaires qui ont fait les mêmes écoles que ceux qui dirigent les groupes/banques/multinationales. Cette amende assurera innoncence et anonymat (…) Il faut que tout change pour que rien ne change. La loi relative à la lutte contre la fraude triomphe en faisant disparaître du paysage les paradis fiscaux européens. L’oligarchie européenne est parvenue à ses fins ».
Il faut que tout change pour que rien ne change. CQFD.