The Human Genome Project, une incroyable aventure #2

The Human Genome Project, une incroyable aventure #2

Aujourd’hui, nous continuons notre cycle sur le Projet Génome Humain.

Souvenez-vous, lors du premier épisode nous avions évoqué les prémices du projet ainsi que l’apport de financements, avant de terminer par sa mise en route officielle. Aujourd’hui, place à « l’affaire des brevets », la collaboration internationale et à l’arrivée d’un concurrent sérieux issu du secteur privé.

L’affaire des brevets

En 1991, alors que le projet n’en est qu’à ses débuts, un chercheur des NIH, Craig Venter parvient à séquencer de petites portions d’ADN à partir de bibliothèques existantes pour fournir des marqueurs de séquences exprimées, les EST, permettant d’identifier de 200 à 300 bases.

Venter les compare ensuite à des gènes déjà identifiés dans des bases de données existantes. Il pense que ce type de séquençage était le moyen le plus rapide et le plus efficace d'obtenir des données utiles sur le génome humain. La séquence partielle, appelée donc marqueur de séquence exprimée (EST) permet au scientifique de déterminer s’il vient de trouver un nouveau gène. Cette méthode raccourcie permet d'économiser du temps et de l'argent car elle permet au chercheur de comprendre rapidement quels gènes sont actifs dans des tissus spécifiques sans avoir à trier l'ADN « indésirable ».

Craig Venter, en 1991, prédit que sa technique permettra l'achèvement du Projet du Génome Humain dès 1997. Mais l’idée de breveter le vivant ne passe pas. Ces demandes de brevet causent donc un tollé énorme dans le monde scientifique.

Crédits : Pixabay

Pourtant approuvées par Bernardine Healy, Directrice des NIH, elles sont notamment vivement contestées et rejetées par James Watson qui, pour rappel, dirigeait le projet. Ce désaccord sonne la fin de l’aventure de James Watson au sein du PGH, qui décide de quitter ses fonctions peu de temps après.

Quant à la méthode utilisée par Venter pour séquencer le génome, beaucoup au sein du Projet Génome Humain estimaient en plus qu’elle n’était pas assez précise pour un génome aussi compliqué que celui de l’espèce humaine. En effet, la connaissance de séquences de gènes partielles n'indique pas au chercheur la fonction biologique ou le but d'un gène dans un tissu particulier. Venter, devenu le « bad boy » de la science, quittera lui aussi les NIH pour le secteur privé, peu après James Watson.

Au final, les brevets ne seront jamais validés, et les demandes seront même retirées en 1994.

Une collaboration internationale

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Le Projet Génome Humain, bien qu’initié aux États-Unis, ne se joue pas qu’outre Atlantique.

Dès 1988, la France développe un programme centralisé de recherche sur le génome humain. À cela viennent s’ajouter les contributions du Centre d’Études du Polymorphisme Humain, le CEPH, et du Généthon. Fondé en 1983 par Jean Dausset, le Centre d’Études du Polymorphisme Humain avait une collection remarquable d’ADN de familles frappées par des maladies héréditaires. En utilisant cette collection, Jean Weissenbach, un chercheur français, s’engage, avec le soutien financier de l’AFM, dans la cartographie du génome humain dès 1990. En 1994, son équipe parvient à constituer la première carte précise du génome humain, positionnant précisément plus de 5000 marqueurs génétiques sur les 23 paires de chromosomes.

Au Royaume Uni, c’est Sydney Brenner qui commence la recherche sur le génome dans les années 80, au laboratoire du Medical Research Council. Dès 1990, la Communauté Européenne est mobilisée et participe au Projet Génome Humain, grâce à des financements publics et privés. Pour ces derniers, nous pouvons citer celui primordial du Wellcome Trust. Fondé en 1992, son centre de recherche, le Wellcome Trust Sanger Institute sera le principal centre de l'effort britannique de séquençage du génome humain.

En dehors des États-Unis et de l’Europe, l’autre moteur du PGH se trouvera au Japon. La Chine, elle se joindra au projet au milieu des années 90.

Aux États-Unis, le remplaçant de Watson au sein du Centre National pour la Recherche sur le Génome Humain est Francis Collins, un scientifique renommé dont les équipes avaient notamment codécouvert les gènes associés à la mucoviscidose et aux neurofibromatoses. Pour Collins, l’objectif est d’accélérer le travail et de tenir les délais. Le projet avance, mais pas aussi vite que prévu.

Il établit également un nouveau plan quinquennal à son arrivée, un plan sensé intégrer les progrès technologiques qui permettraient justement d’accélérer la cadence. Les objectifs financiers, quant à eux, ne sont pas non plus atteints. L’objectif de 0,50 $ par base séquencée n’est toujours pas effectif en 1996. En 1998 , à l’heure de la fin du plan quinquennal lancé par Collins, une grande majorité des objectifs de cartographie est réalisée. Mais seulement trois pour cent du génome humain est alors séquencé, pour un financement global de 1,8 milliard de dollars.

Les doutes commencent à se faire de plus en plus insistants, et la date de fin du projet, initialement prévue pour 2005, semble désormais bien optimiste…. Bref, il faudrait presque qu’un nouvel acteur entre dans la partie pour bousculer les choses...

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Un tournant inattendue : la course entre la recherche publique et privée

Et c’est à ce moment que nous retrouvons Craig Venter...

Pendant les quelques années qui ont séparé son départ des NIH à 1998, Venter n’a jamais perdu de vu le projet qu’il avait quitté. Son départ lui avait laissé un goût amer, et il était persuadé que sa technique permettrait le séquençage complet du génome, plus rapidement, et à moindre coût. C’est dans ce sens qu’avec plusieurs investisseurs, il crée l’entreprise Celera Genomics, avec pour ambition, bien entendu, de séquencer entièrement le génome humain en trois ans.

Les partenaires de Venter sont issus de l’industrie, et lui permettent de travailler avec du matériel de pointe. Venter et ses équipes sont ainsi capables de réassembler les séquences « facilement », ce qui leur fait gagner un temps monstre, et leur permet également d’économiser de l’argent. Il avait notamment pu tester la technique et la technologie pour séquencer les 1,83 millions de bases nucléotidiques de la bactérie Hemophilus influenzae, le tout en à peine un an.

À l’époque, il s’agissait du premier organisme vivant libre à être complètement séquencé. En mai 1998, la course au génome était officiellement lancée. Et cette course, sans grande surprise, inquiète beaucoup les scientifiques du Projet Génome Humain. Face au rouleau compresseur Celera, beaucoup pensaient que les financements allaient être plus compliqués à obtenir, et face aux prédictions extrêmement optimistes de Venter et ses équipes, il y avait de quoi commencer à douter de la capacité du PGH à gagner la course.

À travers cette course, deux approches s’affrontaient...

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L’approche PGH vs Celera

Pour les scientifiques du Projet Génome Humain, la stratégie était de d'abord diviser le génome en morceaux plus petits et plus faciles à gérer. Ces morceaux étaient longs d'environ 150 000 paires de bases et se chevauchaient, c’est-à-dire que certains morceaux avaient des parties communes afin de faciliter l’assemblage des séquences dans le bon ordre.

Chacun de ces fragments d'ADN était ensuite inséré à l'intérieur d'un chromosome artificiel bactérien où ils étaient clonés et enregistrés. En utilisant les morceaux qui se chevauchent comme guide, les chercheurs ont marqué la place de chaque fragment dans le génome pour créer une carte précise. Ce processus a pris six ans.

Puis, les fragments clonés ont été séquencés dans des laboratoires du monde entier selon l'un des deux grands principes du projet : que la collaboration sur le patrimoine commun de l'humanité soit ouverte à tous. Dans chaque cas, les fragments ont été divisés en plus petits morceaux longs de 1000 paires de bases, qui là aussi, se chevauchaient. Ensuite, en utilisant la méthode Sanger, chaque pièce a été séquencée base par base ou lettre par lettre. Cette approche rigoureuse, et minutieuse, basée sur la cartographie appelée « séquençage shotgun hiérarchique » a minimisé le risque de mauvais assemblage.

Cette méthode « mieux vaut prévenir que guérir » utilisée par le consortium international contrastait fortement avec celle de l’entreprise Celera. Celera choisit en effet la méthode de séquençage shotgun du génome entier, qui reposait sur le fait de sauter complètement la phase de cartographie. Une approche beaucoup plus rapide, même si jugée très/trop risquée par beaucoup à l’époque. Dans cette méthode, le génome entier est directement découpé en un énorme tas de petits morceaux qui se chevauchent.

Une fois ces morceaux séquencés via la méthode Sanger, Celera tente de reconstruire le génome en utilisant uniquement les chevauchements, ce qui peut être source d’erreurs. Méthode donc très risquée voir kamikaze, elle finit par prendre tout son sens à partir de 1998.

The Bermuda Principles

Alors pourquoi 1998 ?

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Eh bien, car c’est la date de l’entrée en vigueur des Bermuda Principles. Un acte fondateur de la recherche sur les données génomiques. Adoptés par le Projet Génome Humain en 1996, ces principes avaient pour effet de prévoir la publication dans le domaine publique des séquences d’ADN effectuées par le PGH. En d’autres termes, les scientifiques de Celera pouvaient donc avoir accès, de manière tout à fait légale, aux données de leurs rivaux, et ce, seulement 24 heures après. Et donc, forcément, la méthode utilisée par Celera, combinée aux donnés mises dans le domaine publiques par les scientifiques du PGH, ont permis à Venter et ses équipes de rattraper leur retard, et surtout, d’avancer très très vite.

Précisons tout de même que les Bermuda Principles ne concernaient pas que la publication des données dans le domaine publique. Ils prenaient également en compte les inquiétudes liées aux brevets de gènes, et avaient notamment été pensés pour être flexibles et modifiables pour s’adapter à l’évolution du projet et des schémas de pensée qui lui étaient inhérent. Enfin, ils prévoyaient également de rendre la séquence entière disponible gratuitement dans le domaine public, et ce pour une raison tout à fait désintéressée : faciliter la recherche et le développement, et permettre ainsi de maximiser les avantages pour la société.

Et il faut bien avouer qu’à partir de 1998, le flux quotidien de nouvelles informations sur les séquences génomiques dans le domaine public, généré par un réseau mondial de laboratoires, est devenu l'une des caractéristiques signature du projet du génome humain. Et cette caractéristique signature, il faut bien l’avouer là aussi, était à l’exact opposé de celle de Celera, qui imposait des restrictions strictes sur ses données.

Une autre différence fondamentale entre le PGH, qui représentait le secteur publique, et Celera, issue du privé, était la question du brevetage des gènes. Une différence qui, malgré des tentatives à la fin des années 1990, empêchera tout rapprochement entre les deux parties. Cette question est incroyablement importante dans les sciences d’aujourd’hui.

Enn 2013, la Cour Supreme des États-Unis a statué que les gènes ne pouvait pas être brevetés dans le pays, créant ainsi un précédent qui rend presque impossible la procédure dans le futur. La Cour va plus loin et explique que puisque rien de nouveau n'est créé lors de la découverte d'un gène, il n'y a pas de propriété intellectuelle à protéger. Ainsi, les brevets ne peuvent être accordés.

Le suite du Projet Génome Humain dans un prochain épisode...


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