ICO : Les défis du projet de loi PACTE

ICO : Les défis du projet de loi PACTE

Dix ans après la création du Bitcoin par Satoshi Nakamoto, de nouveaux crypto-actifs font aujourd'hui leur apparition sur le marché du numérique, créant ainsi une véritable effervescence auprès des particuliers et professionnels du métier.

Pour rappel, si la crypto-monnaie fut la première application historique de la Blockchain, le régulateur français comptabilise à ce jour près de 2000 crypto-actifs distincts. Parmi eux, de nouveaux outils, que l'on nomme jeton ou token, permettent à leurs émetteurs de lever des fonds au moyen d'une technologie Blockchain, sans intermédiaire. Apparaissent dès lors progressivement les premières ICO ou Initial Coin Offerings.

En l'absence de réglementation spécifique, l'Autorité des Marchés financiers (AMF) annonçait, le 26 octobre 2017, vouloir lancer une consultation publique sur ces nouveaux modes de financement. Reprenant ainsi la volonté d'acteurs de l'économie numérique, particuliers, professionnels de la finance, d'infrastructures de marché et de cabinets d'avocats, l'AMF présentait, dans le cadre de son programme d'étude baptisé "UNICORN", plusieurs options de régulation :

  • Promouvoir un guide de bonne pratique à droit constant
  • Etendre le champs des textes existant pour appréhender les ICO comme des offres au public de titres financiers
  • Proposer une nouvelle législation adaptée à ces nouvelles formes de levée de fond. Parmi les répondants, la dernière option restant la plus envisagée, si ce n'est la plus envisageable

A bon entendeur, le gouvernement français choisit enfin de se doter d'un cadre législatif complet, permettant notamment d'encadrer les différentes activités liées à l'émission, l'investissement et la prestation de services de crypto-actifs. Le but étant d'assurer au mieux la protection des investisseurs contre les risques que nous connaissons liés au blanchiment d'argent, fraude et escroquerie.

Le 9 octobre 2018, l'Assemblée Nationale adopte en 1ère lecture le projet de loi PACTE, dont l'adoption définitive est attendue au printemps 2019. Le nouveau dispositif, proposé par le trésor français et l'AMF, envisage dès lors l'ajout d'une nouvelle section dans le Code Monétaire et Financier ou CMF (Article L.550-6 et suivants), définissant, d'une part, les notions de jetons et d'ICO et déterminant, d'autre part, le cadre juridique applicable en la matière.

Dans un premier temps, le législateur se propose de spécifier les notions susvisées. Ainsi l'Article 26 du projet de loi définit respectivement la notion de jeton comme "tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien" (Article L.552-2 du CMF nouveau) et d'ICO comme "une offre au public de jetons consistant à proposer au public, sous quelque forme que ce soit, de souscrire à des jetons. Ne constitue pas une offre au public de jetons l’offre de jetons ouverte à la souscription par un nombre limité de personnesfixé par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, agissant pour son propre compte. » (Article L.552-3 du CMF nouveau).

Au regard de la synthèse communiquée par l'AMF le 22 février 2018, nous comprenons que seuls les "utility token", dont la contrepartie consiste en l'accès à un service ou produit dont ils serviront à financer le développement, seront visés par la définition susvisée. Les "security token", dont la contrepartie consiste au droit à une partie des bénéfices dans la perspective d'un rendement financier, se verront probablement soumis aux règles classiques des titres financiers en matière d'offre au public.

Dans un second temps, le législateur confie à l'AMF la responsabilité d'attribuer un VISA optionnel aux porteurs de projets légitimes, respectant dès lors certaines conditions énumérées à l'article L.552-4 nouveau du CMF :

  • L'émetteur de jetons doit être une personne morale immatriculée en France
  • Il doit présenter à l'AMF des documents exacts, clairs et précis destinés aux investisseurs. Sur ce point, le projet de loi entérine la pratique du "White Paper", dès lors généralisée au sein de toute ICO pour rassurer et protéger l'ensemble des investisseurs
  • Il doit se soumettre aux obligations (de KYC notamment) en matière de lutte anti-blanchiment d'argent

Tout acteur labéllisé ainsi figurerait sur une liste blanche que l'AMF communiquera au public afin de donner à leur projet plus de crédibilité.

Toutefois, force est de constater que le visa de l'AMF, ne revêtant qu'un caractère optionnel, relève davantage d'une certification que d'une procédure d'agrément, de telle sorte que toutes autres ICO (sans visa) resteraient licites. Sur ce point, nous ne pouvons que constater la crainte, si ce n'est la timidité, du législateur, alors pourtant que l'objectif premier du projet de loi se résumait en la protection des investisseurs contre tout abus.

Au delà dudit régime, un nouveau statut de prestataire de service sur les actifs numériques devrait être introduit afin d'encadrer les activités d'intermédiation (conservation, achat, vente, plateforme de change). Reprenant ainsi les dispositions de la 5ème directive 2018/843 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (nous rappelons que cette directive est entrée en vigueur le 19 juin 2018), le législateur souhaite soumettre auxdits prestataires l'ensemble des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent (notamment les obligations de KYC)

Avec la mise en place d'un nouveau cadre législatif et la volonté du gouvernement français de faire de la France une destination accueillante pour la blockchain, la révolution cryptographique est bel et bien en marche.





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