III/ Vérité ou fiction ? Les requins, du mythe à la réalité, série d’idées reçues à l’égard des requins
Les observations fréquentes des requins à proximité des côtes Méditerranéennes atteste que les populations sont diversifiées et abondantes, il est donc inutile de les protéger.
Réponse : PAS SI SIMPLE !
Etat des lieux sur les populations Méditerranéennes :
Nous pouvons affirmer qu’un certain nombre d’espèces sont aujourd’hui recensées en Méditerranée. A ce titre, je vous propose un tableau qui compile l’ensemble des espèces observées en Méditerranée. Cette liste fait état de 42 espèces. Le constat est basé sur des observations et un rapport bibliographique. Des rapports empiriques évoquent plus de 50 espèces pour un nombre global de 500 individus. Ce chiffre est à considérer avec prudence dans la mesure où les requins sont des animaux farouches. Si le bilan était réellement de 500 sujets, la situation serait encore plus préoccupante. Notons que parmi cette population certains individus sont des résidents saisonniers de la grande bleue, comme le requin Longimane, venant s’alimenter et mettre bas. Pour certains la Méditerranée constitue un terrain de chasse permanent, temporaire pour d’autres, une nurserie ou encore un espace de rencontre afin d’assurer sa succession. Les mœurs sont encore peu connues, les périmètres et leurs usages mal définis.
Grand Requin Marteau SPHYRNA MOKARRAN
Certaines espèces étaient autrefois très communes, tel que l’Ange de mer Commun. Pour rappel, la célèbre Baie des Anges doit son nom à ce genre de requin, qui pullulait dans la zone il y a plus de cent ans. Les Grands Requins Blancs étaient beaucoup plus observés dans le secteur au cours des années 1980. De nos jours il est très difficile d’avoir le privilège (les sceptiques diront ou pas !) de croiser un Grand Blanc, tout comme un requin Pèlerin. La capacité de résilience d’une espèce n’est pas la même en fonction du type, si l’espèce est benthique ou pélagique. Le taux de nouveaux nés est strictement différent entre un requin Bleu vivipare, un Grand Blanc ovovivipare et une Grande Roussette ovipare. Par conséquent, à prélèvement égal, il y a plus de chances de mettre en péril les populations de peau Bleu que de Grande Roussette. De façon très sporadique, de nouvelles espèces s’introduisent en Méditerranée, ce fut le cas d’un requin Tigre débarqué au port de Martigues il y a une dizaine d’années, ou de requins Pointes Noires qui prospèrent en Méditerranée orientale, originaires de mer Rouge.
Réponse à la problématique :
Pour reprendre l’intitulé de l’article, ce n’est pas parce que les observations sont fréquentes qu’il faille absolument reconsidérer la protection de nos requins. Il ne faut pas se fier à 100 % aux apparences qui peuvent induire en erreur nos décisions. Aussi, ne faudrait-il pas se poser la question suivante : « Pourquoi y-a-t-il une recrudescence notable d’observations de requins à proximité des côtes ? » Cette problématique ne s’applique pas uniquement au cas Méditerranéen, elle touche aussi les autres fronts de mer (je vous invite à vous reporter à mon précédent article : I/ Vérité ou fiction ? Les requins, du mythe à la réalité, série d’idées reçues à l’égard des requins. En France métropolitaine, les requins représentent un danger pour les usagers ?). En effet, il y a quelques jours (le 22 avril dernier), un requin Bleu semait l’effroi dans le port de l’Estaque. Une jeune femelle (entre 2 et 3 m tout juste mature) s’est invitée dans les eaux « calmes » du port. Après une tentative d’évacuation en direction du large, la femelle est réapparue dans le paisible port de l’Estaque. Une seconde tentative…et la femelle s’immisçait de nouveau dans l’enceinte du port. Est-ce une coïncidence ? Nous sommes dans ce cas comme tant d’autres face à un comportement typique de stress. Généralement ces animaux portent des stigmates sur le corps, des blessures occasionnées par une prise accidentelle (pêche non ciblée). Le requin alors blessé peine à résister face aux courants et termine sa dérive sur les côtes, cherchant des eaux calmes ou récupérer. Malheureusement, la plupart de ces individus dépérissent au bout de quelques jours.
Conclusion :
Il est indéniable de soutenir que les requins sont des animaux à la démographie très dynamique, colonisant des territoires propices à leur prospérité. La connaissance des niches, territoires de chasse, de transit…et leurs usages nous laisse aujourd’hui assez peu de lisibilité. Une part de subjectivité s’invite donc dans nos raisonnements. Toutefois, je soutiens que cette hypothèse s’applique lorsque les milieux sont soumis à des conditions normales. Les pressions exercées à l’égard des requins de Méditerranée et d’ailleurs bouleversent profondément les constantes. L’œil nous fait voir ce qu’il veut observer ! Une recrudescence des observations d’individus sur les côtes ne signifie pas pour autant que les populations se portent bien. Une telle déduction tournerait au réductionnisme, voir à la faute. Comme dans le cas du requin Bleu de l’Estaque, il est fondamental d’établir une expertise afin de constater l’état de l’animal, nous donnant une lecture ajustée sur le pourquoi de sa présence. Dès lors, nous pourrons agir à la source et impulser des propositions auprès des institutions compétentes dans le but d’adapter les mesures conservatoires au cas par cas.