Il avait ce besoin machinal de détruire…
Il avait ce besoin machinal de détruire…Essais d’empathie I
Position de l’empathie en Pédagogie sociale
La Pédagogie sociale est empathique; et ce depuis ses origines. Comment comprendre la démarche d’un Korczak, sans la lumière de l’empathie pour l’enfant, pour les enfants?
L’effort d’empathie
L’empathie, de notre point de vue n’est ni une simple projection, ni une confusion; elle est le résultat d’un effort, d’une tentative d’arrachement à soi et à ce qui nous entoure. C’est une tentative pour aborder quelque chose qui nous est inconnu et inaccessible au premier abord: “la vie vue d’en face”. De ce point de vue là, l’empathie n’est pas une limite, un travers, mais une conquête.
Il existe clairement une éducation à l’empathie , et celle ci doit être favorisée par une pédagogie de l’ouverture à l’autre, du don et de la dissymétrie; il s’agit clairement de Pédagogie sociale.
Aurélien
Il avait ce besoin machinal de détruire; ce n’était même pas pensé, pas toujours conscient. Une simple impulsion, une activité mécanique, automatique, presque un besoin vital.
Il détruisait tout ce qui était à sa portée. C’était une véritable activité de tous les isntants. Il s’agiissait d’attaquer tout objte, toute matière qui l’entourait. Si c’était un siège,il en détachait les bordures et la surface; il grattait le bois, déchirait le plastique. Contre un mur, il détachait des bandes de toute surface affichée; le tout en regardant ailleurs.
Étranger à sa propre activité, il en était innocent. Son inconsistance était son meilleur alibi.
Il n’était pas possible pour lui de reconnaître ou simplement de s’informer sur ses propres agissements. Il ne pouvait que les méconnaître, les dénier, avec une énergie qui dépassait la simple dissimulation. C’était un besoin , non pas d’être cru, mais de témoigner de son impuissance à contrôler son action sur le monde.
Mais qu’est ce que détruire?
Est ce vraiment rechercher une fin, un but, ou une victoire? Ou bien la recherche effrénée de laisser une simple question d’empreinte, comme la feuille que l’on arrache en passant sur le chemin.
On détruit avec l’énergie du désespoir quand on n’a pas d’action, pas d’impact possible sur ce qui nous entoure. Aucune capacité de prévoir ou d’influencer ce qui va arriver.
La vie semble alors un décor qui défile sans logique , ni prévisibilité. Pas étonnant dès lors qu’on tente de retenir avec les griffes, ce décor qui s’enfuit.
On détruit bien entendu parce qu’on ne peut rien dire. Rien dire qui ne pourrait être dédit ou contredit; rien qu’on ne saurait faire taire; rien, qu’on pourrait entendre. On détruit quand on ne peut dire que l’indicible.
On détruit parce que les limites sont floues entre soi-même et ce qui nous entoure. On se sent agressé par l’environnement; On détruit parce qu’on est attaqué par tout ce qui nous frotte, nous approche, et nous limite.
Et surtout on détruit pour mettre fin aux choses, c’est à dire à la douleur . Mettre fin à un présent qui toujours nous oppresse, nous angoisse , nous met mal.
A force de détruire, on finit toujours par être exclu, c’est à dire à sortir de ce qui nous insupporte. Mais c’est une sortie sans espoir, sans projet, et sans illusion. On détruit pour gagner du temps.
Que peut on faire, face à ce qui est machinal? Nulle action éducative ou pédagogique, ni même répressive ne peut avoir d’impact. Il ne sert à rien de s’adresser à l’autre, là où lui même est absent.
Ma main droite ignore ce que fait ma main gauche
Ce qui est sidérant dans cette propension machinale à détruire, c’est l’absence de conscience et de présence à ce qu’on agit.
Aurélien pouvait sourire et suivre une conversation agréable, tout en attaquant, avec ses mains, les objets appartenant à son interlocuteur.
Il semble y avoir une totale déliaison à la fois entre l’émotion et l’action, mais surtout un absolu manque de conscience de la pulsion destructrice qui déborde.
Et c’est cela qui est le plus intéressant sans doute, du point de vue de la réflexion: le besoin irrépressible et inconscient de détruire est dissociatif ; il participe de la désunion du corps et du mental, de la désorganisation de la personne, de la perte d’identité générale.
Le besoin de détruire nous détruit si il n’est pas habité d’une conscience, orienté sur un objet, justifié par une pensée.
Et c’est cela seul qu’il convient dès lors de définir comme objectif éducatif et pédagogique.
Il ne sert à rien de regarder là où l’autre se perd.
Tant que l’activité n’est pas investie, habitée, et reconnue, il faut en rester au stade de l’image.
Il ne faut pas perdre son temps à tenter de rééduquer ce qui échappe à toute éducation; à tenter de raisonner ce qui échappe à tout raisonnement; à tenter de rendre conscient, ce qui échappe à toute conscience.
On ne peut atteindre l’enfant qui détruit , en tentant de l’empêcher ou bien en dépensant toute son énergie à protéger l’environnement de son action.
On ne peut l’atteindre qu’en l’acceptant, malgré tout. C’est à dire pour autre chose.
On ne peut l’atteindre qu’en ne le visant pas; qu’en ne le touchant pas; en l’acceptant juste dans notre vie et notre décor.
En le supportant en somme, le temps qu’il puisse se porter par lui même.
On peut tenter aussi tenter de restaurer son unité corporelle perdue.
Réconcilier, unifier, les éléments de son corps; apprendre se constituer des bordures, et apprendre à se protéger des agressions du monde.