Il faudra plus compter sur l’innovation et la créativité que sur la Stratégie Logement annoncée pour soutenir une véritable politique du Logement
La stratégie logement du gouvernement annoncée ces dernières semaines offre quelques approches nouvelles mais ne crée pas une réelle rupture avec celle des précédents gouvernements.
Elle laisse par ailleurs plusieurs points d’importance en suspens.
Les véritables perspectives d’évolutions seront sans doute à trouver ailleurs que dans des mesures budgétaires ou administratives, même si elles sont positives.
Les principales initiatives et leur portée réelle
Au-delà d’une forme plus participative de sa conception (consultation « open source » menée…. au coeur de l’été) et d’une approche tournée plus vers les usagers (les jeunes, les locataires, les salariés précaires …) que vers l’administratif (droit de l’urbanisme, fiscalité, territoires..), la stratégie du gouvernement peut paraître ambitieuse mais reste finalement assez classique dans ses recettes, notamment vis-à-vis du secteur privé.
La novation majeure de l’approche vise le logement social, pour lequel des mesures fortes ont été annoncées (baisse des APL, revue régulière de la situation des bénéficiaires, pression pour réorganiser la filière..). C’est la première fois qu’une ambition globale et « productiviste » de ce domaine est aussi radicalement annoncée et les réactions suscitées ont été à la mesure de ce changement.
Si le but recherché est bien de concentrer l’intervention publique (qui finance) vers plus d’efficacité dans la production de logements et une meilleure réponse aux besoins des plus défavorisés, la refonte de ce secteur pourrait toutefois avoir un premier effet négatif en termes de dynamique (baisse ou report d’investissements), tant que les réformes ne sont pas mises en œuvre.
Dans le secteur privé, le gouvernement in fine principalement sur un "choc de l’offre" avec pour objectif de faire croître la production de logements et d’entraîner ainsi une baisse des tensions du marché.
Cette approche reprend, en les intensifiant, plusieurs démarches déjà engagées précédemment avec des succès divers mais souvent modestes.
- la mobilisation du foncier en zone tendue, au moyen d’abattements sur la plus-value de cession des terrains en vue de la construction de logements neufs. Ces abattements seront concentrées sur une courte période pour entraîner un afflux de terrains à la vente et seront modulés (de 100 à 70 %) en fonction de l’usage futur du terrain. Cette approche, déjà tentée ces dernières années, n’avait produit sous sa forme initiale que des effets mesurés.
- le maintien d’un support à l’accession sociale (PTZ) et à l’investissement locatif (Pinel) en le concentrant sur les zones tendues et en lui donnant une plus longue visibilité (4 ans). La critique fréquente sur l’effet inflationniste de ces aides reste entière, même si elle est modulée et recentrée ; s’y ajoute la critique liée à la fracture géographique qu’elle peut générer.
- la facilitation et la sécurisation du parcours administratif des autorisations n’apportent pas de refonte spectaculaire (au-delà de quelques mesures de procédure judiciaires bienvenues) et n’offre pas là encore de perspectives nettes de simplification et de lutte contre les recours abusifs. Les moyens alloués à la Justice pour traiter efficacement le contentieux de l’urbanisme (né de sa complexité) ne semblent pas pouvoir générer de modification réelle.
- la modération normative, déjà été expérimentée récemment avec quelques avancées à son crédit, pourra se fonder sur des objectifs affirmés: pas de nouvelle norme, droit à l’adaptation à celles existantes, poursuite de la simplification du corpus de normes dont l’effet inflationniste est connu. Ses effets seront néanmoins longs à se diffuser dans le processus de construction.
Chacune de ces orientations, en tant que telle, n’a pas plus qu’auparavant la capacité à réellement entrainer le puissant choc de l’offre attendu, leur mise en œuvre effective et assumée pourra toutefois générer à terme un environnement plus favorable à un développement de la construction.
Les lacunes de cette stratégie
Signalons tout d’abord que les points qui suivent sont encore susceptibles d’être abordés lors du vote de la Loi Logement et pourraient donc faire évoluer l’appréciation sur l’efficacité future de la stratégie du Gouvernement.
- l’incitation à construire par des collectivités souvent réticentes reste timide et peu objectivée : pas ou peu de remise en cause de l’échelon adapté pour délivrer les autorisations administratives, réduction de la recette de la taxe d’habitation pourtant directement corrélée à la création de logements, plus globalement restrictions sur les subventions aux collectivités.
- la réflexion sur la relation propriétaire locataire n’est que peu modernisée – au-delà de la bonne initiative du « bail mobilité » - alors qu’il est prouvé que la frilosité des investisseurs en la matière (qu’il s’agisse des particuliers ou des institutionnels) est largement fondée sur un déséquilibre contractuel.
- l’innovation, à laquelle le domaine du logement aura inéluctablement et heureusement à faire face, n’est pas une thématique réellement développée, alors même qu’elle porte en elle de nombreuses réponses aux défis du logement (comme d’ailleurs du tertiaire), qu’il s’agisse de son prix de revient, de son usage dans le temps ou de sa conception. Les acteurs de la « realtech » l’ont bien compris et n’ont donc pas attendu pour se mettre en marche et apporter les premières réponses à ces questions.
- peu d’initiatives concrètes sont enfin portées sur l’enjeu du logement ancien (pourtant très majoritaire dans le parc immobilier) et en particulier de ses aspects énergétiques. Il est vrai que ce sujet sera vraisemblablement pris en charge par les autres ministères compétents, au risque d’être en contradiction avec la volonté de ne pas sur-règlementer le domaine.
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Au total, cette « Stratégie Logement » reste essentiellement dictée par une contrainte budgétaire forte (recherche d’économies fiscales) et par une foi dans un fonctionnement classique de la loi de l’offre et de la demande.
Elle ne prend pas à sa juste valeur la mesure de l’apport du développement immobilier à la croissance (recettes fiscales et emploi) et à la satisfaction des besoins de la société (qualité et disponibilité de l’offre là où il y en a besoin).
Si aucune des mesures annoncées ne devrait créer de facteurs négatifs sur le logement, en contrepartie aucune ne peut laisser penser que des effets massifs seront à l’œuvre pour développer l’offre.
Finalement, c’est probablement par l’innovation et l’initiative créatrice, comme l’attestent la richesse des réponses aux appels à projets lancés notamment en région parisienne et le foisonnement des initiatives de la Realtech, que viendront les vrais facteurs de croissance en faveur du logement.
Restera alors, pour les gouvernements futurs, à accompagner ce mouvement naissant d’un environnement plus « friendly » à l’instar de ce qui a été accompli en matière d’économie de la technologie et du numérique.
Responsable Régional
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