Il n'y a pas de deuxième prise
J'ai vécu ma première expérience professionnelle au sein d'une multinationale particulièrement exposée en cette fin des années 1990. Les situations de crise étaient nombreuses et leur gestion un exercice auquel elle se préparait en permanence. Mais ce jour-là, j'étais en première ligne et bien trop vert encore pour comprendre ce qui allait se passer...
La télé nous appelle pour interviewer un opérateur qui avait licencié l'un de ses salariés. Ce licenciement avait mis de l'huile sur le feu d'un conflit social déjà très suivi...
Rendez-vous est pris. Avant l'interview, j'échange une dernière fois avec le collègue pour bien préparer l’entretien. C'est assez sûrs de nous que nous accueillons le journaliste et son équipe.
Ça tourne. Le collègue explique ses raisons avec assurance et conviction. Ouf, c’est fait. Mais, non ! Cela ne convient pas au journaliste qui reformule ses questions. Il s'arrête au bout de quelques minutes, questionne son preneur de son en aparté et finit par nous demander de refaire une prise, prétextant un bruit de fond. Nous nous exécutons mais notre porte-parole est moins concentré. Et le journaliste interrompt une fois encore la séquence. Cette fois, c'est le cadrage qui le dérange et il nous demande de nous déplacer. La caméra se remet à tourner : notre collègue n'est plus dedans. Il se fatigue. Il a le sentiment de répéter toujours la même chose, alors il fait des raccourcis. Il pense que ses arguments ne convainquent pas et s’aventure dans d'autres explications. S'agite sur sa chaise et se montre même embarrassé lorsqu'il culpabilise de ne pas emporter l’adhésion du journaliste.
Horreur en regardant l’émission le lendemain : la séquence est catastrophique. Quatre prises avaient été tournées. C'était trois de trop !