Impact de la pollution sur la santé : Comment Israël pourrait se servir de l’expérience française ?

Impact de la pollution sur la santé : Comment Israël pourrait se servir de l’expérience française ?

IsraelValley 12 février 2016

Le journal Haaretz titrait en « une » de son édition du 1er février que la pollution dans la Baie de Haïfa serait la cause de malformations fœtales et d’un taux de cancer supérieur à la moyenne israélienne. Cet article, basé sur une étude menée par l’Université de Haïfa, met directement en cause les émanations de polluants provenant des industries implantées dans la région.

Haaretz précise que l’étude n’est ni encore publiée ni encore même terminée. Nous ne pouvons donc pas à ce jour ni commenter cette enquête israélienne ni proposer de solutions à ce qui est présenté par le journal comme une crise sanitaire. Cependant, ce n’est pas la première fois que la Baie de Haïfa est mise sous le feu des projecteurs pour son niveau élevé de pollution.

La France est le premier pays au monde à s’être dotée, lorsqu’elle créait le Corps des Mines en 1794, d’un organe de surveillance de l’environnement. L’Hexagone a ainsi accumulé une longue expertise tant sur l’étude des diverses sources de pollutions et de leurs interactions que sur l’impact de ces polluants atmosphériques sur la santé.
D’où la question posée en entête de cet article : Comment la France pourrait-elle apporter son expertise à Israël pour une meilleure compréhension des phénomènes en cause et trouver ainsi les façons appropriées d’agir ?

1ère CONSTATATION : IL EXISTE BIEN UN LIEN ENTRE POLLUTION ET IMPACT SANITAIRE

Sans remonter jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, nous pouvons mentionner que l’Observatoire des Risques Sanitaires démontrait dès 2003 à partir de données collectées auprès des Hôpitaux de Paris et de SOS médecin (entre les années 2000 et 2003) les liens existants entre pollution de l’air et hospitalisations. Cette étude n’est pas la première à aller dans ce sens mais elle innove en quantifiant avec précision les liens de cause à effet. Des pathologies, principalement de types respiratoires et cardio-vasculaires, étaient corrélées avec des augmentations constatées des concentrations de différents polluants atmosphériques dans les jours ayant précédés la survenue des symptômes.
Plus récemment, en 2009, L’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) démontrait sur un échantillon de 280 femmes enceintes que l’exposition à des niveaux élevés de Composés Organiques Volatiles (COV) engendrait de type altération de périmètre crânien et poids à la naissance (enquête sur Grenoble, Nancy, Poitier et Villejuif). Or les COV sont justement les mêmes polluants mis en cause à Haïfa et les malformations observées dans l’étude française d l’INSERM sont semblables aux pathologies révélées dans l’enquête de l’Université de Haïfa.

QUELLES SONT LES QUESTIONS PERTINENTES A POSER ? QUE VIENT NOUS RACONTER L’EXPERTISE FRANCAISE ?

Quelle est la nature de ces polluants ? Qui en sont les principaux émetteurs ? Ces polluants agissent- ils seuls sur les organismes ou en association avec d’autres sources de pollution ?
C’est justement ici que l’expérience française pourrait permettre d’éclairer le cas israélien.
Le terme « Composés Organiques Volatiles » représente en fait une vaste famille de polluants chimiques. Le premier secteur en cause dans l’apparition de ces COV est le bâtiment : évaporation de solvants contenus dans les peintures utilisés dans la construction ou dans la rénovation, divers produits d’entretien… L’industrie et le transport automobile (combustion incomplète de carburant) viennent compléter le trio de tête des principaux émetteurs.

Que sait-on d’autre sur ces polluants ? Qu’ils n’apparaissent pas de façon isolée et qu’ils n’agissent pas seuls. L’expérience française montre que les COV servent le plus souvent de « marqueurs » pour caractériser un niveau global de qualité de l’air. De plus, les principaux effets néfastes pour la santé humaines proviennent d’interactions avec d’autres types de polluants émis (poussières, oxydes de soufre, oxydes d’azote…) issus de plusieurs sources se superposant l’une à l’autre : transport, industrie, agriculture, bâtiment…

Enfin, il est nécessaire d’ajouter un dernier élément mentionné par le Haaretz : l’étude réalisée par l’Université de Haïfa aurait pris en compte, pour parvenir à ses conclusions, les orientations et forces du vent. Si l’ingrédient météorologique est en effet essentiel pour bien comprendre les mécanismes des évènements de pollution atmosphérique, l’aspect «vent» en l’un des plus complexes à interpréter.

Ainsi, l’expérience française accumulée sur plusieurs décennies vient nous enseigner qu’il n’est pas aisé de désigner un unique acteur dans le cas d’une pollution à grande échelle. Dans le cas de Haïfa, il semble difficile d’exclure les contributions des secteurs bâtiments et du transport dans l’explication de la situation que connait actuellement cette ville. Or c’est justement l’identification précise des sources de pollutions et des mécanismes d’interaction à l’origine de la crise sanitaire qui permettront de choisir les politiques publiques les plus pertinentes.

En guise de conclusion, souvenons-nous de cette citation d’Hippocrate (-460 avant J-C) extraite du « Traité des Airs, Eaux, Lieux »
«Les divers facteurs externes que le médecin doit observer pour connaître les maladies, les prévoir et les soigner avec succès : d’abord l’orientation des lieux par rapport aux vents, puis les eaux utilisées par les habitants , enfin le climat . »

Par Eric Semel, Docteur en Sciences Physiques (Université Paris-XI) et diplômé de l’Institut Supérieur d’Ingénierie et de Gestion de l’Environnement (ISIGE – Ecole des Mines de Paris). Sur les questions de la qualité de l’air, Eric Semel a travaillé successivement chez Aéroports de Paris et à l’Institut Français du Verre et a été membre du Forum Pollution Atmosphérique Transfrontière. Il a également enseigné ces aspects à l’Ecole des Mines (ISIGE) et au CERFAV (Centre Européen de Recherche et de Formation des Arts Verriers).
Article rédigé avec la précieuse relecture du Dr Hélène Guegnolle, Allergologue clinique, que l’auteur remercie chaleureusement.

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