Indépendants : Transformez vous en Sàrl/SA !
Comme beaucoup d’entrepreneurs, vous avez choisi de déployer votre activité en la forme d’une raison individuelle, notamment pour ses avantages :
- Pas de formalisme nécessitant l’intervention d’un notaire ;
- Pas de capital minimum à verser ;
- Pas d’obligation d’inscription immédiate au registre du commerce (seulement si le chiffre d’affaires annuel dépasse CHF 100'000) ;
Néanmoins, les raisons individuelles présentent aussi leur lot d’inconvénients :
- Responsabilité illimitée de l’entrepreneur sur tous ses biens personnels ;
- Association avec d’autres personnes possible uniquement dans le cadre de sociétés de personnes ;
- Charge fiscale et sociale élevée ;
En cette période de bouclement des comptes, de préparation des déclarations fiscales et de réforme fiscale, il peut être intéressant pour bon nombre d’entrepreneurs d’envisager une restructuration de leur activité et une transformation en société de capitaux.
Faisons le point sur la procédure et les avantages envisageables.
La procédure :
La transformation d’une raison individuelle en une société de capitaux s’effectue par un transfert de patrimoine prévu par la loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus).
Comme toute opération juridique, elle requiert la satisfaction de certaines conditions et notamment l’inscription préalable de la raison individuelle au registre du commerce ainsi qu’un bilan de moins de 6 mois suivant la clôture de l’exercice présentant un excédent d’actifs (fonds propres positifs).
Cette opération nécessitera également la réalisation d’un certain formalisme juridique et la préparation de plusieurs actes (y compris un acte de fondation devant notaire) mais fondamentalement, toute l’activité entrepreneuriale pourra être transférée dans un seul et même contrat, le contrat de transfert.
Relevons enfin que le transfert peut être rétroactif jusqu’à 6 mois.
Les avantages :
Les avantages d’une telle restructuration sont nombreux pour les entrepreneurs. Les exemples les plus importants sont repris ci-dessous :
1. Responsabilité :
La restructuration crée une nouvelle personne juridique, distincte de l’entrepreneur.
Sauf cas particuliers (responsabilité des administrateurs ou des gérants), l’entrepreneur n’est plus responsable de manière illimitée sur ses biens personnels. La société répond elle-même de ses dettes sociales sur son propre patrimoine. Le risque financier pour l’entrepreneur se limite dès-lors à son apport initial.
Ainsi en cas de lourdes difficultés de la société, c’est elle seule qui peut faire l’objet de poursuites.
2. Association avec d’autres personnes et transmission des parts :
L’essence même du capital d’une société de capitaux est de pouvoir être divisé en parts ou en actions.
Cela permet notamment à l’entrepreneur de vendre une partie de ses actions pour s’associer à une autre personne (un concurrent, un proche). Cette transaction relève d’une vente d’actions gouvernée par le droit privé et n’est soumise à aucun formalisme particulier facilitant ainsi la transaction. Dans le même sens, la société peut être fusionnée ou rapprochée d’une autre structure.
Cette répartition du capital permet également de mieux prévoir sa succession. En effet, les parts ou actions de la société peuvent être réparties directement entre les héritiers selon les quotes-parts voulues là où un fonds de commerce est difficilement divisible.
3. Fiscalité :
La restructuration en elle-même est fiscalement neutre dans la mesure où certaines conditions sont satisfaites : maintien de l’assujettissement en Suisse, reprise des dernières valeurs du bilan, transfert d’une véritable exploitation, respect d’un délai de blocage de 5 ans pour la vente des parts sociales ou des actions.
L’impôt sur le bénéfice des sociétés se fait sur la base d’un taux fixe, quel que soit le montant du bénéfice. A contrario l’indépendant est taxé sur son revenu selon un barème progressif pouvant atteindre 40 %. Pour les sociétés, le taux de l’impôt sur les bénéfices est actuellement d’environ 24 % à Genève et sera abaissé à 14 % dans la mesure ou la réforme fiscale (RFFA) est acceptée en votation. Le produit de l’activité sera donc moins lourdement taxé.
Il ne faut toutefois pas oublier que l’entrepreneur sera désormais salarié de son entreprise et percevra un salaire à ce titre. Dans la mesure où le salaire correspond intégralement au bénéfice de la société, l’imposition du salarié sera la même qu’en raison individuelle, limitant l’intérêt de la structure. A l’inverse, si le salaire est contenu aux besoins de financement du train de vie de l’entrepreneur et que le solde des bénéfices est thésaurisé dans la société, les avantages ne sont pas négligeables :
- Une économie fiscale substantielle peut être réalisée dans la mesure où ce bénéfice est fiscalisé à un taux intéressant et qui le sera encore plus avec la RFFA.
- Constitution de réserves renforçant la situation financière de l’entreprise.
- Possibilité d’investissements et de développement de l’entreprise.
Dans le même sens, le bénéfice de la société peut être distribué aux actionnaires sous forme de dividende. Ce dividende n’est pas soumis aux charges sociales et bénéficie actuellement d’un traitement privilégié dans la mesure où seul 60 % du dividende est retenu dans le calcul de l’impôt (ce plafond sera porté à 70 % dans le cadre de la RFFA).
Enfin et certainement l’avantage le plus important, la vente des parts ou des actions de la société constitue un gain en capital exonéré d’impôt pour autant que le délai de blocage de 5 ans suivant la restructuration soit respecté. De son côté, l’indépendant qui vend son fonds de commerce réalise quant à lui un bénéfice en capital imposable et soumis aux charges sociales comme ses autres revenus.
Néanmoins, il convient de nuancer ce point dans le cadre de la retraite. En effet, pour les indépendants ayant atteint l’âge de la retraite et cessant définitivement leur activité, des mécanismes permettent de limiter l’imposition du gain en capital. Dans certains cas, ces mécanismes ne permettent toutefois pas toujours d’atteindre une imposition nulle comme pour la vente des parts sociales ou des actions.
4. Optimisation (rattrapage d’une lacune) en matière de prévoyance :
Pour les indépendants qui n’avaient pas souscrit de LPP (2e pilier), la création d’une société et le fait de devenir salarié entraînera l’affiliation de la société à une caisse LPP.
C’est ici l’occasion pour l’entrepreneur de souscrire un bon contrat LPP générant une capacité de rachat de prévoyance importante. Outre le fait de combler une lacune de prévoyance améliorant la retraite, les rachats seront intégralement déductibles des revenus, permettant une économie fiscale non négligeable.
En tant que salarié de sa propre entreprise, l’entrepreneur sera également affilié à une assurance accidents professionnels et non professionnels, là où certains indépendants peuvent négliger ce point.
5. Autres avantages :
Une société de capitaux peut aussi apporter plus de crédit et de visibilité à l’activité de l’entrepreneur vis-à-vis de certains clients ou pour obtenir des mandats plus importants. En effet, dans certains domaines, une activité déployée sous forme de société apportera plus de sécurité aux partenaires commerciaux qui pourront être plus enclin à vous confier un mandat.
Enfin, relevons que pour le financement d’un bien immobilier privé, les banques peuvent être plus à l’aise avec un salarié (même de sa propre structure) qu’avec un indépendant. Le côté plus aléatoire de la rémunération de l’indépendant offre moins de garanties qu’un salaire fixe mensuel.
D’ores et déjà très intéressante pour les entrepreneurs, la transformation en société de capitaux offre donc de nombreux avantages : économie fiscale substantielle (qui le sera encore plus avec la réforme fiscale envisagée), augmentation de la visibilité et de la crédibilité pour les relations commerciales, renforcement de la santé financière de l'entreprise et sécurisation de l'entrepreneur.