Intégrer le maintien de la paix dans l'objet social des entreprises
Il y a trois semaines, j’ai eu le privilège de pouvoir participer au lancement de l’ONG de Jean-Pierre Raffarin, « Leaders pour la Paix » dans une journée marathon commençant par un déjeuner au Quai d’Orsay en présence de Laurent Fabius et de Hubert Vedrine, se poursuivant à Matignon avec une remise des travaux à Edouard Philippe et se clôturant par un dîner au Sénat sous la présidence de Gérard Larcher. Je tire quelques enseignements de cet évènement qui a un genre nouveau en ce qu’il constitue une initiative ne rassemblant QUE d’anciens leaders politiques reconnus sur la scène internationale.
Ce qui m’a le plus frappé, c’est que derrière l’impulsion de ces leaders (7 anciens premiers ministres, l’ex secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon, l’ex-secrétaire d’Etat adjoint de Barack Obama Anthony Blinken, ainsi que plusieurs anciens ministres des affaires étrangères et ambassadeurs), c’est aussi le rôle des entreprises qui a été souligné, et notamment celui des énergies renouvelables.
Là où les matières premières ne sont pas infinies, le soleil ou encore le vent sont à contrario des ressources inépuisables. Cette approche reprenait les grandes lignes du discours d’Idriss Aberkane sur l’économie de la connaissance, par définition infinie contrairement à l’économie traditionnelle (un « must see »).
Les énergies renouvelables sont ainsi moins susceptibles de faire le jeu d’une géopolitique complexe, voire de conflits armés, qui visent notamment à préserver les accès à certaines matières premières stratégiques, au premier rang desquelles le pétrole.
A un moment où l’objet social de l’entreprise va être discuté en France, la question pourrait même se poser du rôle sociétal de l’entreprise, notamment dans la préservation de la paix. Les énergies renouvelables sont un des exemples qui illustrent l’absolue nécessité pour les entreprises d’aller bien au-delà de la simple vente de leurs produits/services, sur le terrain des valeurs.
Le but, le « purpose » de l’entreprise devient aujourd’hui un enjeu vital, et avec lui la capacité à faire connaitre ce « purpose » et de communiquer dessus.
Avant d’arriver à la « sobriété heureuse » chère à Pierre Rabhi ou à une société du « bien vivre » prisée par Edgar Morin, la capacité à accompagner cette transition dans laquelle nous nous engageons doucement qui va du « consommer beaucoup » au « consommer mieux » (et donc à partir d’entreprises assises sur des valeurs sociales – voire sociétales – fortes) devient un atout compétitif.
Les échanges qui ont eu lieu à l’occasion de ce lancement montrent, à mon sens, que les entreprises peuvent faire la différence en contribuant au maintien de la paix. Mais cela doit s’accompagner d’une prise de conscience sur les zones émergentes de conflit, ce que les participants à l’ONG Leaders pour la paix peuvent relayer dans leurs pays auprès des décideurs et de l’opinion. Les travaux de l’ONG remis au Premier Ministre dans la magnifique ancienne salle du conseil des ministres de Matignon se sont concentrés cette année sur les crises émergentes comme la frontière tuniso-libyenne, la frontière americano-mexicaine, ou encore la question du climat et de l’Asie.
L’objectif de l’ONG est de publier annuellement un rapport présentant « quelques pistes pour une diplomatie réactive ». A l’heure de la diplomatie économique, les entreprises ont clairement leur rôle à jouer dans ce combat.