Interview - Yann Pelard
La consolidation du marché des Conseillers en Gestion de patrimoine (CGPs) fait énormément parler d’elle et génère de nombreuses discussions car elle intéresse tout le monde. Mais qu’est-ce que c’est ? Et pourquoi ? Qu’en est-il du Groupe Premium ? Décryptage avec Yann Pelard , Directeur des Opérations au sein du groupe.
Qu’est-ce qu’on entend par « consolidation du marché des Conseillers en Gestion de patrimoine » (#cgp) ?
YP: Concrètement, ce sont des cabinets qui se vendent et s’associent à des acteurs plus importants. L’acteur approché renonce à plus ou moins d’autonomie. A titre d’exemple, Groupe Premium s’est récemment associé avec le Groupe Forward – un cabinet considéré comme LA référence en matière d’accompagnement sur les institutionnels – ou le Cabinet Linard Charbonnel – acteur incontournable pour les dirigeants d’entreprises sous LBO (ndlr : Leverage Buy-Out)).
Pourquoi observe-t-on cette consolidation ?
YP : Elle répond à plusieurs besoins, nous en avons identifié trois :
Premièrement, les acteurs cèdent car ils sont vieillissants et veulent que leurs clients soient correctement pris en main. Deuxièmement, parce que le métier de CGP a évolué ; en plus de son rôle d’accompagnement et de développement, un conseiller doit également agir en tant que chef d’entreprise. Pour certains, le poids de ces deux casquettes devient trop lourd et les écarte de leur métier premier (ndlr : la gestion de patrimoine). Voilà pourquoi des microstructures ou des structures intermédiaires s’inscrivent dans des structures plus grosses: pour pouvoir se consacrer aux premiers amours du métier et offrir le meilleur service possible tout en restant compétitif.
La dernière raison est l’ambition, l’objectif étant d’« être plus fort ensemble ». Certains CGPs souhaitent se développer mais réalisent qu’ils ont atteint un « plafond de verre » ; leurs moyens ne suffisent plus et ils ne parviennent pas à aller plus haut. Ils vont donc s’inscrire dans un projet qui les sécurise, un groupe qui les supporte et leur apporte d’autres ressources comme le suivi de la performance financière, un support IT, une communication d’envergure et une aide juridique face aux réglementations extrêmement lourdes et compliquées. Si une microstructure ou une structure de taille intermédiaire se met dans un ensemble plus important, elle peut alors chercher des véhicules d’investissements à plus fortes valeurs ajoutées pour ses clients…
Qu’en est-il des petits et moyens acteurs ?
YP : Il est beaucoup plus compliqué d’être seul aujourd’hui qu’il y a quelques années, du fait de toutes les régulations mises en place, de la complexité de l’administration et de la quantité de ressources nécessaires pour bien accompagner ses clients. La consolidation est un mouvement en route qui va prendre de plus en plus d’ampleur, il ne faut pas le redouter. En soi, il n’y a pas de bon ou mauvais modèle, chaque modèle offre des opportunité différentes et intéressantes.
Groupe Premium est un acteur majeur de cette consolidation, quel est son leitmotiv ?
YP : Notre leitmotiv c’est « grandir ensemble » pour ceux qui atteigne un « plafond de verre » et souhaitent aller plus loin. Pour nous, ça se fait souvent par association. Quand nous investissons dans une entreprise, c’est un business model que nous avons validé. Derrière cela il y a des hommes et des femmes, c’est donc l’humain avant tout.
Quel procédé avez-vous suivi pour opérer cette consolidation au sein du Groupe Premium et arriver sur le marché des CGPs?
YP : Historiquement Groupe Premium avait déjà effectué des opérations de croissance externe sur ses activités originelles que sont le courtage en assurance et la gestion d’actif.
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Avec l’arrivée d’ Eurazeo au capital du groupe – et aujourd’hui fond d’investissement majoritaire – est né le projet de la création d’une troisième branche indépendante au sein de Groupe Premium : le pôle CGP. Ce projet est extrêmement important, nous l’avons démarré par un mouvement de rachat de cabinets et avons mobilisé beaucoup de moyens afin d’être expert dans la consolidation du marché. Nous avons internalisé la ressource M&A (ndrl : Mergers & Acquisitions) pour pouvoir analyser et accompagner tous nos dossiers.
Avec cette consolidation, n’y a-t-il pas un risque de dénaturer un projet d’une microstructure ou d’une structure intermédiaire et qu’elle perde son autonomie ?
YP : Il ne faut pas confondre indépendance capitalistique et autonomie, ce sont deux choses différentes. Nous ne voulons rien dénaturer, ce serait aberrant d’investir dans un projet pour expliquer ensuite aux gestionnaires, à des femmes et des hommes qui savent travailler et ont acquis un savoir-faire avant de nous rejoindre, comment procéder ! Nous conférons beaucoup d’autonomie à nos partenaires, notre rôle est de les encourager et de leur apporter des moyens supplémentaires les aidant à développer leur modèle.
Nous avons pu observer des mouvements inflationnistes sur la valorisation des cabinets au cours des 5 dernières années, qu’en pensez-vous ?
YP : Le modèle de valorisation des cabinets a beaucoup évolué ces 4-5 dernières années. De manière générale, je dirais que les acteurs du marché restent raisonnables mais il peut y avoir des exagérations. Le mouvement de consolidation n’est pas qu’une question de prix mais aussi une question de projet et d’humain. Au sein du Groupe Premium, l’internalisation de la ressource M&A nous a permis d’avoir une approche très fine. Le but étant de valoriser au juste prix les cabinets et de proposer un projet à des personnes, pas de spéculer sur des produits.
Est-ce que l’offre produit et financière est importante dans la conquête de clients “patrimoniaux” ?
YP : C’est fondamental ! Le terme clé, c’est la valeur client. Qu’est-ce que c’est ? C’est la valeur ajoutée embarquée dans les véhicules d’investissements proposés par les CGPs à leur client. Ces derniers sont déterminants et extrêmement importants pour pouvoir bien servir son client et le conseiller au mieux. Pour accéder à ce type d’investissements, l’effet de taille est capital car cela nécessite d’être en capacité de mobiliser des capitaux importants. Seul, c’est compliqué, mais au sein d’une structure plus large, on peut aller chercher ces véhicules d’investissement destinés à mieux servir le client final… la consolidation prend tout son sens ici.
Une des propositions de valeur proposée au sein du Groupe Premium c’est d’avoir une gouvernance et une organisation de produit permettant d’aller chercher ces véhicules. Des produits plus exclusifs, plus élitistes qui offrent plus de rendement mais nécessitent des investissements plus importants. Il faut être capable de se mobiliser et de lever plus de fonds, d’où cette affirmation que consolider c’est « être plus fort ensemble » afin de réaliser notre objectif. A titre d’exemple, nous pouvons citer le Private Equity, les clubs deals en immobilier et d’autres classes d’actifs qui nécessitent la mobilisation de capitaux importants.
Pourquoi de nombreux acteurs choisissent de s’associer au Groupe Premium plutôt que d’autres groupes ?
YP : Nous sommes 4 à 5 acteurs de taille comparable sur le marché. La dynamique et la vitesse de croissance organique du Groupe Premium sont des facteurs de taille par rapport à la norme du marché. Pourquoi ? D’une part, parce que l’arrivée d’EURAZEO – le plus gros fond d’investissement français – a joué un rôle important dans notre croissance, mais aussi pour nos valeurs extrêmement fortes comme le partage de richesse, l’ascenseur social, l’égalité des genres et la méritocratie. Rejoindre le Groupe Premium c’est adhérer à ces valeurs, et cela se traduit par les 350 personnes qui sont aujourd’hui intéressées au capital du groupe. Nous sommes le seul acteur à avoir cette dynamique et nous avançons 5 à 6 fois plus vite que les autres. La réalité c’est que c’est un projet humain avec un grand H.
Quelles sont les perspectives pour l’avenir ?
YP : Nous allons continuer à développer notre maillage territorial ainsi que notre trajectoire digitale en mettant des outils à disposition du personnel. Nos domaines d’expertise sont aujourd’hui reconnus mais il reste à les compléter via des acteurs incontournables dans leur propre domaine. Un cabinet est généralement reconnu sur un domaine spécifique, et c’est la somme de ces différents acteurs qui fait qu’un grand groupe - comme Groupe Premium - devient expert dans tous les domaines.