J'écris ... découvrez un petit extrait

J'écris ... découvrez un petit extrait

Entre biographie, imaginaire, histoire et actualité, découvrez les évènements qui ont façonnés le projet GLOBE CULTURE au fil du temps. Petit extrait d'un roman en cours d'écriture qui permettra de financer nos rêves et peut-être plus.

Dans cet extrait nous vous proposons un petit voyage dans l'hôtellerie de luxe.

"C’est ainsi qu’à l’âge de vingt-huit ans, j’ai géré pendant plus d’un an l’administration d’une maison d’hôte en Provence, qui ressemblait plutôt à un petit hôtel de luxe quatre étoiles. Son propriétaire, à la réputation largement controversée, avait fait fortune dans la mode. Homme de taille moyenne, larges épaules, carrure imposante, sourire de circonstance, ton calme, il attirait la sympathie et le respect. Il côtoyait les « grands » de ce monde. Des noms tels que Vuitton, Dior, Cartier… faisaient appel à lui pour l’organisation de leurs évènements. Beaucoup parlaient de lui comme d’un créateur de rêve lorsqu’ils évoquaient ses œuvres et son parcours à succès. Chaque année à la période estivale, les chaînes du groupe Bouygues avaient toujours un mot pour plébisciter sa maison d’hôte, un lieu tellement beau en apparence. Dès notre première rencontre, je lui avais accordé une confiance toute relative.

Cette « maison d’hôte » n’avait été conçue que dans un seul but : la promotion de son image, l’accueil de ses amis, la flatterie de son ego. Tout y était beau. Pourtant, il en dégageait une ambiance étrange, artificielle, décadente, qui me donnait presque la nausée. La clientèle se composait d’anonymes français et étrangers mais également d’acteurs, d’artistes, et sportifs en tout genre. Toutes ces personnes « people » cherchaient un peu d’anonymat à la période estivale. Seraient-ils venus s’ils savaient tout ce que nous vivions en réalité ; le traitement accordé aux stagiaires, la gestion financière, cette attitude nauséabonde ? J’aime à penser que non. Mais finalement s’ils voulaient savoir, ils sauraient, personne n’est dupe, ce monde où les riches sont riches et les autres restent à leur place convient finalement à tout le monde, surtout lorsqu’on est du bon côté. 

Chez lui, des peintures à même le sol et dans chaque pièce, de l’art, de l’art et encore de l’art. Dans la maison d’hôte, chaque objet de décoration était aussi une œuvre d’art, du moins d’un point de vue fiscal. L’art fait partie de ces nombreuses niches françaises qu’aucun politique ne touchera jamais. Car, cela convient à tout le monde. Les riches défiscalisaient et enrichissaient leur patrimoine personnel au passage, les artistes pouvaient continuer à créer. 

Pour ma part, l’art reste un mystère. Le plastique de Starck, les chiens de Koons ou encore son bouquet de tulipes, le « tree » de Paul McCarthy, le noir de Pierre Soulages, les pois de Yayoi Kusama, le début de l’art conceptuel initié par Jackson Pollock, la  « Merde d’Artiste » de Manzoni exposée au Centre Pompidou… Toutes ces œuvres d’art moderne ne me semblaient pas être autre chose qu’une merveilleuse niche fiscale, permettant aux fortunés de ce monde d’enrichir leur patrimoine personnel en prétendant œuvrer vertueusement pour la culture.

Le montage financier de cet établissement de rêve ? Un domaine agricole, une SCI, une société exploitant l’hôtel et un lien obscur avec son autre société à Paris. Un montage complexe où l’art semblait être au centre de tout. Avec trois cent mille euros de déficit chaque année depuis dix ans. Deux cent mille euros de dettes fournisseurs, deux millions de dettes sur son compte courant, quarante mille euros de dettes sociales. La rentabilité ne semblait pas être une priorité.

Un jour, je tombais sur un reportage qui présentait la jolie cabane perchée qu’il venait d’ajouter à sa collection, un petit investissement de soixante-quinze mille euros. A ce moment là, l’établissement était en plein redressement judiciaire et nous avions terminé la saison sans recevoir nos salaires. La récompense du labeur pour nous était le mépris silencieux de cet homme fortuné.

Rares étaient ceux qui sortaient indemnes des années passées aux côtés de ce personnage obscur et sans intérêt. Et pourtant je découvrais avec stupéfaction la mise à l’honneur de la nouvelle création de cet homme au journal treize heures à la télévision. Aucune publicité ne devrait être faite à des personnes tel que cet homme, des hommes qui n’ont ni valeur, ni compassion, ni enthousiasme. Leur but se limitant à leur simple réussite en la mettant au nez et à la barbe des autres évoquant ainsi le désir et l’envie.

J’ai travaillé plus d’un an pour cet individu, puis j’ai passé six mois à ruminer cette expérience et surtout, la façon dont elle s’est achevée. Six mois à penser continuellement à ce jour où l’huissier avait sonné pour me signifier que je devais rendre les clefs et quitter les lieux. Six mois à me remémorer la violence de ce moment. Six mois, plongé dans les mails et la comptabilité pour préparer le procès avec ce personnage habitué des tribunaux. Ce fut un combat de trois ans, soldé par un statu quo. Les seuls gagnants furent les avocats et leurs factures de plusieurs milliers d’euros.

Un an auparavant, j’avais déjà connu un personnage similaire. J’étais alors responsable de la restauration dans un établissement de type « Small Luxury Hotel » en Italie. Le propriétaire était un riche sud-africain nostalgique de la grande époque bourgeoise du XVII ème siècle, qui regrettait probablement aussi l’abolition de l’esclavage. 

Difficile de savoir si j’avais été au service de la clientèle qui venait dans ces beaux lieux ou simplement une marionnette, agissant selon les caprices d’hommes fortunés. 

Ces deux ans ont eu pour conséquence de me plonger dans une immense détresse. Je m’étais menti. J’avais suivi une voie qui n’était pas la mienne. J’avais accepté de travailler dans des environnements si différents de ma personnalité et de mes principes. Au service de gens détestables. Dans ces lieux en apparence magnifiques, il régnait en vérité une injustice d’une violence inouïe. Comment avais-je pu autant me perdre ? Moi qui avant ça, n’avais fait que des bons choix. "


VAKITA, Reporterre, le média de l'écologie, Ecotalk France , Mylène Girardeau , Anita Girardeau , Mohamed Ali , Alexandra Belliard ,

L'hôtellerie-restauration de luxe, un monde que les médias engagés et écologiques feraient bien de s'intéresser au lieu de relayer les dires de monsieur Ducasse sur la nécessité de "réduire drastiquement notre consommation de viande" lors d'une conférence organisé par lui-même à Monaco.


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