Jacqueline Sauvage. Droit de grâce. Je préfère, ici, prendre le risque d'avoir tort avec Hollande que raison avec la justice

« Condamnée à dix ans de prison pour le meurtre de son mari violent, [Jacqueline Sauvage] cette femme de 69 ans est devenue le symbole des victimes de violences conjugales. La grâce totale du président de la République accordée mercredi a immédiatement mis fin à sa détention » (lefigaro.fr, 28.12.2016)

Droit régalien, droit exclusif du Chef de l’État. Héritage des Rois de France.

« Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. » (article 17 de la Constitution du 4 octobre 1958)

François Hollande a donc exercé son droit de grâce. Ce n’est pas une amnistie, la condamnation de Jacqueline Sauvage restera inscrite à son casier judiciaire. La décision de justice qui l’avait condamnée à 10 ans de réclusion par la cour d'assises – et quoi qu’on en pense – n’est pas bafouée. Moins encore une décision « consternante et lamentable », comme a pu l'exprimer Virginie Duval, présidente de l'Union Syndicale des Magistrats (USM) sur LCI. Hors alors à bafouer le droit français.

« Ma grâce te suffit » peut-on lire dans les Corinthiens en réponse à la prière de Paul qui demande d’être libéré d’une « écharde de bois » (en réalité, un pieu), rappel de ses faiblesses, qui l’empêche de se vanter et le tenaille.

Plus proche de nous, La prière de Francis Jammes, poète et fervent catholique (1868-1938), chantée par Brassens pour la première fois en 1953. Brassens qui, lui, n’était pas croyant. Pour dire que la religion n'a pas à voir.

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère / Tandis que des enfants s'amusent au parterre / Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment / Son aile tout à coup s'ensanglante et descend / Par la soif et la faim et le délire ardent / Je vous salue, Marie.

Par les gosses battus, par l'ivrogne qui rentre / Par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre / Et par l'humiliation de l'innocent châtié / Par la vierge vendue qu'on a déshabillée / Par le fils dont la mère a été insultée / Je vous salue, Marie.

Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids / S'écrie: " Mon Dieu ! " par le malheureux dont les bras / Ne purent s'appuyer sur une amour humaine / Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène / Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne / Je vous salue, Marie.

Par les quatre horizons qui crucifient le monde / Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe / Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains / Par le malade que l'on opère et qui geint / Et par le juste mis au rang des assassins / Je vous salue, Marie.

Par la mère apprenant que son fils est guéri / Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid / Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée / Par le baiser perdu par l'amour redonné / Et par le mendiant retrouvant sa monnaie / Je vous salue, Marie.

Nul doute, si Francis Jammes avait connu Jacqueline Sauvage, que celle-ci aurait trouvé grâce, et de façon plus explicite encore, dans cet hymne à ceux qui souffrent. Malheureux, battus, désespérés et humiliés.