Jacques Attali : crise sanitaire, économie de la survie et économie de la vie
Jacques ATTALI - photo@SIPA

Jacques Attali : crise sanitaire, économie de la survie et économie de la vie

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Génie ou visionnaire, ou tout bonnement pourfendeur des temps modernes, sans pour autant se prévaloir de la figure mythique du héros ; le personnage demeure inclassable à bien des égards, voire parfois irritant et dérangeant. Il est partout, là où on l’attend le moins en agitant comme une fée de bon augure sa sempiternelle baguette magique.



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Il sait tout et ne se prive pas de nous le rabâcher chaque fois que le monde semble vouloir partir à la dérive. Jacques Attali, une personnalité, il faut bien le reconnaître, hors du commun dont la carrière professionnelle impressionnante peut laisser pantois. Tour à tour, haut fonctionnaire, conseiller d’État, maître de conférence à l’école polytechnique, fondateur et premier président de la BERD, Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement, co-fondateur d’Action contre la faim, il dirige actuellement le groupe Positive Planet.

Mais il est surtout connu du grand public pour avoir été conseiller spécial du président François Mitterrand de 1981 à 1991. 

On lui prête également quelque sympathie appuyée pour le Chef de l’État, Emmanuel Macron. Mais on peut aussi citer l’ancien président Nicolas Sarkozy. Il a été chargé par ce dernier en 2007 de présider une commission pour la libération de la croissance française et relever différents défis macro-économiques. La liste des responsabilités reste en effet édifiante. Une œuvre littéraire aussi, avec plus de quatre vingt ouvrages publiés à ce jour, romans, essais, théâtre, contes pour enfants, des biographies également souvent très fouillées, consacrées à Blaise Pascal, Karl Marx, Gandhi, Diderot, ou de manière plus lapidaire, Aristote, Thomas d’Aquin, Charles Darwin, etc. 

Une œuvre littéraire particulièrement originale dont la forme romanesque puise son inspiration dans une sorte d’irréalité constructive au sens noble du terme, ou tout simplement fantastique, dont les abords constituent un formidable champ de recherche dans de nombreux domaines de la connaissance universelle.

Se préparer à ce qui vient pour sortir du tunnel de la peur !

Dans son dernier livre, intitulé L’économie de la vie, se préparer à ce qui vient, et dont le titre est loin d’être anodin, l’auteur de Verbatim I, II, III, nous met en garde contre l’évolution incertaine de la crise sanitaire qui frappe la planète depuis plusieurs mois maintenant. L’homme avance désormais masqué, se lave les mains à tout bout de champ, garde ses distances avec autrui comme avec ses proches.

Évite de faire la bise ou de serrer des pognes, en préférant le coude. On peut en rire ou en pleurer, tant cette nouvelle posture semble misérable et clownesque devenue naturelle par la force des choses. L’idiotie semble décidément innée, même imposée par les circonstances ! Un véritable film d’épouvante en somme, dont pourtant nous nous accommodons au quotidien bon gré mal gré sans vraiment trop nous soucier des véritables conséquences pour demain.

« Je crois qu’à la mi-temps de cette bataille, une synthèse est utile (…) Une perspective aussi afin d’éclairer ce qui reste à faire, pour se préparer à ce qui vient. » En effet ce qui vient, ou ce qui semble venir à grands pas, reste une véritable nébuleuse dont même la médecine s’avère malheureusement impuissante du moins pour le moment. Que va-t-il advenir de l’humanité, au moment où tout semble vouloir s’effriter ou s’effondrer comme un château de cartes ?

La peur se révèle chaque jour grandissante quoique l’on puisse en dire et nos moyens d’action demeurent encore faibles. C’est une évidence incontournable. « Il faudrait disposer d’un milliard de masques par mois et deux millions de tests (…) Ce serait déraisonnable de penser qu’il faut se contenter d’espérer les acheter à l’étranger ou ailleurs. »

Alors que « l’humanité semble traverser un cauchemar. Et n’avoir qu’un désir, qu’une ambition, qu’une supplication, qu’il se termine et qu’on en revienne au monde d’avant ». Affirme encore Jacque Attali, dans un style littéraire qui se veut à la portée de tous. Pas besoin d’écrire des chimères. Les faits sont là. Ils parlent d’eux-mêmes.

D’ailleurs,« n’aurait-il pas mieux valu écrire un roman, une pièce de théâtre, un poème ? Ou mieux encore ne rien écrire du tout, faire silence, ne rien faire ou encore lire tous les livres en jachère, écouter toutes les œuvres musicales encore à découvrir. À méditer ». Pourquoi pas ? C’eut été une bonne idée pour le repos de l’âme si Jacques Attali, n’avait été lui-même un résistant convaincu au fait de ses intimes convictions. Un acteur majeur des prises de conscience planétaire. En clair un lanceur d’alerte avant l’heure. Un incomparable chien de garde !

Penser aux générations futures sans se voiler la face…

Et puis bien évidemment il faut penser aux générations futures, celles qui déjà portent dans leur esprit et dans leur corps les stigmates d’une mort lente — à l’aide d’« une perspective, aussi afin d’éclairer ce qui reste à faire pour se préparer à ce qui vient, une synthèse s’éloignant des disputes d’experts plus ou moins autoproclamés, des invectives de ceux qui font commerce de la peur, des postures incantatoires de ceux qui préfèrent répéter les utopies plutôt que de chercher vraiment comment les faire advenir ».

Avec à la clé quelques préconisations de bon aloi, qui n’ont rien d’aventureux ou d’irréalisable pour aborder une nouvelle société moins contrainte et forcément plus exemplaire dans « les secteurs qui déterminent la vie, la santé, l’alimentation, l’hygiène, l’éducation, la recherche, tous ces grands secteurs fondamentaux. Or il faut le faire tout de suite ». En matière de bon sens, Attali reste imbattable !

« Cette réorientation qui doit commencer dès maintenant. Créer les conditions d’abord, de créer des emplois, de créer des richesses et de donner un nouveau sens au temps parce qu’en effet, ce qui est important c’est que le temps prend une autre valeur aujourd’hui. » Une course contre la montre en quelque sorte, afin de surseoir à l’urgence manifeste. Mais vouloir changer le monde est-il aussi facile que cela. Jacque Attali n’est tout de même pas un doux rêveur. (D’après certains calculs, l’écrivain entrepreneur pèserait près de 249 millions d’euros et rien que 82 millions d’euros de revenus bruts de juin 2019 à juin 2020).

Il sait donc de quoi il en retourne d’inverser les mécanismes ; surtout en matière d’économie. Le mal a fait son trou depuis des décennies.

Certes les conditions de vie se sont améliorées un peu partout dans le monde depuis l’après-guerre, mais à quel prix finalement. Sacrifier des millions de vie, à plus ou moins long terme, car c’est aussi une donnée inévitable. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle. Dieu seul le sait ! « Le scénario noir aide à cerner les menaces et à prendre les résolutions nécessaires pour les écarter. Le scénario rose permet de rêver des ambitions les plus folles et de les cristalliser, dans des mots et dans un récit ». Ainsi va la vie…

Jacques Attali – L’économie de la vie, se préparer à ce qui vient – Fayard – 978-2213717524 – 18 €








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