« J’ai implanté 114 ha de silphie perfoliée »
Dominique Péronne , la France Agricole, n° 4 septembre 2020
Pour alimenter un méthaniseur, Jean-Luc Bernard, agriculteur à Damas-et-Bettegney, a choisi une culture encore méconnue en France, mais qui se développe à partir du département des Vosges.
Début août, la culture de silphie de Jean-Luc Bernard atteignait environ 3 m de haut. « En mars, elle était à l’état de rosette. Il faut dire qu’elle pousse de 4 cm par jour sur mai ! » souligne cet agriculteur vosgien, à l’origine de son implantation sur le secteur. La plante est en fleurs depuis la mi-juillet et sera ensilée vers le 10 septembre, la récolte se faisant avec une ensileuse classique avec bec Kemper. Cette nouvelle culture, qui appartient à la famille des Asteracées, comme le tournesol, présente la particularité d’être vivace. Sa durée d’exploitation est en moyenne de 15 ans. Alors qu’il en avait semé 40 ha au printemps 2019, Jean-Luc Bernard en a implanté 75 ha en mai. Le semis se fait au semoir monograines. Stockée comme un ensilage de maïs, cette matière première viendra alimenter, en partie, le méthaniseur que Jean-Luc a fait construire en association avec un agriculteur voisin.
Le cas de cet agriculteur est certes particulier : victime d’un grave accident en 2017, il est aujourd’hui dans l’incapacité de passer des heures sur un tracteur. Sur les 160 ha de labour, il ne reste plus que 30 ha dédié au blé. « J’ai fait le choix de la silphie car c’est une vivace, et qu’elle ne demande aucun traitement, à l’exception d’un engrais au démarrage, précise-t-il. C’est sur les conseils du constructeur, allemand, de l’unité de méthanisation, qu’il s’y est intéressé. Celle-ci est déjà utilisée depuis une dizaine d’années outre-Rhin pour son pouvoir méthanogène, similaire à celui d’un maïs ensilage. Jean-Luc Bernard contacte Amédée Perrein, gérant du négoce HADN, situé à Saint-Etienne-lès-Remiremont. Ce dernier se renseigne, se rend en Allemagne, et conclut un contrat d’approvisionnement auprès d’un fournisseur de semences pour l’importation de la variété Abica Perfo.
Mellifère et niche pour petit gibier
« C’est le seul point négatif de cette culture, souligne Amédée Perrein, le coût de la semence : à raison de 3 kg par ha, pour un prix de 570 €/kilo, cela fait une grosse somme à sortir pour l’implanter la première année. Certains banquiers octroient des prêts sur sept ans. Car c’est une plante qui possède beaucoup d’atouts : mellifère, elle sert de refuge au petit gibier, alors qu’elles rebutent sangliers et corbeaux de par ses feuilles rugueuses. Elle résiste très bien à la sécheresse, ses racines allant jusqu’à 2 m. Elle supporte les excès d’eau et n’est gélive qu’à partie de – 40° ! Elle intéresse aussi les agriculteurs ennuyés par certaines ZNT, ou qui ont des parcelles très éloignées. » Pour la valoriser économiquement la première année, puisqu’elle ne sera pas productive, elle est peut être implantée sous un couvert de maïs.
Le rendement moyen est d’environ 18 à 20 t de MS/ha, lorsque la culture arrive à son plein potentiel. Autre atout : elle peut être valorisée en alimentation animale. « J’ai arrêté le lait mais je vais l’utiliser pour les génisses à viande, explique Jean-Luc Bernard. Je récolterai une partie en ensilage avec deux coupes, une vers la mi-juin, l’autre vers la mi-septembre. Les études montrent que sa valeur alimentaire est similaire à celle d’une bonne prairie avec une légumineuse. »
Pour valoriser économiquement cette nouvelle culture la première année, puisqu’elle ne sera pas productive, elle est peut être implantée sous un couvert de maïs, comme ici.