Jeune (et moins jeune) Juristes (…) comment gagner un arbitrage (ou un procès !)
Après avoir observé des avocats efficaces en action au cours de mes 35 ans de carrière en tant qu'avocat, adjudicateur et arbitre commercial depuis 2005, j'ai élaboré 10 règles gagnantes en matière de représentations .
Règle n° 1 : Ne jamais porter atteinte à votre crédibilité auprès du décideur
Si votre décideur pense que vous avez déformé une affaire, le témoignage d'un témoin ou le contenu d'un document, il en conclura probablement que vous ne connaissez pas votre affaire ou que vous cherchez intentionnellement à le tromper. Ne dites jamais rien à un décideur si vous n'êtes pas sûr à 100% que c'est correct. Si vous ne connaissez pas la réponse à une question, dites simplement : "Je ne connais pas la réponse mais je l'obtiendrai rapidement".
Règle n° 2 : Éviter les réprimandes et ne soyez pleurnichard
Les décideurs respectent les avocats qui peuvent défendre leurs clients avec zèle et régler les questions de procédure avec l'avocat de la partie adverse. Essayez de faire les deux. Allez toujours directement au fond des choses sans fustiger la partie adverse ni vous plaindre de la façon dont vous êtes traité.
Règle n° 3 : Jetez par la fenêtre les demandes et les défenses farfelues.
Une autre menace pour votre crédibilité est la demande "à l'emporte-pièce" ou une réponse qui comprend de nombreuses revendications ou défenses qui ont peu de chances d'aboutir. Les décideurs expérimentés reconnaissent qu'il s'agit là d'arguments qui n'auraient jamais dû être plaidés. Ils veulent savoir tout de suite de quoi il retourne vraiment et quelles lois et preuves soutiennent votre position.
Règle n° 4 : En arbitrage, Ne perdez pas de temps et d'argent avec des requêtes
De nombreux avocats inexpérimentés déposent les mêmes requêtes en arbitrage qu'en justice. Il s'agit généralement d'une énorme perte de temps et d'argent pour le client. Les décideurs sont parfaitement conscients qu'en arbitrage, il n'y a pas d'instance d'appel pour renverser l'octroi erroné d'une décision sommaire (interlocutoire) et que l'un des rares motifs de révision judiciaire d'une sentence arbitrale est le refus d'entendre les preuves d'une partie. Sautez les requetés dilatoires et préparez-vous à l'audience aussi rapidement que possible.
Règle n°5. : Faites une déclaration d'ouverture courte mais mémorable
Si vous avez exposé vos arguments dans un mémoire préalable à l'audience, le décideur l'a presque certainement lu et n'appréciera pas une répétition orale. S'il n'y a pas eu de mémoire préalable à l'audience, faites en sorte que votre déclaration d'ouverture soit brève, en fournissant un " résumé de votre affaire dans l'ordre chronologique que vous entendez conduire votre preuve sans entrer dans les détails ". Résumez les points clés en utilisant une phraséologie dont le décideur se souviendra. Mentionnez vos éléments de preuves les plus convaincantes et neutralisez celles de votre adversaire en citant d'autres preuves qui les présentent sous un jour moins favorable.
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Règle n° 6 : Oubliez l'admissibilité de la preuve ; concentrez-vous plutôt sur son poids.
Les règles de preuve ne s'appliquant de moins en moins et pratiquement jamais à l'arbitrage, presque toutes les preuves qu'une partie souhaite présenter seront reçues "pour ce qu'elles valent", et il est donc presque inutile de se battre sur l'admissibilité. Il faut plutôt se concentrer sur l'importance de ces quatre mots. Ex : La preuve que Jean a dit X sur Pierre sera reçue. Mais pourquoi le décideur devrait-il s'en soucier ? Existe-t-il une preuve que Jean est un observateur véridique, qualifié et doté d'une bonne mémoire ? De même, tout document dont l'authenticité n'est pas contestée sera généralement reçu mais n'aura que peu de poids, à moins que le promoteur ne démontre que la personne qui l'a rédigé avait suffisamment de connaissances et de motivation pour le rendre fiable.
Règle n° 7 : Ne dirigez pas votre témoin pendant l'interrogatoire
Votre décideur ne sera pas impressionné par un interrogatoire qui consiste à ce que votre témoin accepte simplement votre récit des événements. Mener un interrogatoire sans questions suggestives est un travail difficile qui exige une planification minutieuse et une préparation approfondie de votre témoin. Si votre témoin peut raconter une histoire cohérente, claire et concise, dans ses propres mots, cet interrogatoire ( son témoignage) aura beaucoup plus d'impact sur le décideur que n'importe quelle question suggestive que vous pourriez poser.
Règle n° 8 : Moins est plus pendant le contre-interrogatoire
N'interrogez pas le témoin adverse sur tout ce qu'il a dit au cours de l'interrogatoire en chef ; cela lui donnerait l'occasion de répéter les nombreuses parties de son témoignage que vous ne pouvez pas réfuter simplement en l'interrogeant. Posez plutôt des questions sur quelques déclarations faites lors de l'interrogatoire , et forcez le témoin à reconnaître que la déclaration était "incorrecte" , imprécise ou, mieux encore, "fausse". En général, la meilleure façon d'y parvenir est de confronter le témoin à une déclaration antérieure clairement contradictoire. Votre première question doit porter sur le témoignage sur lequel vous avez le plus de poids. Une fois que vous avez obtenu du témoin quatre ou cinq aveux d'erreur, terminez le contre-interrogatoire. ( leave good enough alone ! )
Règle n° 9 : Préparez des mémoires qui ne contiennent pas de fautes, pas de mauvaises citations et pas de fautes de frappe.
Tous vos mémoires doivent être brefs, clairs et convaincants. N'exagérez pas vos arguments, ne haranguez pas la partie adverse et ne vous lancez pas dans des fioritures rhétoriques. Vérifiez scrupuleusement toutes les preuves et les citations juridiques pour vous assurer qu'elles sont exactes. Et corrigez soigneusement vos mémoires ; les fautes de frappe, d'orthographe (mea culpa) et autres erreurs similaires indiquent que vous n'avez pas voulu prendre le temps de fournir un produit de première qualité au décideur.
Règle n° 10 : Donnez au décideur les outils nécessaires pour rédiger ce que vous souhaitez.
Au moment des plaidoiries finales, la plupart des décideurs sont sous le coup d'une surcharge d'informations.
Les mauvais avocats aggravent le problème en crachant rapidement des tonnes de données. Mettez plutôt ces informations dans un classeur de plaidoirie finale qui contient tout ce dont le décideur aura besoin pour rédiger ce que vous souhaitez. Il peut accompagner un mémoire de pré-clôture ou être soumis à au décideur au moins 24 heures avant la plaidoirie finale. Il devrait comprendre des copies des plaidoiries, ordonnances et stipulations importantes, une chronologie des événements clés (avec des citations du dossier), un glossaire des termes techniques, un tableau montrant le calcul des dommages, le libellé exact de toute mesure de nature injonctive ou déclaratoire demandée, les témoignages clés de chaque témoin, une liste des principales autorités juridiques (avec des copies de chacune) et les diapositives de toute présentation PowerPoint que vous faites. Votre décideur appréciera grandement d'avoir ces outils à portée de main lors de la rédaction.