Joker
C’est la carte abattue sur la table de la Convention Citoyenne pour le Climat par le Président de la République. Trois jokers avaient même été utilisés avant la conclusion officielle de travaux auxquels aucun représentant de l’automobile n’a été associé.
Une thématique, à l’origine d’un mouvement social issu de graves fractures sociales et territoriales, y était pourtant centrale : « Se déplacer », et il n’est pas insensé de penser que la filière aurait pu apporter ses atouts dans un débat complexe et fondamental pour les citoyens, ainsi que pour toutes celles et ceux qui travaillent dans une automobile aussi plébiscitée qu’incomprise.
Le CNPA s’est ainsi résolu, lui aussi, à déposer un joker, en saisissant aujourd’hui le Conseil Constitutionnel sur plusieurs dispositions de la loi de finances pour 2021, dont la version initiale, rappelons-le, ne comportait pas le « malus poids ».
Nous estimons en effet que le cumul des dispositions adoptées en matière automobile est contraire à l’intérêt général, et contrevient au principe d’égalité devant la loi et au principe d’égalité devant les charges publiques à plusieurs égards.
Au-delà, le fait que le Conseil Constitutionnel puisse examiner la recevabilité du mémoire présenté et apporter ainsi le recul nécessaire à la conception d’une stratégie automobile pesée à l’aune de ses nombreux défis est une bonne perspective. Son examen va permettre d’éprouver, pour la première fois, les propositions issues de la Convention Citoyenne telles qu’elles viennent d’être adoptées par l’Assemblée Nationale.
Rappelons la grande perplexité - pour ne pas dire davantage - du CNPA, et, plus largement, de la filière et des automobilistes dans leur ensemble. Jamais les questions de mobilité n’avaient pris une part aussi intense dans le débat public. Qu’il soit permis d’annoncer la couleur : jamais les réponses apportées n’ont paru aussi illisibles, singulièrement dans le contexte de la tempête économique et sociale qui guette notre Pays.
Plusieurs fois, le signal d’alarme a été tiré sur les conséquences d’un surrégime fiscal et réglementaire imposé au moteur automobile. Rien n’y a fait. Les projets de malus ont connu de nombreux rebondissements, signes d’une évidente absence de consensus. La puissance publique disposant d’un nouvel instrument avec le malus poids, il ne fait aucun doute que l’assiette fiscale, aujourd’hui limitée, a vocation à être largement étendue.
Or, prélever toujours plus aux consommateurs et exiger toujours plus rapidement de la filière des adaptations structurelles, sans correctement évaluer les questions de la soutenabilité économique et de l’acceptabilité sociale : c’est une main perdante. Les taxes ont dépassé, selon nous, une rupture de charge en passant désormais à un niveau général confiscatoire et prohibitif.
Les malus s’empilent, repoussant littéralement les plafonds toujours plus haut. Les conséquences sont déjà tangibles dans un certain nombre de territoires, en menaçant des entreprises pourtant solidement implantées de s’écrouler tels des châteaux de cartes en emportant irrémédiablement emplois et compétences.
Les choix effectués dans cette loi de finances risquent d’aggraver la pente du déclin industriel, reléguant déjà notre Pays de plusieurs places dans la hiérarchie automobile mondiale et européenne, creusant le déficit du solde commercial tout en détruisant des emplois « à bas bruit » dans tous les garages et points de services.
Pour enrayer cette implacable perspective, il faut rebattre les cartes en rompant le cercle dépressif et punitif de toujours plus de fiscalité et de réglementation.
L’automobile est devenu un sujet kafkaïen, l’esprit de nos lois semblant s’éloigner de la sagesse de Montesquieu, « Le mieux est le mortel ennemi du bien ».
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A ce titre, des observations juridiques précises ont été soumises au Conseil Constitutionnel, parmi lesquelles :
- Au regard des changements, incessants, de la législation sur le malus automobile, cette manifeste inconstance n’est-elle pas constitutive d’un défaut d’intelligibilité de la loi ?
- En adjoignant une taxation additionnelle, le malus CO2 intégrant déjà une composante poids, n’est-ce pas une double taxation de nature inconstitutionnelle ?
- Les situations de ruptures d’égalité devant la loi ne sont-elles pas multipliées ?
- Une imposition du type du malus CO2 ne doit-t-elle pas être considérée comme entraînant une charge excessive et disproportionnée au regard de l’objectif qu’elle poursuit quand, par l’importance de son montant, elle cesse d’être incitative pour devenir prohibitive ?
- Le cumul du barème du malus CO2 avec le malus poids ne fait-il pas en pratique obstacle à des ventes de véhicules dûment homologués ? Le caractère confiscatoire n’est-il pas avéré, tout en constituant une entrave excessive à la liberté d’entreprendre ?
- En exonérant les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables, la taxation envisagée n’est-elle pas défaillante au regard du principe de proportionnalité entre l’objectif recherché et les modalités mises en place ?
- L’application de certaines des règles relatives tant au malus C02 qu’au malus poids ne comporte-t-il pas nécessairement des effets discriminatoires ?
- Le plafonnement du malus CO2 à 50 % du prix d’achat n’est-il pas entaché d’inconstitutionnalité, en entrainant l’application de taxes d’un montant inégal à des véhicules présentant les mêmes caractéristiques ?
- Etc…
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Les défis fondamentaux auxquels est exposée l’automobile en France dépassent la question, essentielle, de la constitutionnalité des mesures contestées. Il faut également dépasser l’horizon d’une loi de finances pour mesurer les progrès significatifs déjà accomplis et encourager ceux que la filière doit encore obtenir pour réussir la transition écologique tout en maintenant un haut niveau de valeur ajoutée et d’emplois sur le sol national.
Les investissements à effectuer sont massifs, en technologies comme en compétences. Dans un écosystème en profonde transformation, nul ne conteste l’extrême difficulté des choix à opérer - d’autant plus dans un environnement législatif qui semble en décalage avec les enjeux posés dans le contexte économique et social actuel.
Rappelons que l’objectif du système de bonus / malus, hérité du Grenelle de l’Environnement, était, à l’origine, d’influer positivement sur le comportement des acheteurs mais aussi de stimuler l’innovation technologique. C’est une dimension capitale, diluée au fil des lois de finances, et en dépit des mouvements sociaux liés aux questions de mobilité qui ont secoué le Pays.
La priorité est de restaurer les conditions d’un élan commun fondé sur la confiance. L’automobile s’inscrit dans le temps long, et il ne s’agit pas d’oublier qu’elle correspond aussi à un marché dicté par les choix de consommateurs libres, responsables et éclairés.
C’est la raison pour laquelle fiscalité et réglementation doivent être proportionnées à la recherche, pressante, d’un intérêt général de long terme, fondé sur des études d’impact sérieuses et partagées. Poursuivre sur une approche trop dogmatique reviendrait à affaiblir les capacités d’innovation et à prohiber l’accès à des solutions de mobilité abordables. Cette pente de décroissance aurait un effet économique majeur et un coût social inacceptable tout en desservant la cause d’une écologie du réel.
La mobilité, c’est une question d’équilibre mais aussi de stabilité.
L'État a su montrer combien il était capable d'agilité au plus fort de la crise sanitaire. La cohérence dans les arbitrages politiques doit donc peser beaucoup plus lourd au bénéfice de la filière et des automobilistes. Soutenus pendant une crise hors normes, il reste très difficile de mesurer les conséquences que cette dernière, hélas non encore maîtrisée, emportera sur les comportements de consommation comme sur les modèles économiques et sociaux.
L’engagement d’une solide concertation devrait servir non pas à simplement corriger les dispositions soumises à l’examen du Conseil Constitutionnel, mais à apaiser et à recadrer les termes du débat. L’automobile, carte maîtresse d’une nécessaire conciliation entre économie et écologie, est pleinement engagée dans une transition qui se pilote aussi à l’échelle européenne.
En 2021, il faudra collectivement se surpasser, en comptant sur nos atouts.
Les acteurs de l’automobile et de la mobilité n’en manquent pas, pour peu de leur laisser la liberté de les exercer au profit de la collectivité.
Xavier HORENT, 18 décembre 2020
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4 ansAu vu de l'accueil (glacial) fait par Barbara Pompili au rapport de l'IFP Energies Nouvelles, on peu douter de l'impact de celui-ci sur nos politiques en matière de transports. Et on peut aussi parier sur une petite campagne de dénigrement des conclusions du rapport IFPEN par Transport&Environnement...
President d’honneur 2i-SPEC AUTOMOTIVE : ingénierie de conception automobile, conformité.
4 ansOui, PFA, CCFA, CNPA, et les autres ... faisons connaître largement le rapport IFPEN sur les ondes, sur les plateaux de télé, dans les journaux, à l’Assemblée, au Sénat, ... défendons la vérité scientifique face aux fausses nouvelles ! Nous avons toujours été et nous sommes encore pour longtemps pour la lutte antipollution et la lutte contre le CO2; aucune filière industrielle n’a fait autant d’efforts que l’Automobile. Et ce rapport IFPEN n’est bien sûr aucunement contradictoire avec la volonté actuelle de la filière d’électrifier massivement nos groupes motopropulseurs. Soyons pragmatiques dans cette transition énergétique et ne laissons pas les Chinois, les Allemands, les Coréens manipuler nos opinions pour mieux nous manger ensuite ! La France doit rester un des leaders automobiles. L’industrie automobile tire tous les métiers, toutes les méthodologies, toute l’ingénierie !
Directeur des Affaires publiques/Associé d'ENR AGRI. Membre de l'Académie Française de Judo. Membre de la Commission Sport du GPF. Coach chez KEIJI TEAM BUILDING. Partenaire de Kingyo transition
4 ansBravo Xavier. Tu es le véritable défenseur de la Filière, qui en a bien besoin....vu le silence de certains autres.....
géographe-urbaniste, intelligence et stratégie territoriale, planification urbaine, observatoires, politiques publiques, open data
4 ansLes citoyens volontaires qui ont constitué cette commission ont reçu les "enseignements" de spécialistes autoproclamés, non dépourvus d'un certain charisme, et d'une grande habileté pour faire passer leur message par ce canal. Cela s'apparente à du sabotage d'une assez belle idée, associer aussi des citoyens à la réflexion collective des dirigeants... Gouverner, c'est se donner les moyens d'une vision croisée entre des intérêts qui peuvent souvent être davantage complémentaires que contradictoires, ce n'est pas opposer les uns aux autres, ni imposer au présent des charges inacceptables pour un avenir incertain... Une société se construit au fur et à mesures, par petites touches, mais en gardant certains caps. C'est parce qu'on a abandonné la sidérurgie, le textile, la chimie, l'électronique qu'on a renforcé notre dépendance, accentué les inégalités sociales et territoriales, et que nous sommes aujourd'hui dans de plus grandes difficultés lorsque survient une crise...
Directeur général chez AKnext/AKsolutions « Changer de logiciel pour ne pas avoir à renverser la table »
4 ansEt si on demandait à Xavier Horent de devenir notre ministre de l’éco conception filière automobile et à Bernard Darniche de devenir son collègue à la sécurité routière, il me semble qu’on aurait une équipe qui donne enfin du (bon) sens à l’action et qui pourrait concilier écologie positive, sécurité et retour du plaisir au volant, le tout dans une perspective de mobilité durable !!!