Jordan Bardella : colosse médiatique aux pieds d'argile ?

Bien sûr que Valérie Hayer n'était pas suffisamment préparée avant d'affronter Jordan Bardella à la télévision le 2 mai. Depuis 2018, son contradicteur tire parti de la plus petite matinale pour mettre en application ses séances de media training suivies avec un ancien journaliste TV (ce n'est pas moi !). Au point d'être aujourd'hui devenu l'un des plus redoutables débateurs de la place. Quitte, selon certains de ses détracteurs, à compenser son manque de connaissance des dossiers par une utilisation sans vergogne des techniques de communic'acteurs. À ce sujet, après son passage sur BFM TV, un montage vidéo réalisé par l'émission Quotidien, montre sa reprise au mot près de plusieurs attaques d'Emmanuel Macron en 2017 face à Marine Le Pen. Je ne reviendrai pas sur le procédé, le retour à l'envoyeur est de bonne guerre. Et il est logique de "s'inspirer des gagnants plutôt que des perdants" pour répondre à Yann Barthès. J'observe cependant que la plupart des commentateurs critiquent le copié-collé sans revenir sur la férocité des propos originels, pourtant limites à l'égard d'une femme. Sur ce point, le président du RN ne fait pas plus de sentiment que ses ainés en politique. Dans ma dernière "Séquence du media trainer" j'analyse sa pratique des contrepoints verbaux et non verbaux dans le but de déstabiliser son adversaire. C'est du grand art. Charles Pasqua aurait apprécié.

Punchlines cultes

Cela nous donne en tout cas des indices sur la façon qu'a Jordan Bardella de s'entrainer. Pareil à une IA, il semble glaner tout ce qui fonctionne afin de s'en resservir le moment venu. De fait, avec lui la moindre joute électorale se transforme en battle de rap où chaque pique envoyée à l'adversaire lui permet de marquer des points auprès de ses fidèles. Mais combien de temps encore apprendre par cœur des punchlines cultes pour les rebalancer au moment le plus approprié lui permettra-t-il de monter dans les sondages ? Avoir des convictions chevillées au corps donne certes de l'impact. Mais quid du crédit ? Les antisèches du candidat du Rassemblement National étalées sur toute la largeur de la table et ses messages sur son smartphone me font penser à un colosse médiatique aux pieds d'argile. Il faut voir Jordan Bardella lorsqu'un thème le met dans l'inconfort. Son visage s'assombri, il ramène nerveusement le côté gauche de sa veste sur le droit, sa gestuelle alterne entre doigts noués et bras croisés. Puis, tel un enfant, il prend un air satisfait et sûr de lui après avoir lu les notes sur lesquelles s'appuyer pour rebondir. Un comportement qui m'interroge : Jordan Bardella est-il en capacité de penser par lui-même ? En direct il ne suffit pas d'avoir l'oreille parfaite et une mémoire rapide, il faut aussi savoir improviser. Sur ce point, le duel annoncé jeudi 23 mai entre lui et Gabriel Attal s'annonce riche d'enseignements concernant une possible présidentielle. Ce sont en effet les répliques non préparées qui font la différence lors d'un débat d'entre deux tours.