On joue?

La semaine dernière, Marie Gaymard, plume puissante de LinkedIn posait à sa communauté cette simple question : « C’est quoi le jeu pour vous ? »

Immédiatement, le circuit vers ma source intérieure s’est allumé, a vibré, et m’a pressé de répondre à cette question.

Ma réponse a fusé, instinctive, instantanée, intime, viscérale :

« Le jeu c’est la parade à tous nos renoncements d’adulte.

Le jeu, c’est l’acte de résistance suprême.

Le jeu, c’est un bâton d’immunité pour ne jamais devenir une âme grise.

Le jeu, c’est un bras d’honneur à toutes les postures et les impostures.

Le jeu, c’est le dernier accès qui nous reste à cet enfant qui, au plus profond de nous, hurle de dépit depuis qu’on l’a laissé tomber.

Le jeu, c’est l’ultime rempart à l’absurdité du monde.

La dernière chance.

Et la promesse d’un renouveau. »

L'histoire aurait pu s'arrêter là.

C'est alors qu'une intuition a vu le jour.

Une luciole tenace annonciatrice d'une prise de conscience importante.

Le petit dieu Kairos qui passait par là avec sa mèche folle.

Et si mon moteur n’était pas, comme je le rappelle à longueur de journée, la joie ?

Et si cette joie n’était qu’une heureuse conséquence d’un autre moteur en parfait état de marche?

Et si ce moteur était « tout simplement » … le jeu ?

Pour en avoir le cœur net, j’ai frénétiquement dégainé une feuille A4 sur laquelle j’ai tracé une ligne de vie, la ligne de ma vie (un trait au crayon noir quoi, pour être moins grandiloquent) puis j’y ai positionné les souvenirs joyeux, ces moments où je me suis senti pleinement vivant, tous ceux qui remontaient à la surface spontanément.

La ligne des épanouissements, des succès… et des joies.

Pour mieux comprendre leurs ressorts. Et pour confirmer mon intuition. Le verdict est rapidement tombé.

En plein dans le mille.

Le point commun à toutes ces expériences ?  : j’ai joué. A chaque fois.

10 ans : les interminables parties de belote dans la maison familiale des arrières grands-parents audois. Ma madeleine de Proust à moi.

15 ans : les matchs frénétiques sur les terrains de tennis rudimentaires du village. Le sport par excellence des joueurs, de la tactique, le jeu à l’état pur.

22 ans : année de rêve à l’armée, perché sur les calanques de Marseille, à ne faire qu’une seule chose : courir, de plus en plus vite, et jouer à ramener des médailles.

23 ans : animateur dans un Club Med sicilien, je me régale dans la corne d’abondance, je joue à tout, à en perdre haleine.

24 ans : stage d’été d’un mois dans un magasin de déguisements et farces et attrapes, oui vous avez bien lu, oh "juste pour un petit mois", pour un petit cachet d’été. J’y resterai trois ans. Don't ask.

25 ans : je décide de m’inscrire au jeu télé Pyramides (Y a-t-il plus vintage? Mironton, Barjabulle, Pepita et Marie-Ange Nardi. Respect éternel). Je gagne le jackpot. Et je flambe tout.

Et puis, "ça" arrive.

« Ça », c’est l’injonction, à rentrer dans le rang, à devenir adulte, à choisir un métier sérieux. Une situation, comme disait ma tante Simone. A élaborer un plan. Une stratégie professionnelle. Par le plus grand des hasards, je démarre une carrière dans les médias. Envoyez les paillettes, le bling et la moula, ça brille de mille feux mais ça rigole jaune. Le jeu est particulier.

En tous cas, je ne rigole plus trop, je suis sérieux, je "joue le jeu", je gravis les échelons. Veste, cravate, posture au top, je fais le taf. J'y prends goût même. Plus je grimpe, moins je joue. Moins de jeu, moins de joie. Mais je rassure. Et je fais le job.

Un tunnel de 10 ans. Pas un non-sens, plutôt un hors-jeu.

Mais une étape nécessaire. Utile. Structurante. Sans regret.

35 ans. On me propose de participer au lancement d’un magazine international en France. Grosses responsabilités, grosse équipe, comités de directions et pression quotidienne, ça ne va pas rigoler, mais une étincelle s'allume. Il va y avoir moyen de jouer. Grazia se lance, une équipe se crée, on joue dans la cour des grands. Et on joue plutôt très bien pendant une décennie. Jusqu’à ce que la partie sente le roussi.

48 ans. Je décide alors de jouer à l’entrepreneur. Serious game.

Monter ma boîte. Prendre des risques. Oser le grand saut. Et bing, je crée et commercialise deux jeux de cartes autour de deux de mes centres d'intérêt : la philosophie stoïcienne et les métaphores. Je suis à ma place, animé de la bonne énergie, celle qui vient de la source originelle.

C’est l’enfant des trois métamorphoses de Nietzsche qui s’éclate, qui a trouvé son terrain de jeu, quand le chameau a déposé ses lourds bagages et que le lion a envoyé valser tout ça d’un puissant rugissement (pour celles et ceux qui n’ont pas la réf. : C'est quoi tes valeurs? | LinkedIn)

Le jeu, c'est du sérieux.

Mais le sérieux sans le jeu, est-ce vraiment sérieux?

Ici, ça joue toujours pas mal.

Et la partie ne fait que commencer.

En plein dans le mille.

"L’homme ne joue que là où il est homme dans la pleine signification du mot, et il n’est homme complet que là où il joue." Friedrich Schiller

Et, pour vous, c’est quoi le jeu ? Lui laissez vous encore une place?

A vous de jouer…

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