Kafka s'invite au bal masqué
Recommandé par l’Académie nationale de médecine, le port des masques pour tous n’est pas encouragé par l’OMS. Les Français semblent avoir tranché : les masques sont de sortie ! Comme dans un mauvais remake du film de Stanley Kubrick, « Eyes wide shut », nos rues nous offrent ces spectacles de personnages qui vont masqués pour assurer l’essentiel. Le masque est le couvre-chef de nos ancêtres. De la fin du XIX siècle jusqu’aux années folles tous nos aïeux portaient des chapeaux. Haut de forme, melon, casquette ou béret pour les hommes en fonction de la classe sociale et chapeau ou fichu pour les femmes ; aux indigents les têtes nues. Le masque période COVID-19 a déjà ses codes, des tribus commencent à voir le jour. Aux plus soucieux de l’efficacité : les FFP2 ; aux élégants qui souhaitent se démarquer : le masque artisanal avec imprimé délicat ; aux autres : le simple masque chirurgical. Ceux qui ne se couvraient pas la bouche et le nez ce week-end portaient à la place leur air bravache, leur « no future ». Les démasqués sont peut être en train de devenir les néo punks de nos villes !
Pourtant si l’on sait que de nombreuses entreprises se sont lancées à tombeau ouvert (l’expression prête à discussion en ce moment) dans la fabrication de masques artisanaux, les ventes de FFP2 et de masques chirurgicaux sont toujours interdites en pharmacie. L’Etat français a réquisitionné par décret du 3 mars l’ensemble des stocks et productions de masques sur le territoire national. Les pharmaciens doivent les réserver aux seuls personnels soignants. Les contrevenants, s’ils sont démasqués (on s’y perd !) risquent 6 mois de prison et 10 000 Euros d’amende. Mais alors d’où sortent tous ces masques dans la rue ? Des petits larcins, le système D, la débrouille et même le marché noir font le travail. On s’échange aujourd’hui les bons plans de masques comme hier on partageait un dealer.
En même temps des maires, comme Christian Estrosi à Nice, voudraient légiférer et obliger le port du masque par arrêté. Le Conseil d’Etat veille au grain et s’y oppose argumentant un manque de cohérence nationale. Mais rappelons aussi qu’il faudrait d’abord abroger. En effet, chacun semble avoir oublié qu’il existe en France une loi interdisant la dissimulation du visage. Elle avait été adoptée il y a 10 ans pour contrer l’offensive du niqab !
Des ordonnances qui annulent des arrêtés qui eux mêmes oublient des lois totalement contraires. Ces mêmes arrêtés imaginés pour rendre obligatoire des produits dont la vente est interdite. Des pharmaciens démasqués, des revendeurs qui avancent masqués et des organisations sanitaires opposées : voilà que Kafka s’invite dans cette affaire du coronavirus. Il ne manquait plus que lui.
Franck Boissin
#noustiendrons