Kaizen, une dinguerie !
"Kaizen", le film d'Inoxtag qui relate sa préparation physique et son ascension de l'Everest, est devenu le plus gros carton jamais enregistré sur Youtube.fr. Près de 30 millions de vues en moins d'une semaine et une sortie simultanée au cinéma ont propulsé ce documentaire, a priori anonyme, à la 2ème place du box office national, juste derrière "Beetlejuice" de Tim Burton. Quand même.
Ce film envoie un message puissant à tous les jeunes accros aux écrans. Ici, ce ne sont pas les parents ou les professionnels de santé qui le disent : "Faut arrêter d'être derrière les écrans, et scroller, et vivre à travers les autres. Sortez dehors, si vous avez un projet, faites-le... Mec (Mathis Dumas), cette année j'ai appris la vie, gros, j'te jure, et j'me sens vivre, bro..."
Le détournement des réseaux sociaux de leur fonction première – le partage de savoir – au profit de la publicité, du scroll infini et du like flatteur peut avoir des conséquences sur la santé mentale des jeunes : troubles du sommeil, problèmes de concentration, isolement social. Déjà 1h d'écran en moyenne à 2 ans et près de 8h30 à 14 ans.
Pourtant, les réseaux sociaux ne sont pas en cause. Ils regorgent de contenus gratuits et neutres, excellents pour l'apprentissage et le développement personnel. À une époque où l'éducation nationale bat de l'aile et où tout le monde cherche de nouveaux repères, on peut visiter les communautés de vulgarisation des sciences sur Youtube comme Sciences Trash, Khan Academy, Science étonnante, Yvon Monka (Mathématiques, 1800 vidéos, 2,5M abonnés). Pour l'évasion, on peut s'inspirer des récits saisissants d'aventuriers contemporains du podcast Les baladeurs ou admirer les paysages de randonnées du compte Instagram Les others.
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En matière d'usage des réseaux sociaux, le rôle des parents est essentiel : comme on guide l'enfant dans son éducation civique et le développement respect de l'autre, l'apprentissage des contenus digitaux est tout aussi important. Malheureusement, trop peu de parents en ont conscience et n'imposent pas de limite de temps d'écran. Ceux qui en ont conscience sont souvent dépassés et ne maîtrisent pas les outils de supervision désormais disponibles sur toutes les plateformes, comme Google Family Link et Microsoft Family Safety.
Pour revenir à "Kaizen", oui, on peut critiquer beaucoup d'aspects de cette production qui repose sur un alpinisme de masse et un montage bien loin de la poésie de films de varape iconiques, comme La vie au bout des doigts (Patrick Edlinger - 1982), The Dawn Wall (Tommy Caldwell - 2017) ou Free Solo (Alex Honnold - 2018). Dénoncer l'égocentrisme du protagoniste (21 ans seulement !), le manque de focus sur le rôle des sherpas, sur le poids écologique de ce périple, sur le réchauffement climatique, est une erreur de perception du propos.
"Kaizen" en japonais signifie l'amélioration personnelle continue, devenir pas à pas une meilleure version de soi-même. Ce film aura un impact fort sur l'avenir d'une génération. Il contribuera à tourner la page du modèle économique du TikToker/Youtuber nombriliste et aidera à dévisser quelques ados de leur fauteuil de gaming.
Grâce à un énième défi fou sauce TikTok, Inoxtag est sorti de la matrice. Cette icône des réseaux aux 8,5 millions d'abonnés a percé le voile du nudge et a reconnecté avec le réel. Bravo Ines, la vie t'a fait un beau cadeau : tu l'as déjà remplie de tellement d'accomplissements. Bon courage pour le dilemme qui t'attend : continuer à défendre une prise de conscience ou animer une communauté avec des contenus fun mais, on va pas se mentir, sans grand intérêt pour l'humain et la fondation d'une nouvelle société.