KAMIKAZE
25 Octobtre 1944, le lieutenant vaisseau Yukio Seki (A6M2 n° 02 888) du 201e Kôkûtai décolle pour la toute première mission Kamikaze

KAMIKAZE

"Le Japon doit être au plus bas pour envoyer à la mort un pilote aussi expérimenté que moi…. Je ne vais pas le faire demain pour l'empereur où pour la patrie, mais pour ma bien aimée. Si le Japon devait perdre la guerre, qui sait ce que les Américains pourraient lui faire endurer. Je vais mourir pour la protéger" .

Yukio Seki, un des premiers Kamikazes lors d'une discussion avec un correspondant de guerre, la veille de sa mission.


Le vent divin d'Ise

Kamikaze, un nom qui provoqua effroi et terreur parmi les marins de l’US Navy durant la seconde guerre mondiale. Ce nom, une référence au Vent divin d’Ise qui déclencha une tempête et détruisit la flotte d’invasion Mongole de Kubilaî Khan en 1281, désigne essentiellement les pilotes japonais appartenant à des unités d’attaques spéciales qui furent chargés de s’écraser sur les unités de la marine américaine.

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Un concept terrifiant et choquant pour les occidentaux mais beaucoup moins pour le Japon de l’époque. En effet, il faisait écho à la fois au Bushido, le code d’honneur des samouraïs qui demande au combattant le sacrifice suprême et à la fois à une société dans laquelle l’individu était totalement dédié à la patrie et à l’empereur. Ainsi, volontaires – il y en eu beaucoup, où simplement en ayant reçu l’ordre, une très grande partie acceptèrent ce sacrifice, souvent avec l’idée de le faire aussi pour leur famille comme en témoignent les lettres écrites à leur attention.


La genèse

L’idée commença à naitre début 1944 sans faire l’unanimité toutefois – elle ne le fera jamais d’ailleurs. Mais la bataille aéronavale des Mariannes en juin va changer le cours de l’histoire. En effet, durant celle-ci, la chasse américaine embarquée neutralise quasi totalement les trois vagues d’attaque de la marine impériale, un épisode passé sous la postérité sous le nom de "Tir aux pigeons des Mariannes". Une bataille qui prive définitivement la marine de forces aéronavales expérimentées et qui amène les amiraux à se poser la question des chances et des moyens pour pouvoir frapper l’US Navy. Par ailleurs, faisant également suite à la bataille des Mariannes, la chute du gouvernement de Tôjô en juillet 1944 met au pouvoir des hommes aux positions plus extrêmes. Tout est alors réuni pour que l'idée des attaques suicides (peut être venant du capitaine de vaisseau Okamura Motoharu) soit finalement acceptée.

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Ainsi conscient de l’infériorité technique de leurs avions, conscient du niveau faiblissant de ses pilotes, l’amiral Takijiro Onishi met en place en octobre 1944 les premières unités d’attaques spéciales de la Marine. A ce titre, il est donc souvent considéré comme le père des Kamikazes.



La première mission

Le 25 octobre 1944 lors de la bataille géante du Golfe de Leyte, les unités américaines de la task force 77.4.3, déjà éprouvées par l’attaque de la flotte japonaise (dont le cuirassé géant Yamato) sont les premières à être victimes des attaques suicides des Kamikazes. Tour à tour, les porte avions d’escorte CVE 29 USS Santee, CVE 27 USS Suwanee, CVE 71 USS KitKun Bay et CVE 63 USS St Lo sont frappés. Plus d’une centaine de marins sont tués dans ses attaques et le St Lo finira par sombrer.

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L’attaque fut effectuée par une vingtaine de A 6M du 201e Kôkûtai mené par le lieutenant de vaisseau Yukio Seki. Même si quelques doutes subsistent encore aujourd'hui, ce dernier ayant frappé le St Lo (photo ci contre), est donc le premier Kamikaze a avoir touché et coulé sa cible.

Une première mission pleine de succès qui ne changera cependant pas le cours de la bataille mais qui va radicalement modifier celui de la guerre. Malgré la réaction très mitigée de l’empereur, l’armée impériale ne pouvant pas être en reste vis-à-vis de la Marine, décide donc de créer également ses unités d’attaques spéciales.

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Graduellement, elle conçoit différentes formes avec par exemple des unités chargés d’éperonner les B 29 qui opèrent à des altitudes où les intercepteurs japonais ont bien des difficultés à les abattre de manière classique.

Ici un bi-moteur (Ki 45 ?) manque de peu un des quadrimoteurs.


Au final, tout peut devenir un engin de sacrifice (vedette, char,…) y compris un humain esseulé. Leyte qui verra plus de 800 Kamikazes à l’assaut de la flotte US n’est ainsi qu’un funeste prélude car au cours des batailles suivantes (Iwo Jima & Okinawa notamment) plus de 3 000 autres avions, pour ne citer qu’eux, seront lancés dans ces opérations suicides.


La réaction US

Du coté américain, la stupeur est telle que l’information sera tenue secrète jusqu’en avril 1945. Mais, l’US Navy s’organise rapidement en mettant en place notamment des navires piquet-radar chargés de détecter rapidement les assaillants et de diriger vers eux les patrouilles de chasseurs Hellcat et Corsair.

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En parallèle, elle diminue sur certains porte avions le nombre de bombardiers / torpilleurs au profit notamment du Corsair, enfin navalisé, et dont la dernière version F 4U1D dispose en plus, de bonnes capacités d’emport pour l’appuis au sol (ici sur le CV 13 Franklin).


Une tactique efficace car sur les presque 4 000 avions kamikazes (peut être plus) lancés dans toutes les batailles, seulement moins de 500 atteindront leurs cibles ! Certains navires ayant été frappés par plusieurs avions, c’est donc autour de 350 – 400 navires de l’US Navy qui seront touchés incluant notamment des porte avions lourds (CV 11 USS Intrepid, CV 13 USS Franklin, CV 6 USS Enterprise, …) et le cuirassé BB 63 USS Missouri.

 Un chiffre évidement impressionnant d’autant que 4 900 marins y laisseront leurs vies mais au final, seulement (!) 50 navires environ seront coulés dont aucune unité majeure . Certes la plupart du temps, les navires endommagés deviennent inopérant pour un bon bout de temps mais le nombre de navire touchés est beaucoup trop faible pour changer vraiment la donne (à titre d’exemple, la classe de porte avions lourd Essex compte à elle seule plus de 20 unités…).  La chasse américaine et la DCA des navires de l’US Navy vont donc s’avérer extrêmement efficaces grâce à une nette supériorité aérienne mais aussi grâce aux équipages des navires, bien aidés notamment par les obus avec fusée de proximité de leur artillerie.

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S’approcher des grosses unités est donc très difficile pour les kamikazes qui doivent d’abord semer la chasse, manœuvrer pour choisir leur cible (attaque en léger piqué où horizontale et traverser un écran de DCA d’une densité incroyable.



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Par ailleurs, l’impact d’un kamikaze sur un cuirassé a peu d’effet compte tenu du blindage. Ainsi, le Missouri s’en tire t il… avec des bosses sur la coque et un canon de 40 mm percé par une mitrailleuse du Zéro qui l’a percuté.


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Le cas des porte avions est plus complexe et si de nombreux porte avions lourds de la classe Essex sont touchés, ils restent tout de même à flot malgré des dégâts considérables dut notamment à un blindage moindre et surtout la présence d’avions parfois armés et remplis d’essence sur le pont.


Certains comme le Franklin sont tout de même des miraculés… 

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Le bilan

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La quasi-totalité des 50 navires coulés seront donc des navires faiblement protégés dont 20 destroyers notamment ceux utilisés comme piquet-radar (et donc en première ligne...) où encore des navires de débarquement.

Par ailleurs, si les premiers pilotes ont une certaine expérience, l’état major Japonais se rend vite compte de l’impasse vers laquelle il se dirige et prend donc des décisions pour préserver les officiers les plus expérimentés ainsi que les avions les plus valables. Ainsi, les Kamikazes suivants seront désormais recrutés très jeunes avec peu d’heures de vol à leur actif et vont voler sur des machines dépassées, fatiguées où trop spécifiques pour leur niveau de pilotage comme ici le Ki 115 Tsurugi, spécialement conçu pour cette mission mais dont le pilotage est assez sensible.

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Une situation aggravante qui ne leur laisse que très peu de chance face aux chasseurs US.


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A titre d’exemple, rien que l’utilisation de l’Ohka, la bombe volante larguée depuis un bombardier Betty coutera les 55 pilotes des Ohkas plus 360 membres d’équipages des Betty quasiment tous abattus. Seul le destroyer DD 733 USS Mannert L. Abele sera coulé par cette bombe (et encore avait il déjà été percuté par un Zéro).


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Au total, toutes armes confondues, près de 14 000 soldats japonais y laisseront leurs vies dont notamment 2 500 aviateurs de la marine, 1 400 pour l’aviation mais aussi 3 000 marins du cuirassé géant Yamato également sacrifié pour Okinawa.

En effet, celui ci fut chargé de s'échouer sur les plages et de canonner la flotte d'invasion US. Il explosera bien avant d'avoir atteint l'ile après avoir été lourdement attaqué par les avions de l'US Navy.


Au final, un bilan très contrasté et l'action des Kamikazes apparait donc comme un échec sur ce plan.


Un impact majeur

Cependant, en dehors de ce bilan, les Kamikazes vont également avoir un impact bien plus important, un impact qui va changer l’histoire. Ses actions suicides vont provoquer des sentiments d’effroi, d’horreur et de colère chez les marins US. L’incompréhension est forte ainsi que le ressentiment. Si on ajoute les sanglantes batailles terrestres des Philippines, d’Iwo Jima et d’Okinawa (plus de 200 000 tués dans cette dernière), la perspective de l’invasion du territoire japonais à l’automne 1945 fait frémir les planificateurs du Pentagone avec très probablement largement plus d’un million de tués. Dans cette perspective, il fait peu de doute que les derniers freins à l’utilisation de la bombe A tombèrent et que les Kamikazes y contribuèrent ainsi.


La dernière mission 

Le fanatisme de certains généraux et amiraux japonais fut d’ailleurs sans limite et il est de nature à accréditer les chiffres des planificateurs US. Ainsi, le 14 août au soir, ordre est donné aux forces japonaises de cesser le combat. Le 15 août à midi, l’empereur Hiro Hito s’adresse pour la première fois à la nation pour lui demander d’accepter la capitulation déclenchant alors une mutinerie de militaires voulant l’obliger à continuer le combat, un sentiment par ailleurs également partagé par des civils.

 Le même jour, en dépits des ordres reçus la veille, une dernière action Kamikaze aura lieu ! Ainsi, le vice Amiral Matome Ugaki décide du sacrifice suprême et entraine avec lui 11 équipages de D4Y3 Suisei. Décollant après 16h ( soit bien après avoir écouté l’empereur), ils mettent alors le cap sur Okinawa. Cependant, aucun ne parviendra jusqu’à la flotte US, 3 avions étant notamment abattus par la chasse de l'US Navy constituant ainsi ses dernières victoires.

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La dernière photo de Matome Ugaki avant qu'il n'embarque dans le bombardier dont le moteur tourne déjà. Pour ce dernier voyage, il a préféré un uniforme simple sans ses galons & décorations. Il porte néanmoins une courte épée de cérémonie qui servira à son identification dans l'épave de son avion.

Enfin, l’acte final se jouera le même jour, Takijiro Onishi, le premier a avoir mis en place ses actions, se fait seppuku et agonisera plus d’un jour, finissant par demander pardon aux pilotes qu’il envoya à la mort.

 

Les Kamikazes, que furent ils ?

Plus de 75 ans après, ces actions provoquent toujours ce même sentiment d’effroi et d’étonnement et il est difficile de rester objectif en les évoquant. Fanatiques ?, fous ?, héroïques ?, … bien des qualificatifs pourraient être utilisés selon les sensibilités de chacun de nous. Comme bien d’autres, ils furent d’abord des soldats pris dans un engrenage infernal, celui de la seconde guerre mondiale. Aux demandes, aux ordres de leur hiérarchie, ils répondirent avec leurs convictions liées à leur qualité de soldat et de citoyen japonais et acceptèrent ainsi d'aller jusqu’au sacrifice suprême.

Dans ce contexte, se pose alors la question de leur libre – arbitre...

 

Annexe

Parmi les matériels utilisés

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Mitsubishi A 6M Reisen / Zéro. Le symbole même de la chasse de la marine japonaise. Redoutable au début de la guerre, il devient ensuite une proie facile pour Hellcat, Mustang, Corsair et Lightning. Sa conversion en avion kamikaze est assez logique en ce sens. Vitesse maxi de la version A 6M5 : Environ 560 km/h à 6 000 m.


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Nakajima Ki 43 Hayabusa / Oscar. Contemporrain du Zéro pour l'armée de l'air japonaise, il fut également dépassé dès 1943 et fut donc convertit en avion suicide par la suite. Vitesse maxi de la version Ki-43 11b : Environ 530 km/h à 4 000 m.



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Yokosuka MXY7 Okha / Baka. Concu expressement pour cette mission, cette avion fusée rudimentaire emportait 1 200 kg d'explosif à plus de 600 km/h. Une monstruosité à piloter produite néanmoins à plus de 800 exemplaires.



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Yokosuka D4Y Suisei / Judy. Bombardier et avion de reconnaissance de la marine. Malgré une belle ligne, ses nombreux problèmes techniques, moteur notamment, ne lui permirent pas de briller. Vitesse maxi de la version D4Y3 : Environ 552 km/h à 4 750 m.


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Cuirassé Yamato. Le cuirassé de tous les superlatifs. Le plus lourd (plus de 70 000 t), le plus puissant avec ses 9 pièces de 457 mm, un navire de légende qui n'eut pourtant guerre l'occasion de montrer sa puissance. Comme son jumeau le Musashi, ce géant ne put pourtant résister à l'ouragan des bombardiers et des torpilleurs de l'US Navy et coula le 7 avril 1945 alors qu'il partait en mission suicide vers Okinawa.


Stephane Paumier le 04/06/2020

Charles BEAUDOUIN

CEO / Président de COGES Events

4 ans

Quelle extrémité ! Il y a eu à plus petite échelle une telle démarche au sein de la Luftwaffe, utilisant les FW190A8 Sturmbock (version blindée pour approcher les bombardiers américains de jour).

Excellent ton article Stéphane, sujet bien abordé bien documenté et très bien traité. Bravo. 😊😉

Un grand merci Stéphane pour cet article. Très intéressant

Jean-Noel GONZALEZ

Responsable d'Exploitation

4 ans

Courage & Honneur base du Bushido

Thierry Landry 🛩 🇨🇵

Project Manager EXTRA 300 of Sabena technics ATP

4 ans

Il existe également un bon film à voir "Kamikaze-Le dernier assaut"... je joins l'affiche !

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