Kidnappé ! A la mode du Niger Delta
Mon ami Suleiman m’a conté en détail son enlèvement si heureusement terminé. Il fut libéré le mardi 11 octobre 2016. Je pense que cette aventure mérite d’être publiée au-delà de notre cercle d’amis. Bien sûr avec son autorisation. Les noms ont été changés.
Les ravisseurs étaient cinq, déguisés en treillis élimés de la police spéciale anti-gang et armés de Kalachnikovs avec triple chargeur scotché (90 cartouches). Sortant de leur voiture, ils interpellèrent Suleiman qui revenait d’une course, presque devant chez lui dans un faubourg de l’ouest de Port-Harcourt. Ils prétextèrent que quelqu’un avait porté plainte contre lui et qu’il devait aller le confronter au poste. Il était 9 heures du soir, la rue était mal éclairée et on ne pouvait pas vraiment distinguer les visages des policiers. Suleiman obtempéra et s’assit à l’arrière de la voiture, comprimé avec trois des hommes. Ils démarrèrent en trombe sans allumer les phares avant qu’ils ne s’engagent sur la grande route voisine. Ils lui firent alors baisser vivement la tête pour qu’il ne les voie pas. Suleiman comprit que c’était un enlèvement. Ils lui mirent mis un capuchon sur la tête et l’emmenèrent quelque part au loin, peut-être à 50km, sans doute dans l’état voisin de Bayelsa. Une partie du trajet s’effectua dans une pirogue. Le lieu de détention était à la lisière d’une forêt humide, une mangrove.
La première chose fut de délester le nouvel hôte de son téléphone portable, de sa chemise et de son maillot de corps, de ses chaussures et chaussettes. Les vêtements furent âprement partagés, comme si le groupe vivait dans la misère. Le téléphone fut vendu le lendemain, mais la puce conservée pour effectuer au moyen d’un autre appareil les nécessaires appels de négociation, justifiant leur authenticité par la présentation du numéro.
Depuis quelques semaines Suleiman et sa femme avaient eu un inexplicable pressentiment de ce qui allait arriver et ils avaient bien réfléchi sur la conduite à tenir. Donc cette première nuit, les kidnappeurs furent surpris du flegme apparent de leur victime et vite s’en irritèrent. Ils se mirent à le houspiller et tirèrent même une balle en direction de sa jambe, balle qui ne déchira que le pantalon au niveau de la cuisse ! Ce tir était-il destiné à blesser ou seulement intimider, on ne le saura jamais. Mais il fallut 24 heures à Suleiman pour retrouver son calme.
Puis les kidnappeurs appelèrent à 1h du matin la femme de Suleiman, Rachel, pour l’aviser du montant de la rançon : 20 millions de Nairas, soit 50 000 dollars. Ils l’autorisèrent ensuite à brièvement parler à son mari, qui était alors sous le choc du coup de feu. Elle fut naturellement prévenue que l’intervention de la police mettrait sérieusement en danger la vie de son mari.
Les ravisseurs expliquèrent à Suleiman que son enlèvement avait été commandité par une personne lui voulant du mal. Elle l’aurait désigné comme le mari de la patronne du petit supermarché située à tel endroit, non loin de leur domicile. C’était exact. Mais le commanditaire avait aussi précisé que Suleiman était un riche homme d’affaire voyageant régulièrement au Royaume-Uni. Ce qui était naturellement faux, mon ami ayant une simple fonction de supervision sur un yard de construction métallique, en sous-traitance pour une société pétrolière bien connue. Et avec un salaire normal de cadre nigérian dans une société de services pétroliers. Pas un salaire de sénateur nigérian !
Les négociations démarrèrent alors, par le truchement du numéro de Suleiman. Dans la mangrove, Suleiman s’employa à convaincre les kidnappeurs qu’il était un Nigérian moyen, bien incapable de mobiliser une grosse somme telle que sa mise à prix. Les hommes de la forêt n’avaient jamais entendu parler de sa société pétrolière ou de son chantier malgré leur notoriété dans la région. Suleiman fut persuasif et ses gardiens se mirent graduellement à douter de leur bonne affaire. De l’autre côté Rachel cherchait des fonds, mettait les deux vieilles voitures en vente et appelait les amis et les employeurs. Mais 20 millions de Nairas étaient un montant astronomique, décourageant.
Rachel était originaire d’une localité de Port-Harcourt célèbre pour avoir produit un des plus coriaces seigneurs de la guerre ayant sévi dans le Delta du Niger vers 2005-2010. Prises d’otages expatriés, embuscades contre l’armée dans le Swamp, perçages d’oléoducs et vastes opérations de raffineries improvisées dans les forêts, il avait tout fait. Elle se rendit donc dans son « village » et eut audience auprès de ce brave homme. Agé de 45 ans environ, à présent repenti grâce aux amnisties accordées par l’ancien président Yar’Adua, il était reconverti dans les officines de protection et de sécurité. Il l’écouta avec bienveillance raconter son malheur. Puis il lui déclara que ce n’étaient sûrement pas les hommes de la Rivière (Rivers State) qui avaient enlevé son mari, et sur lesquels il disait avoir encore quelque influence, mais ceux de la Terre, sur qui il n’avait pas prise (en fait ceux de Bayelsa ou Delta State).
Pendant ce temps Suleiman se morfondait dans la planque forestière, dévoré par les moustiques et les fourmis, et surtout pieds nus donc incapable de s’enfuir. Il passait les nuits dans une cabane à peu près sèche et était conduit tous les matins dans un abri humide couvert de végétation, plus profondément caché dans la forêt. Aucune violence physique ne lui avait été infligée, les geôliers désignant Suleiman entre eux comme « la marchandise », « le turbin » ou encore « le forçat ». Ils ne se montraient jamais à visage découvert mais restaient affables, et de plus en plus. Lorsqu’ils comprirent que la marchandise avait peu de valeur, ils en vinrent à fervemment prier Dieu pour le bon dénouement des choses, pour la rapide libération de Suleiman, et ce dernier participait aux prières. Du pur Nollywood, du Don Camillo !
Les gangsters n’étaient pas particulièrement jeunes, en moyenne dans la trentaine, pour la plupart d’ethnie Itsekiri et un ou deux Ijaws. Suleiman en distingua au moins neuf. Il lui sembla aussi qu’une prisonnière était retenue à côté mais qu’elle fut rapidement libérée. Ils fumaient de la Marijuana ou du haschich tous les jours. Hormis cela, l’ordinaire se composait pour tous, inclus l’otage, de semoule de manioc noyée dans de l’eau avec du sucre, de Coca-Cola, et de plus rarement de riz préparé dans un village voisin.
Finalement au bout de quatre longs jours, le lundi soir 10 octobre, la situation se stabilisa. Avec des prêts gagés sur les voitures, des acomptes des employeurs et quelques contributions d’amis, Rachel avait réuni 1,3 millions de Nairas. En parallèle, ses habiles négociations avaient ramené la rançon de 20 à 1,5 millions, plus 100 000 « pour les boissons » ! Un dernier ami généreux fournit alors les 300 000 qui manquaient. Dès le lendemain, le butin fut jeté dans un fossé suivant les instructions topographiques du gang. Il n’y a rien de tel qu’un honnête kidnappeur : à la tombée de la nuit, Suleiman équipé de lunettes noires très sombres, fut conduit à pied dans la forêt sur une longue distance, jusqu’à une clairière où l’attendait un « Okada » (moto-taxi). Il fut à nouveau emmené au loin, en sandwich entre le pilote et un des hommes, puis abandonné près d’une route. Il n’avait que son pantalon, avec sa puce de téléphone dans la poche. Pris en stop par quelques aimables routiers, il arriva chez lui vers 10h du soir, secoué mais heureux, où il retrouva sa femme et son fils débordants de joie. Il démarra le lendemain un solide traitement antipaludéen, et retourna rapidement au travail.
Un mot sur le téléphone portable. Ce serait un jeu d’enfant de faire localiser précisément les appels et de débusquer le gang. Mais personne n’a semblé vouloir utiliser ce moyen. Impunité tacitement acceptée par la police ? Refus de coopération des opérateurs téléphoniques ? Peur des représailles ? Mystère.
Enfin, quel retour d’expérience dégager de cette terrible mésaventure ? Tout d’abord, se méfier des policiers trop entreprenants, surtout la nuit. Ensuite, savoir que toute fuite doit être entreprise avant la confiscation des chaussures. Aussi, garder l’espoir même si la rançon initiale est exorbitante. Tout faire alors pour minorer la valeur potentielle de l’otage, mais montrer les efforts entrepris pour réunir les fonds. Somme toute un bel exercice de modestie et de négociation !
Mille bravo à Suleiman et Rachel pour leur résilience et leur belle victoire sur le mal et la bêtise.
Electrical Engineering Specialist/Technical Lead
8 ans@SAKA SEE TRANSLATION My friend Suleiman told me in detail his abduction so happily terminated. He was released Tuesday, October 11, 2016. I think this adventure deserves to be published beyond our circle of friends. Of course with permission. Names have been changed. The kidnappers were five, dressed in threadbare mesh of the special anti-gang police and armed with Kalashnikovs with triple taped charger (90 cartridges). Out of their car, they interpellèrent Suleiman who was returning from a race, almost outside his home in a suburb west of Port Harcourt. They prétextèrent that someone had filed a complaint against him and that he had to confront the post. It was 9 pm, the street was poorly lit and we really could not distinguish the faces of policemen. Suleiman complied and sat in the back of the car, compressed with three men. They drove off with a bang without turning on the headlights before they undertake on the large nearby road. They then made him keenly head down so that it does not see them. Suleiman knew that it was a kidnapping. They put put a hood over his head and took him somewhere far away, perhaps 50km, probably in the neighboring state of Bayelsa. Part of the journey was accomplished in a canoe. The detention facility was at the edge of a rainforest, a mangrove. The first thing was to shed new host for his cell phone, his shirt and his undershirt, his shoes and socks. The clothes were bitterly divided, as if the group was living in poverty. The phone was sold the next day, but the chip retained to perform using other equipment necessary trading calls, justifying their authenticity by caller ID. In recent weeks Suleiman and his wife had had an inexplicable premonition of what was coming and had been thinking about what to do. So that first night, the kidnappers were surprised at the apparent composure of their victim and quickly get irritated. They began to scold him and even fired a bullet towards the leg bullet that tore the pants at the thigh! This shot was it intended to injure or intimidate only, you never know. But it took 24 hours Suleiman to regain his composure. Then the kidnappers called at 1am Suleiman's wife, Rachel, to notify them of the amount of the ransom 20 million Naira or 50,000 dollars. They then authorized him to briefly speak to her husband, who was in shock of the shot. She was naturally warned that police intervention would seriously endanger the life of her husband. The kidnappers explained to Suleiman that his abduction had been sponsored by a person wanting to hurt her. She would have appointed the husband of the owner of the small supermarket located in such a place, not far from their home. It was true. But the sponsor had also said that Suleiman was a rich businessman traveling regularly in the UK. What was wrong of course, my friend having a simple oversight function on a yard of steel construction, subcontracted to a well-known oil company. And with a normal salary Nigerian context in oil services company. Not a Nigerian senator salary! Negotiations then drove off, through issue of Suleiman. In the mangrove, Suleiman worked to convince the kidnappers that he was an average Nigerian, although unable to raise a large sum as its starting price. The men of the forest had never heard of his oil company or its site despite their reputation in the region. Suleiman was persuasive and his guards gradually began to doubt their bargain. On the other side looking Rachel funds, put two old cars for sale and called friends and employers. But 20 million Naira were an astronomical amount, discouraging. Rachel came from a community of Port Harcourt famous for having produced one of the toughest warlords who have plagued the Niger Delta 2005-2010. expatriate hostages, ambushes against the army in the Swamp, of oil drilling and extensive operations improvised refineries in the forest, he had done everything. So she went to his "village" and was hearing from this good man. Aged about 45 years now repented through amnesties granted by former President Yar'Adua, it was converted in pharmacies protection and security. He listened sympathetically tell his misfortune. Then he told her that they were certainly not men of the River (Rivers State) who had abducted her husband, and on which he said still have some influence, but those of the earth, on which he had not taken (in fact those of Bayelsa and Delta State). Meanwhile Suleiman languished in the forest hideout, devoured by mosquitoes and ants, especially barefoot therefore unable to flee. He spent the night in a hut almost dry and had conducted daily in a damp shed overgrown, hidden deeper in the forest. No physical violence had been imposed, the jailers Suleiman designating them as "goods", "the grind" or "the convict". They never showed himself openly but remained affable and more. When they realized that the goods had little value, they came to fervently pray to God for the good outcome of things, for the rapid release of Suleiman, and the latter took part in the prayers. Pure Nollywood, Don Camillo! The gangsters were not particularly young, on average in their thirties, mostly Itsekiri ethnic group and one or two Ijaw. Suleiman distinguished in at least nine. It also seemed that a prisoner was chosen to side but was soon released. They smoked marijuana or hashish every day. Aside from that, the ordinary was made for everyone, including the hostage of manioc drowned in water with sugar, Coca-Cola, and more rarely prepared rice in a nearby village. Finally after four long days on Monday evening 10 October, the situation stabilized. With the pledged loans on cars, down payments of employers and some contributions of friends, Rachel had collected 1.3 million Naira. Meanwhile, his skillful negotiations had brought the ransom 20-1500000, over 100,000 "for drinks"! A final generous friend then provides the 300 000 missing. The next day, the booty was thrown into a ditch following the instructions of topographical gang. There is nothing like a kidnapper honest: at dusk, Suleiman equipped with very dark sunglasses, was led on foot into the forest for a long distance, to a clearing where waiting a "Okada" (motorcycle taxi). He was again taken away, sandwiched between the pilot and one of the men then abandoned near a road. He had only his pants, with her smart phone in the pocket. Given a lift by some kind road, he got home around 10pm, shaken but happy, where he found his wife and son overflowing joy. He started the day strong antimalarial treatment, and quickly returned to work. A word on the mobile phone. It would be a breeze to accurately locate calls and flush out the gang. But nobody seemed to want to use this medium. Impunity tacitly accepted by the police? Cooperation denial of telephone operators? Fear of reprisals? Mystery. Finally, what feedback emerge from this terrible mishap? First, beware of too enterprising police, especially at night. Then that leaks should be undertaken before the confiscation of shoes. Also, keep hope even if the initial ransom is exorbitant. Then do everything to underestimate the potential value of the hostage, but show efforts to raise the funds. All in all a nice exercise modesty and negotiation! A thousand congratulations to Suleiman and Rachel for their resilience and victory over evil and stupidity. 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Senior Construction Engineer With FIRST Exploration and Petroleum Development Company
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