Kouilou : La vie au forceps des femmes de Mboukou

(CRP/Syfia) Comment vivre dans un environnement régulièrement pollué par l’exploitation pétrolière ? Comment s'unir pour faire face ? Les femmes de Mboukou, dans le département du Kouilou, ont dernièrement parlé de leurs difficultés quotidiennes lors d'un débat communautaire.

« C’est le moment de dire ce que vous ressentez. Les journalistes sont venus vous donner la parole. Quand ils vont diffuser vos dires, les pouvoirs publics écouteront et, par la suite, prendront des mesures qui s’imposent », lance d’un ton encourageant François Makosso, chef du village de Mboukou, à une trentaine de femmes venues participer au débat communautaire organisé par le Centre de Ressources pour la Presse, le 29 juillet dernier.

Dans cette localité de 2 000 habitants (district de Hinda, département du Kouilou à une trentaine de kilomètres à l'est de Pointe-Noire), les échanges ont porté sur « les difficultés des femmes de Mboukou ». Un débat organisé dans le cadre du projet « Journalistes, associations et autorités locales contribuent à un meilleur respect des droits des femmes rurales pour lutter contre la pauvreté ». Un projet piloté par le Centre de Ressources pour la Presse (CRP), en partenariat avec Syfia international, avec l’appui financier de l’Union européenne. Flaure Elysée Tchicaya et Haircy Mbimi, deux journalistes du projet, ont animé les discussions en kituba, sous la supervision de Marien Nzikou-Massala, coordonnateur adjoint dudit projet.

Après le mot du chef du village, timides au départ, les participantes ont affirmé presqu’en chœur toutes connaitre « des pollutions dans leurs activités champêtres ». Des problèmes causés, selon elles, par l’exploitation pétrolière. « Dans tous les coins et recoins de Mboukou, il y a des plates-formes pétrolières. Je me souviens encore de mon enfance dans les années 60 et 70. Nos rivières nous procuraient de l’eau potable. Nos maniocs poussaient bien, on ne parlait pas de la mosaïque (maladie du manioc, Ndlr). Dans nos rivières, il y avait du poisson. Mais, depuis que l’exploitation du pétrole a commencé (début des années 2000, Ndlr), nos problèmes aussi ont commencé », constate Odette Goma, habitante de Mboukou et suppléante de Véronique Nitou-Loembhet, la députée titulaire de Hinda.

Pollution et individualisme

Pour Pauline Nzouma, une autre participante, la rareté des poissons serait aussi causée par l’exploitation pétrolière : « Par le passé, on trouvait beaucoup de poissons dans nos rivières. Aujourd’hui, tu peux consacrer toute une journée sans remplir un petit seau ! Les poissons meurent à chaque déversement de pétrole brut ou de fuel dans les cours d’eau. A cette allure, même nos enfants ne connaîtront plus la pêche au barrage, une technique qui faisait la fierté des femmes par le passé...»

Valentine Loemba-Nzoumba, infirmière au dispensaire de Mboukou (situé à côté de la résidence du chef du village où a eu lieu le débat), a souligné une augmentation des infections respiratoires aigües, des diarrhées et de l'hypertension artérielle. « Nous n’avons pas assez d’outils pour faire correctement l’étiologie (étude des causes, Ndlr) de ces pathologies fréquentes. Mais, pour ma part, je suspecte les pollutions liées à l’exploitation pétrolière. »

Les participantes au débat ont aussi critiqué leurs propres défauts. « Chez nous à Mboukou, nous n’avons pas d’équipes, ni de coopératives. Nous aimons l’individualisme. Or, l’individualisme ne paie pas. Il est par exemple difficile pour une femme seule de faire de grandes étendues de champs. Et puisqu’elle travaille moins, elle gagne aussi moins. », a souligné Joséphine Niangui, qui a observé le contre-exemple des femmes du département de la Bouenza, habituées à travailler en coopératives. A Mboukou, toutes les expériences de ce genre ont été des échecs... « Les femmes d'ici n’ont pas l’esprit d’équipe, c’est la bien triste réalité chez nous », a déploré le chef du village François Makosso.

Mergelline Ndombi-Bouya, représentant la directrice départementale de la Promotion de la femme du Kouilou, a suggéré aux femmes de Mboukou de s’inspirer de l’expérience des habitantes de Bilala,  dans le district voisin de Mvouti : « Elles ont formé des coopératives. Voilà pourquoi, elles ont bénéficié de notre direction et de bailleurs ou d'ONG de matériels et de formations qui leur ont permis de créer des salons de coiffure et de couture. Appuyez-vous sur les ONG pour revendiquer vos droits ! »

John Ndinga-Ngoma et Natacha Kaba

Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité du CRP et de Syfia international et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

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