L’âne de Buridan, l’indécision punie
Jean Buridan est un philosophe français du XIVe siècle, surtout connu par la légende qui veut que dans sa jeunesse, il aurait eu une aventure dans la Tour de Nesle avec Marguerite de Bourgogne, femme du futur Roi Louis X, dit le Hutin et aurait « été jeté en un sac en Seine », selon le vers de François Villon dans « La ballade des dames du temps jadis ». Il est aussi, bien qu’on n’en trouve pas trace dans ses œuvres, l’auteur du paradoxe de l’âne, affamé et assoiffé, placé à distance égale d’une botte de foin et d’un seau d’eau qui finira par mourir, et de faim et de soif, incapable de prendre la décision de commencer par l’un ou par l’autre.
Voilà un exemple à ne pas suivre. Nous devons, tous prendre des décisions, au quotidien et souhaitons, évidemment, que ce soient les bonnes.
Pour ce qui concerne le processus de la prise de décision et son exécution, il est très intéressant de se référer à la méthode d’Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, qu’aucun manuel de management ne saurait ignorer. Elle constitue, en tous cas, un vrai processus, clairement énoncé, dès le milieu du XVI° siècle.
Ignace de Loyola dispose d’une espèce de technique, à propos d’un supposé signe de Dieu. Il l’expose dans ses ouvrages, les Constitutions, la Correspondance et surtout dans les Exercices spirituels.
La prise de décision passe, pour lui, par quatre phases principales :
1. La phase d’information : le responsable et ses conseillers ordinaires prennent connaissance de l’historique de l’affaire, qui aura été préparé de la façon la plus simple possible. Cet historique peut encore être éclairci par la consultation de personnes compétentes.
2. La phase de délibération : C’est l’examen des avantages et des inconvénients dans l’adoption ou le refus du projet.
3. La phase de la consultation à Dieu au travers de la prière : Le responsable et chacun de ses conseillers prient pour tenter de percevoir, avec une totale pureté intérieure et sans intérêt personnel, là où l’Esprit Saint les conduit.
4. La phase de décision : Les conseillers donnent leur opinion. Celui qui assume la responsabilité du groupe les écoute, confronte ces opinions avec la sienne, les soupèse devant Dieu, et quelle que soit l’opinion majoritaire des conseillers, il prend seul sa décision.
Oublions Dieu qui intervient rarement aujourd’hui dans les décisions et remplaçons-le par réflexion, méditation, inspiration et nous garderons la séquence et les ingrédients d’une décision rationnelle.
Le management, c’est, dit-on, l’art de prendre des décisions imparfaites sur la foi d’informations incomplètes.
Chacun a le désir de prendre des décisions reposant sur le bon sens et l’objectivité des situations mais, trop souvent, c’est l’intuition qui l’emporte, simplement parce que le cerveau n’est pas vraiment entraîné à raisonner de façon construite et logique.
Pour Olivier Sibony, dans son dernier ouvrage « Vous allez redécouvrir le management », beaucoup de choix sur lesquels les dirigeants sont appelés à trancher sont binaires : faire cet investissement ou ne pas le faire ; lancer ce produit ou non ; recruter cette personne ou pas ; et ainsi de suite.
Le succès est bien plus probable quand on s’est donné la peine de générer des options multiples, par exemple, en exigeant que toute proposition qu’on vous soumet soit accompagnée d’un second choix. Puis, bien la formuler car, ainsi que le professe Warren Buffet, « Quand des gens intelligents expliquent leurs idées à un orang-outang, cela améliore la qualité de leur prise de décision. »