A l'écoute des maux ? Est-ce suffisant ? NON !

Le MAG « Le portrait : A l'écoute des maux » de Alexis Valois dans la France Agricole du 17 mai 2024 relate le travail d'écoute de Marion Desborde assistante sociale de la MSA du Limousin.

 Le monde rural (même les responsables professionnels siégeant dans les conseils d'administration) au sens large n'est pas réellement conscient du travail effectué par les assistantes sociales de la MSA. Elles accompagnent de façon ponctuelle ou régulière les exploitants agricoles et les salariés agricoles. Comme souvent, lorsqu'elles arrivent tous les indicateurs sont au rouge depuis 6 à 7 ans "de l'économique au financier en passant par l'humain et l’ensemble de la cellule familiale".

 Comme le souligne Mme Marion Desborde : « afin d'adoucir les réticences et de créer une relation de confiance, je m'intéresse à eux en parlant d'autre chose avant d'évoquer les problèmes » explique-t-elle. L'idée est de trouver des axes de sortie de cette impasse, mais le plus dur pour elle, c'est lorsqu'il n'y a pas de solutions. Comme elle le fait remarquer, l'idée directrice dans son travail et de laisser place à la parole de l'autre. Son but est d'impliquer celui qui doit demeurer acteur de sa vie.

 On voit bien l'accompagnement hors du commun effectué par tous les travailleurs sociaux de la MSA, car on oublie souvent que le mode de développement agricole prôné depuis plus de cinquante ans, a enlevé le pouvoir de décision des agriculteurs (via toutes les OPA au sens large). Il ne faut pas oublier tout l'administratif, avec entre autres la PAC, qui y contribue de plus en plus.

 Toutes ces actions et tout ce travail de terrain, d'écoute, d'accompagnement est souvent fait en sourdine et personne ne s'imagine ce que cela peut représenter. Elles interviennent soit suite à un signalement ou un appel téléphonique de l'agriculteur, mais toujours avec l'accord de l'agriculteur.

 Lorsqu'elles arrivent il est évident que le mal-être chez les agriculteurs et leur famille est déjà bien installé (depuis 6 à 7ans).

Voila ce que tous les intervenants vivent sur le terrain il faut que vous les responsables professionnels et politiques en preniez conscience. D'ailleurs et savez-vous au moins ce que les paysans peuvent vivre et endurer[1] ?

 Bien sur toutes les actions en aval sont indispensables, mais la priorité des priorités est d'intervenir en amont pour justement endiguer ce mal-être.

 Ce qui me fait le plus râler c'est que nous avons (les OPA) les outils pour détecter les agriculteurs en difficulté dès le premier signe bien en amont. Et là si les (OPA) faisait de la détection précoce, nous pourrions intervenir avant que le mal-être soit bien installé. Il ne faut pas oublier qu'il y a un lien très fort entre difficultés et mal-être[2].

 Alors, Messieurs les responsables professionnels et politiques de tout bord, qu'attendez-vous pour agir ? Car lorsque nous intervenons (l'ensemble des conciliateurs et des associations), il faut éteindre le « feu » qui est souvent un brasier et je ne vous parle pas des êtres humains[3], qui sont souvent au bord de la rupture et du gouffre.

 Aujourd'hui et depuis plus de 15 ans, il faut mettre en place un suivi psychologique dans 100% des cas, qui est souvent élargi à la famille. Dans tous les dossiers les travailleurs sociaux de la MSA sont très impliqués et ensemble nous effectuons d'abord un travail sur l'humain, avant les autres aspects. Comme vous le présentez peut-être (je n'en suis pas sûr, vu votre déconnection du terrain…), nous n'employons jamais le mot psychologue. Et ce qui est le plus important, nous n’agissons qu'avec l'aval des agriculteurs, cela paraît évident. Pour ma part tous les plans d'apurement, que je propose sont validés par les agriculteurs. Je fais tout pour qu'ils redeviennent acteurs de leurs exploitations et de leur vie.  

 Messieurs, vous dénoncez tous le suicide des agriculteurs, mais à part faire des actions en aval, vous ne faites rien pour agir en amont. Pourquoi écartez vous cette thématique d'agir en amont sur les genèses des causes de toutes les actions et axes misent en place ?

 Qu'attendez-vous pour tout mettre en œuvre en vue d'agir sur ce déluge ? Que les campagnes se vident ?

 Il est plus que temps d'agir concrètement et de mettre en œuvre ce qui est dit dans vos grands discours.

 Messieurs les responsables professionnels, je pense et cela se vérifie tous les jours vous avez complètement oublié vos racines et ce que vivent vos pairs, car maintenant vous surfez sur les nuages avec plein d'idées farfelues en tête et déconnectées de la réalité.

 Gilbert Godet, conciliateur, médiateur et formateur

[1] Voir l'article « L'agriculteur en difficulté et en mal-être peut déraper à tout moment », publié sur LinkedIn le 26/07/23

[2] Voir l'article « Agriculteur en difficulté  = mal-être », publié sur LinkedIn le 23/09/22

[3] Voir article « Sortir de la spirale infernale des difficultés : Eviter l’isolement à tout prix qui est la porte d'entrée du mal-être », publié sur LinkedIn le 24/04/23