Légendes de la Ve République

Légendes de la Ve République

Convaincus, résignés ou dépités, dimanche marque la date du retour aux urnes, qui nous révéleront de quoi seront faites les cinq prochaines années en France et en Europe. Ces moments entrent dans l’Histoire et portent dès lors leur lot d’anecdotes et de légendes. Nous vous proposons aujourd’hui un condensé des propos juridiquement improbables des deux candidats finalistes à l’élection présidentielle sur fond de scènes mythiques de la Ve république. 

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À voté !

François Mitterrand, en place durant quatorze ans, soit deux septennats, est le président resté le plus longtemps au pouvoir. Jacques Chirac le suit avec un septennat et un quinquennat, juste devant Charles de Gaulle (dix ans). Seuls deux autres présidents ont été réélus, mais sans aller au bout de leur second mandat : Jules Grevy (huit ans) et Albert Lebrun (huit ans). En 2022, le « club des cinq » pourrait-il devenir un « club des six » ? Cette année également, on se demande s’il serait possible que le « club des 27 de l’UE » deviennent à nouveau « club des 28 ». Depuis que l’Ukraine a déposé officiellement une demande d’adhésion à l’Union européenne le 28 février dernier, la Moldavie et la Géorgie lui ont emboîté le pas, mettant une pression sur les Européens qui, pour l’heure n’envisagent aucune procédure accélérée. La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en visite à Kiev le 8 avril dernier, a néanmoins assuré le président ukrainien de sa volonté d’aller vite pour acter la candidature de son pays… mais pas l’adhésion. De toute façon, rejoindre l’Union européenne exige de respecter quantité d’obligations s’apparentant à un parcours d’obstacles qui rendent une adhésion rapide peu probable. Pour accéder à l’UE il faut en effet respecter une série de critères, certains aménageables (justifier d’institutions garantissant la démocratie, l’engagement à rejoindre la zone euro, l’adoption dans son droit national de tout le droit de l’Union, etc), d’autres pratiquement intengibles (se situer géographiquement en Europe, et respecter les valeurs de l’Union). L’État demandeur doit d’abord obtenir le statut de candidat (accordé ou non par la Commission et le Conseil de l’Union européenne), avant que les États membres négocient son éventuelle adhésion, en vérifiant qu’il remplit les critères. En cas d’accord, un traité d’adhésion doit être ratifié par tous les États membres et le Parlement européen. Il semblerait donc qu’en 2022 un club ait plus de chance que l’autre de gagner un nouveau membre…

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À chaque campagne électorale, tout candidat se doit d’avoir un QG, stratégiquement placé. En 2007, Nicolas Sarkozy établit le sien 18 rue d’Enghien à Paris. Pourquoi ? “À cause de la proximité avec la station de métro Bonne nouvelle” répondit à l’époque une chargée de communication. En suivant cette logique, Marine Le Pen aurait dû installer le sien à côté de l’arrêt “Nation” puisque c’est sur cette dernière qu’elle entend s’appuyer pour changer la Constitution. En effet, à tous ceux qui lui affirment que son programme se heurterait à la Constitution, à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, au droit de l’Union européenne, à la Convention européenne des droits de l’Homme, Marine Le Pen répond, imperturbable, qu’elle en appellera au peuple pour réviser la Constitution et y graver dans le marbre les éléments de son programme qui posent le plus de problèmes du point de vue du droit. Cependant, la procédure prévue à l’article 89 de la Constitution prévoit que tout projet de révision doit d’abord être adopté par les deux chambres du Parlement, Assemblée nationale et Sénat, avant, soit d’être soumis à référendum, soit d’être adopté par le Parlement à la majorité des 3/5. Quant à l’utilisation de l’article 11, il établit la possibilité d’organiser un référendum, mais trois limites existent. D’abord, le projet doit être soumis par le Premier ministre, or Marine Le Pen n’est pas du tout assurée d’avoir un chef du Gouvernement à sa main après les législatives de juin. Ensuite, le référendum ne peut déboucher que sur une loi (dite “référendaire”), et non sur une révision de la Constitution. Enfin, le projet doit entrer dans un des domaines spécifiés. Ainsi, un consensus existe aujourd’hui chez les juristes pour considérer qu’il n’est pas possible de contourner le Parlement pour en appeler directement au peuple pour réviser la Constitution. 

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Dès la première élection présidentielle au suffrage universel en 1965, l’égalité de traitement entre les candidats à la télévision préoccupe. Le tirage au sort est privilégié pour établir l’ordre dans lequel ils passeront sur le petit écran. À l’époque, le Conseil Constitutionnel s’en remet… à la grande roue de la loterie nationale, qui est carrément installée au Conseil pour rendre son verdict ! Autre principe d’égalité fondamental : l’égalité devant l’impôt, que Marine Le Pen semble avoir quelque peu oublié lorsqu’elle a proposé d’exonérer les moins de 30 ans d’impôt sur le revenu. En effet, si certaines discriminations fiscales se justifient par un intérêt général, exonérer des contribuables d’impôt sur le revenu sur le seul critère de leur âge semble contraire au principe d’égalité devant l’impôt. Surtout, le Conseil constitutionnel risquerait bien de censurer une exonération qui en réalité ne bénéficierait qu’aux contribuables privilégiés.

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En décembre 2012, Nicolas Sarkozy avait vu son compte de campagne rejeté pour irrégularité. En effet, après contrôle, il se trouvait que le plafond limitant les frais de campagne avait été dépassé de près de 2%, et des dépenses masquées avaient été estimées à 1,6 million d’euros. Ainsi il avait dû restituer une partie des frais de campagne avancés par l’État. Mais qui contrôle les frais de campagne exactement ? Les Surligneurs vous expliquent tout. En vertu du principe d’égalité, l’État s’engage à prendre à sa charge les frais de campagne des candidats aux élections, à condition de dépasser 5% des suffrages exprimés aux élections, mais aussi de ne pas dépasser un certain montant de dépenses. Cette prise en charge par l’État a été mise en place en 1988, après divers scandales de corruption. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP (oui ça fait beaucoup de lettres), a été mise en place en 1990 afin de contrôler les comptes de campagne, mais aussi les comptes des partis politiques. Ainsi, elle contrôle les dons faits aux différents partis, et vérifie qu’ils n’émanent pas d’une personne morale, ou d’une personne ne disposant pas de la nationalité ou de la résidence française (ce qui est proscrit par la loi). Cependant le don des personnes individuelles, de nationalité française ou résidentes en France, est limité : ce don (exonéré à 66% de l’impôt sur le revenu) ne peut excéder 4600€ par campagne (pour l’ensemble des candidats).

Les comptes de campagnes doivent être validés par la CNCCFP, qui les publie au Journal Officiel. Le plafond des dépenses de campagne est fixé par la loi à 16,851 millions € au premier tour, et 22,509 millions € au second tour, par candidat. Pour les candidats ayant fait moins de 5% des suffrages, l’État ne remboursera que 4,75% du plafond (soit 800 422 €), et pour ceux ayant fait plus, 47,5%. C’est à ce moment-là que les ennuis commencent pour les candidats n’ayant pas fait 5% alors qu’ils pensaient y parvenir, comme c’est le cas actuellement de Yannick Jadot et Valérie Pécresse (qui pourra toujours demander à son ami François Fillon de revendre quelques-uns de ses costumes sur Vinted). 

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Lors de la campagne de 2002, Lionel Jospin s’est fait asperger de ketchup lors de son meeting à Rennes par deux mineurs se faisant passer pour des partisans du Mouvement des jeunes socialistes. Plus récemment, François Fillon, alors en campagne pour l'élection présidentielle de 2017 se faisait enfariner à Strasbourg, par un assaillant portant un T-shirt “Les jeunes avec Fillon”. Même s’il ne faut pas jouer avec la nourriture, ces “attentats pâtissiers" semblent presque relever du rituel initiatique pour les candidats à la présidentielle. Cependant certaines atteintes pourraient se révéler plus graves, et afin de pallier ces risques, il existe une protection particulière pour les candidats à l'élection présidentielle. C’est le Service de la Protection (SDLP), une branche de la police nationale, qui assure aussi, entre autres, la protection du Président de la République et des membres du gouvernement, qui s’en charge. Tous les candidats ne sont pas protégés au même degré : l’unité de coordination de la lutte antiterroriste note le degré de protection du candidat de 1 à 4 (1 représentant la note la plus élevée). Cette note est attribuée en fonction d’un faisceau d’indices, comme la famille politique du candidat ou son poids dans le débat politique. Pour ne plus avoir la gueule enfarinée sur ce mécanisme de protection et sur les différents cas d’empêchement électoral, filez lire notre éclairage

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À Pau, lors du 1er tour de notre actuelle élection présidentielle, de l’ouverture du bureau de vote à 8h à la venue d’un délégué local du Conseil constitutionnel, personne n’a remarqué un oubli de bulletin. En effet, le tas de bulletins de la candidate du PS Anne Hidalgo manquait à l’appel sans que personne, du bureau de vote ou parmi des électeurs, ne s’en émeuve… Il semble que les Paulois ne sont pas les seuls à avoir la tête ailleurs. Emmanuel Macron propose qu’un “contrôle parental des écrans auxquels ont accès les enfants soit systématiquement proposé à l’installation”. Cependant, une loi du 2 mars 2022 impose déjà aux fabricants d’appareils connectés, de pré-installer un dispositif de contrôle parental et d’en proposer l’activation gratuite dès la première utilisation de l’appareil. Oubli d’autant plus étrange que l’auteur de cette proposition de loi n’est autre qu’un député… LREM. Comme quoi, il n’y a pas que le PS qui est victime d'inattention

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Depuis quelques années, les communes doivent rivaliser d’astuces pour attirer les assesseurs à venir contrôler le scrutin : petit déjeuner ou apéro offert, tout pour éviter de faire ralentir le processus de vote pour les électeurs. Car en effet, bien que souvent oublié, c’est sur l’assesseur que repose la régularité et la sécurité du scrutin : il s’assure que le scrutin se déroule dans de bonnes conditions et dans le respect de la loi, contrôle toute la procédure du vote, de l’identité des électeurs à leur émargement, et participe à l’organisation du dépouillement. Il faut au moins deux assesseurs par bureau de vote, désignés par les candidats ou par le maire. Mais le contrôleur est lui-même contrôlé. En effet, les partis politiques et candidats sont invités à désigner des délégués qui viendront observer le processus électoral. Ils veillent au respect du Code électoral et peuvent inscrire leurs observations et contestations sur le procès-verbal du bureau de vote. Ces acteurs du processus électoral veillent à la régularité et à la sincérité du scrutin, qui conditionnent sa validité. Si la régularité porte sur le respect des procédures prévues par le Code électoral, la sincérité est une notion plus complexe. Elle implique que le scrutin doit refléter la réalité de l’opinion française, et ce autant que possible. Il est donc nécessaire que l’égalité de compétition entre les candidats soit respectée, ainsi que l’égalité dans le décompte des voix, dans la protection de liberté de choix et le protection du secret du vote (l'électeur ne doit subir aucune pression extérieure, même au sein du bureau de vote). 

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En 1974, Jacques Chaban-Delmas espèrait remplacer Georges Pompidou. Il estimait entre autres incarner le dynamisme, lui qui à 59 ans montait quatre à quatre les escaliers. Erreur ! s’alarment ses conseillers. Sauter des marches est peut-être un signe de forme, mais aussi d’un manque de sérieux pour un président potentiel. Il devra donc ralentir son pas durant toute la campagne pour avoir une allure plus solennelle. Et vous ? Vous désirez savoir si vous avez l’étoffe d’un futur président en proposant un programme honnête et juridiquement tenable ? Répondez au quiz en testant vos connaissances sur les programmes de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron !

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 Nous vous souhaitons une bonne fin de semaine, 

N’hésitez pas à nous écrire pour nous donner vos commentaires, 

Merci de nous avoir lu et à la semaine prochaine ! 

Juliette et Myriam :) 

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