L’évitement amical : la posture qui empêche le feed-back
Dans la culture du travail suisse, les désaccords sont rarement évoqué en toute franchise. Avec le risque que ces feed-backs sincères se transforment en virus émotionnels et toxiques.
L’une des particularités de la Suisse est une communication respectueuse et empreinte de gentillesse, aussi bien dans la vie quotidienne que dans la vie professionnelle. Un désaccord n’est que rarement traité en direct, surtout quand plusieurs personnes sont présentes. Pour un non-initié, déceler un problème de fond est pratiquement impossible.
En Allemagne, un spécialiste reconnu peut dire à un collègue, voire à son chef: «Je ne suis pas d’accord». Il se met ainsi dans un esprit d’«Auseinandersetzung», terme intraduisible qui signifie «se rentrer factuellement dedans». Comportement incompréhensible pour un étranger, ces mêmes Allemands qui ne semblaient pas être loin d’en venir aux mains, se tapent à 17h sur l’épaule et s’en vont boire une bière ensemble avant de rentrer à la maison.
Les relations en France oscillent entre politesse et rudesse. En cas de désaccord, on «prend la température» pour chercher d’abord un terrain d’entente. Si celui-ci n’est pas trouvé, la situation peut devenir rapidement émotionnelle. Critiques et reproches fusent jusqu’à ce que le supérieur hiérarchique mette d’une voix forte un terme à la querelle.
Quel bonheur donc de travailler en Suisse! Vraiment?
Dans de nombreux projets d’alignement d’équipes je rencontre des dirigeants et collaborateurs manifestant des symptômes de la «maladie de «l’évitement amical», à l’instar de cet employé de banque:
« Récemment, il m’a été reproché certains points sur un processus que j’ai mis en place. Ce que j’ai du mal à gérer, c’est la façon dont ça m’a été reproché. En effet, la personne qui travaille à côté de moi ne m’a rien précisé et m’a même affirmé que mon travail était bon, mais a envoyé un email à mon manager pour se plaindre quant à la bonne exécution du process. Maintenant, en arrivant au travail, j’ai la boule au ventre. »
Le déclencheur: la peur !
Dans une culture qui prône des relations courtoises, les personnes impliquées sont en permanence sur leurs gardes et n’évoquent pas les sujets épineux. Derrière ce comportement d’évitement amical se cachent des peurs, notamment celle de perdre la face ou faire perdre la face à l’Autre.
Pour y remédier, les partis impliqués adoptent en général un comportement politiquement correct: sourire comme si de rien n’était dans les meetings officiels. A la sortie du meeting, on touche un mot à un collègue que l’on sait de son côté pour chercher des alliances et traiter le problème.
S’en suit le «mail au chef» et des réunions de couloir pour charger le «désigné coupable» le plus subtilement possible.
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Le prix de l’évitement amical
Ces conflits larvés ont un coût élevé. Premièrement, ils plombent l’ambiance de travail et minent les rapports humains. S’en suivent une perte de motivation et de productivité alimentée par le partage de ces «virus émotionnels» à la machine à café. Les employés passent leur temps à décoder et à interpréter les comportements des uns et des autres ou, encore pire, répandent leurs rancœurs suite à des coups qu’ils estiment «tordus».
Au final, l’organisation souffre d’un désintéressement progressif aux enjeux importants, les meilleurs éléments partent, d’autres adoptent une stratégie d’absentéisme voire de présentéisme.
Au management de baisser les «coups» dans l’entreprise
L’expérience montre que la formation peut sensibiliser à cette problématique et apporter des outils de résolution de conflits. La méthode de la communication non-violente est excellente à ce titre.
Mais le meilleur outil ne sert à rien, si le management ne donne pas l’exemple.
Premièrement, en thématisant le syndrome de l’évitement amical et ses conséquences néfastes pour l’entreprise et l’individu.
Deuxièmement, en adoptant au sein du Comité de Direction un comportement qui ne tolère plus les «coups» dans l’entreprise.
Et troisièmement, en créant des espaces sécurisants permettant aux collaborateurs de s’exprimer librement et sans crainte.
Le cœur de l’économie sont les relations et non la technologie ou le KPI. Savoir échanger de façon sincère et bienveillante, entre collègues et entre hiérarchies, est la clé pour créer une organisation forte et agile qui saura faire face aux défis du nouveau monde digital.
Jochen Peter Breuer est expert en Leadership-Team Alignement, Intelligence Collectif & Sécurité Psychologique au sein de JPB & Friends Sàrl au Les Cullayes Lausanne -CH)
Contact: jpb@jpbfriends.com www.jpbfriends.com
Enjoying a happy retirement :)
7 ansPour ma part, j'ai toujours cherché à crever l'abscès avant que les choses ne s'enveniment définitivement. Le tout en y mettant le bon ton et la forme, afin de rester respectueux.
Leadership Team Coach 🔆 Speaker 🔆 Auteur > de 40 ans d'expérience🔆 Je vous aide à booster votre impact grâce à la Leadership Simplexity ✨ Executive Team Coaching ✨ 1 - 1 Coaching pour Dirigeants ✨ Key-Note Speaker ✨
7 ansMerci beaucoup pour tous ces retours. Je suis impressionné par l'ampleur de la résonance à cet article qui parait soulever une thématique importante en Suisse. C'est pourquoi j'ai décidé d'en publier une traduction en allemand: http://bit.ly/FreundlichesVermeiden et prochainement en anglais. Business is Human :-)
agrément ARS chez EPhEP Ecole Pratique des Hautes Etudes en Psychopathologie de Paris
7 ansJ'aime bien l'intelligence collaborative !
Formatrice et Coach-Audiolook formation- Rhône Alpes-Suisse
7 ansMerci pour ce post, qui me donne envie de m'exprimer. Permette l'expression, et surtout l'apposition (non l'opposition) des points de vue est précieux pour l'entreprise, elle l'est aussi pour chacun d'entre nous. Nos besoins d'expression et de sens sont souvent insatisfaits. La Communication Non violente, est un processus tellement utile pour gagner en efficacité et... en sérénité. J'apprécie aussi cette maxime "C'est aussi comme une rampe d'escalier, elle ne monte pas les marches à votre place"