La baraka et la scoumoune (article publié par le Times of Israel du 6 mai 2021)
On le savait depuis longtemps, mais depuis qu’il a rendu son mandat au président Rivlin après avoir échoué à former un gouvernement, c’est évident : Binyamin Netanyahou n’a plus la baraka. Ce terme d’origine arabe - qui veut dire être béni ou plus généralement avoir de la chance - allait bien à l’insubmersible Premier ministre : au pouvoir depuis 12 ans, sans vraiment de rival, il dominait son camp de la tête et des épaules. Mais deux dissidences à droite, celle de Naftali Bennet (Yamina) et celle de Gideon Saar (Tikva Hadasha), devaient lui gâcher la vie. Confiant en sa bonne étoile, il multiplia les initiatives pour y répliquer. Afin d’affaiblir l’opposition, il suscita la dissidence du parti islamiste Ra’am de Mansour Abbas. Pour minorer le score de Naftali Bennett à l’intérieur du camp national-religieux, il força l’union entre les messianistes de Betzalel Smotrichet et les kahanistes d’Itamar Ben Gvir pour former ha Tsionout he Datit (Sionisme religieux). Mais ces deux partis ont échappé à leur maître et, en s’opposant l’un à l’autre pour refuser de participer à une même coalition, ils ont ruiné tous les plans de Binyamin Netanyahou. La baraka a changé de camp. Naftali Bennett en dépit de son échec électoral (7 sièges alors que les premiers sondages lui en promettaient une vingtaine) a fait l’objet de toutes les sollicitudes. Il aurait été chef d’un gouvernement dominé par le Likoud avant Binyamin Netanyahou … du moins c’est ce que celui-ci lui avait promis. Et l’on sait que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » (Charles Pasqua). Désormais, c’est au sein du « bloc du changement » (Goush ha shinouï) que Naftali Bennett espère accéder au poste de Premier ministre. Mais, à l’heure où ces lignes sont écrites, c’est Yaïr Lapid qui devrait se voir confier le mandat de former un gouvernement par le président. Le chef de Yesh Atid prendrait ainsi une revanche sur un destin où il n’avait pas la baraka. Pour lui, c’était plutôt la scoumoune, cette malchance, ce mauvais œil qui l’obligeait toujours à s’effacer devant ses alliés. Pour former une coalition, Yaïr Lapid devra composer avec trois partis de droite (Yamina, Tikva Hadash, Israel Beitenou d’Avigdor Liberman), un du centre (Kahol Lavan) et deux partis de gauche (Parti travailliste et Meretz). En tout état de cause, dans cette configuration, le bloc du changement n’atteindrait pas la majorité absolue (61 sièges). Il devrait se contenter d’une majorité relative avec le soutien extérieur des 4 députés de Ra’am. Car, comme dans l’hypothèse précédente d’un gouvernement « à droite toute », c’est Mansour Abbas qui serait le faiseur de roi d’un gouvernement d’union nationale. C’est normal, depuis qu’il a conquis son indépendance, pour le chef du parti islamiste, c’est la baraka tous les jours.