« La chispa ». L’étincelle.

« Je viendrai te voir en République dominicaine, Nicole », lui avais-je promis, comme toujours, avant de raccrocher.

« Dépêche-toi, je suis fatiguée ». Elle m’avait répondu dans un souffle. Elle, qui ne se plaint jamais, qui conclut les nouvelles qu’elle donne d’elle, pudiquement, par un « allons, on n’en parle pas ».

Quatre mois après mon élection au Sénat, je suis là, à Saint Domingue.

C’est Nicolas Brehm , président du conseil consulaire, qui est venu m’accueillir. Il me loge chez lui, dans ses bureaux, où une chambre m’attend. M’entoure de mille attentions, me parle de ce pays qu’il aime tant. Des gens, surtout. Cet homme se dit « pragmatique », éloigné des querelles politiques. Ce qu’il aime, ce à quoi il consacre tant d’énergie, ce sont les projets, les solutions, le faire ensemble.

L'art, partout.

Nicolas a rempli l’appartement dans lequel il a installé des bureaux de tableaux et d’œuvres, comme des traces de son immense curiosité et de son amour de la créativité. La musique aussi remplit sa vie.

Il est entrepreneur, écologue. Sur le comptoir de la cuisine trône un immense bac où décante le miel de ses abeilles. Il fait de la biosurveillance, m’a promis de me montrer certaines de ses ruches.

Le lendemain de mon arrivée, l’ambassadeur de France en République dominicaine, Eric Fournier , m’accueille à la résidence. Il a réuni les responsables de son équipe pour me permettre d’avoir une vue d’ensemble des questions traitées par ses services. Je rencontre des gens engagés, qui œuvrent si loin. Le soutien et l’écoute des administrations centrales sont cruciaux pour leur permettre de faire leur travail. Un retour en France tous les 20 mois, c’est tout. La première difficulté dont me parle l’ambassadeur est la suspension de la desserte d’Air France, qui complique tout.

Départ vers le lycée français.

Je suis accueillie par le proviseur Laurent Casañas , intarissable sur son établissement auquel il consacre son inépuisable énergie.

Je la vois, de loin. Elle est là, droite comme un « I », solidement campée sur sa canne. Nicole Domino, l’immense Nicole, cette femme que rien n’abat, qui a tant fait. Enfin. Cela fait plus de 10 ans que je n’entends que sa voix. Je suis très émue de la retrouver, si frêle et toujours aussi solide.

Nicolas est là. C’est à lui, Yves DEMOUY et emmanuelle jacob qu’elle a passé le flambeau d’aider la communauté française. Aujourd'hui, francoise assemat remplace avec efficacité Yves, rentré en France. Je la rencontre, elle travaille au lycée et connait par cœur les administrations sociales. Emmanuelle est à la Romana. Elle n'a pas pu venir. J'irai la voir, ainsi que Jean-Michel Cau, lors d'un prochain déplacement.

Un point commun à tous. Ils ont dans les yeux cette étincelle. Une énergie, « la chispa ».

On me présente une femme discrète, un peu en retrait, Françoise Morel ! Je la connais, elle aussi, depuis plus de 20 ans. La filleule de Nicole, avec qui je n’ai eu qu’une relation épistolaire lorsque des dossiers de Français en difficulté m’étaient transmis. Le même humour, la même bienveillance dans les yeux.

Nicole est la fondatrice de l’école, qui abrite aujourd’hui plus de 700 élèves, de la maternelle à la Terminale. Des bâtiments magnifiques, que possèdent les enfants. On sent l’enseignement par l’envie, les projets portés par les élèves. Les sonneries qui marquent la fin des cours sont des extraits musicaux choisis par les élèves.

Je suis marquée par le dynamisme qui semble inépuisable du proviseur, soutenu par un conseil d’administration investi et tourné vers l’avenir. Deux de ses responsables sont là, souriants et fiers.

L’engagement des acteurs de cet établissement d’exception saute aux yeux. Il y a quelque chose de particulier, ici, m’explique-t-on.

La « chispa », encore.

Les défis de cette école ont été immenses. Menacée il y a quelques temps, on réfléchit aujourd’hui aux moyens d’expansion.

L’Alliance française ensuite. Tout aussi belle. On a fêté ses 120 ans quelques jours avant.

Une équipe renouvelée, dynamique et sa directrice Ivanne Girard . Une lumière dans le sourire de la nouvelle directrice, arrivée à Saint Domingue il y a quelques mois. Déjeuner au « Petit Bistro », point de ralliement où l’on échange sous des photos de la Tour Eiffel.

Visite de l’espace culturel « Pierre Domino », où, 20 ans après une exposition pluridisciplinaire à l’Alliance française de Paris, sont présentées de nouvelles œuvres de huit artistes dominicains. Visite des nouveaux bureaux, magnifiques. Visite de la médiathèque, qui accueille des jeunes venus pour huit mois faire leur service civique. Leur appui technique est précieux.

Puis la librairie française, œuvre de Nicole et dirigée par Françoise. J’en avais tant entendu parler. Expression d’un amour de la France qu’on fait vivre. 

Je gronde Nicole, qui ne m’appelle plus que « la sénatrice ». C’est toujours moi, c’est Olivia. Elle m’accueille chez elle, nous passons devant son entreprise. Après avoir implanté Peugeot avec son mari, elle a été L’Oréal. Une grande entrepreneuse, avec son défunt mari. La détermination de cette femme est inébranlable. Sa bonté aussi.

Départ pour la résidence de France, où l’ambassadeur a organisé un cocktail avec des membres de la communauté française. Je suis heureuse de pouvoir échanger avec ces gens, la directrice de l’AFD, acteur incontournable. Nathalie Rocher, nouvelle Présidente de Saint Domingue Accueil accompagnée de sa prédécesseure. Des entrepreneurs, un dentiste, les personnels du poste. Des sourires, des remerciements d’être venue les voir. Je leur dis que je parle d’eux à Paris, que je sais bien que ce n’est pas parce qu’on quitte la France qu’on ne l’aime pas. Qu’on a beau vivre dans ce qui ressemble à une carte postale, il y a des difficultés. « Il faut qu’Air France revienne Madame ». Je leur dis que j’ai compris, que je vais essayer. Que j’ai oublié mes cartes de visite, pardon, c’est mon premier déplacement hors Europe, je ferai mieux la prochaine fois.

Monsieur l’Ambassadeur me remercie de la considération que je porte à la République dominicaine. C’est moi qui vous remercie, Monsieur, pour votre accueil et vos précieux conseils.

Nicolas Brehm m’emmène dans quelques minutes à Las Terrenas. Nous sommes samedi.