La colère : à craindre ou à encourager ?
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La colère : à craindre ou à encourager ?

« La colère est dévastatrice, elle éclate comme l’orage, elle allume notre cœur et brûle tout sur son passage » comme la décrit Anna Llenas dans son ouvrage « La couleur des émotions ». C’est le concept que chacun d’entre nous peut s’imaginer face à la colère d’un enfant, devant ses cris ou ses roulades au sol. Mais alors, si on creuse d’avantage, qu’est-ce que la colère ? A-t-elle une fonction et si oui laquelle ? Quel cadre socialement acceptable peut-on lui accorder pour s’exprimer ?

Tout d’abord, ses premières apparitions. La colère s’observe dès le « Terrible Two » ou phase d’opposition. Ce stade ou le « non » devient le mot préféré de l’enfant, il peut même le dire tout en effectuant l’action que vous lui avez demandé. En effet, il n’y a pas forcément de raison rationnelle à ce « non » et c’est bien normal ! Le tout petit est pris entre un besoin d’autonomie et un cerveau qui est encore immature.

Ce qui permet de réguler le cerveau émotionnel (et donc les colères par la même occasion) c’est le cortex préfrontal. Dites vous que le commandant qui est en chef de celui-ci vient tout juste d’entrer en formation et ne sait pas comment faire fonctionner l’appareil. Alors que le danseur artistique qui se trouve dans le cerveau émotionnel est en poste depuis bien longtemps : cet artiste se met en lumière avec une palette d’émotions telles que la joie, la tristesse, la peur et la colère !

Voyez un peu que quand le cerveau émotionnel se met en action avec la colère parce que l’assiette que vous avez tendu à l’enfant n’est pas bleue mais jaune, imaginez-vous ce petit capitaine venant d’ouvrir son premier manuel d’instruction qu’il ne tient pas dans le bon sens, se gratter la tête et soupirer de désespoir en observant le danseur artistique en pleine prestation, libre d’exprimer son talent !

Qu’est-ce qui vient animer cet artiste connu de renom ? Prenons par principe que l’artiste a dans l’âme un besoin d’expression, d’attention et possède une forme abstraite de communication. Dans le cas de la colère, il se met en mouvement lorsqu’il a le sentiment de ne pas être écouté ou lorsqu’il souhaite avoir raison. Il réagit aussi face à la frustration et à l’injustice. Finalement, il a de bonnes raisons de se mettre en scène pour défendre des causes valables, tout comme le font les artistes (peintres, chanteurs, sculpteurs, écrivains…chacun derrière son œuvre exprime une cause, une idée). Ces éléments déclencheurs offrent l’énergie de l’affirmation de soi. C’est un mécanisme très important et décisif dans la vie car cette énergie permet de maintenir les frontières corporelles, psychologiques et sociales de chaque individu. Ainsi, la colère nous habite et devient la garante du remplissage de nos besoins qui a pour objectif d’harmoniser le rapport à soi et aux autres.

Finalement, une émotion bienveillante mais pourquoi en faire tout un plat ? Dans son livre « Éclat : figure de la colère », Éric Gagnon, énonce deux domaines associés à la colère. Le premier est en lien avec l’histoire car à l’antiquité la colère était associée à une maladie du corps et de l’âme. Le second lien est fait avec la religion qui identifie la colère comme l’un des pêchés allant à l’encontre du principe de charité. Et ces deux principes influencent toujours nos actes quotidiens malgré nous.

De cette façon, Salomon Nasielski propose de différencier la colère, qui a des fonctions spécifiques comme stipulé plus haut dans l’article, et la rage. En effet, la rage est définie comme le niveau le plus élevé de la colère parce que justement elle a perdu la cause de ce qui l’a déclenché. Ainsi, la perte de contrôle est visible et la discussion rationnelle n’est plus possible contrairement à la colère.

Afin de ne pas aller jusqu’au niveau le plus élevé de la colère et de pouvoir transformer cette dernière en énergie positive, il est important que l’adulte fasse la promotion d’une écoute empathique et bienveillante. Différentes techniques peuvent être utilisées pour laisser la place à la colère de s’exprimer avec les codes de la société.

Au quotidien, pour soutenir le petit capitaine à utiliser correctement les fonctions du cerveau du tout-petit, l’adulte va lui servir de maitre. Par son attitude et ses actions, l’enfant va pouvoir l’imiter (vous pourriez d’ailleurs être surpris de voir à quel point il peut copier vos moindres gestes et paroles!). Cela permet d’installer une base de confiance. L’enfant vous voyant agir et résoudre vos défis tout en étant en lien avec vos émotions et besoins et en les écoutant peut à son tour utiliser vos stratégies pour en faire de même avec les siennes.

Et alors en temps de secousses voire tempêtes émotionnelles, c’est vous, adulte, qui allez guider son capitaine en lui indiquant les commandes à saisir pour retrouver une altitude plus basse et un vol plus calme. Par un langage adapté, vous verbalisez ce qui est en train d’animer l’enfant : le contexte, l’émotion, le ressenti, les sensations physiques, tout ce qui peut amener l’émotion de l’enfant à perdre de l’altitude. Il peut aussi s’agir de défouler l’émotion, de la faire sortir en levant les poings sur le coussin ou d’utiliser l’idée de « time out » dans un petit coin cocon pour prodiguer ensemble des exercices de respiration ou de relaxation afin de faire sortir l’émotion de façon contrôlée.

Il y a une non-éducation à la colère à cause des préjugés que nous avons d’elle. De cette façon nous ne tenons pas compte de son importance en tant qu’émotion pour accompagner l’affirmation de soi, pour rendre justice à soi-même ou aux autres. L’émotion n’est qu’un passage. Elle a de nombreuses fonctions comme celle d’alarmer quiconque la ressent qu’un besoin n’est pas satisfait.

Clémence Dejardin - Conseillère pédagogique LPCR

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