La compagnie de soi
On ne change pas tout au long de sa vie. Une fois qu’on est devenu soi-même, à dix-huit ou vingt ans, c’est pour toujours. On sait intuitivement quand on a atteint le point d’équilibre. À partir de ce moment, on est paré pour l’essentiel. Les modifications qui peuvent influer sur votre conduite sont négligeables, hors la mort.
J’ai été ballotté dans tous les sens, du point de vue matériel et moral. Ces avatars n’ont eu aucune influence sur mon caractère ni sur mon emploi du temps. Le changement le plus marqué qui me soit survenu, d’acquérir une certaine aisance, après une jeunesse démunie, n’a pas modifié d’un pouce ma conduite. Il n’a pas infléchi le sens de ce que j’écrivais. J’ai continué à faire comme si rien d’autre ne comptait que la littérature. C’était vrai d’ailleurs, rien d’autre ne comptait.
Au fond, j’ai plutôt aimé être pauvre, malgré la laideur des maisons qu’on habite quand on n’a pas d’argent. Et j’ai aimé l’aisance qui est venue ensuite et qui m’a permis d’échapper à l’éternel recommencement. Dans les deux cas, le secret est de n’y penser que de loin.
Évidemment, pauvreté et richesse, ce n’était pas à la même époque. Je parle de deux âges distincts de ma vie. Pourtant, c’était la même façon de me traiter à distance, comme un compagnon de voyage commode, qui n’a rien à me dire d’essentiel, mais qui ne prend pas trop de place, ne se mêle pas de ma santé ni de mes affaires de cœur, et passe la nuit sans faire de cauchemar, sans me réveiller brusquement sous prétexte d’un danger qui n’existe pas.
Tant qu'à vivre en compagnie de soi, autant garder ses distances.
Custodes
4 ansas if, the world is a beautiful nothing...
Entrepreneur | E-Commerce | Marketing & Operations
4 ansJoliment dit.
L'imagination est le langage de l'âme et le partage des connaissances est la joie de la pensée💫
4 ansLuc Dellisse. Je retiens ce passage avec un intérêt tout à fait particulièrement riche en ressentis pour ma part. Merci amplement pour votre écriture authentique d'expériences de vie. "Évidemment, pauvreté et richesse, ce n’était pas à la même époque. Je parle de deux âges distincts de ma vie. Pourtant, c’était la même façon de me traiter à distance, comme un compagnon de voyage commode, qui n’a rien à me dire d’essentiel, mais qui ne prend pas trop de place, ne se mêle pas de ma santé ni de mes affaires de cœur, et passe la nuit sans faire de cauchemar, sans me réveiller brusquement sous prétexte d’un danger qui n’existe pas. Tant qu'à vivre en compagnie de soi, autant garder ses distances."