La confiance : un pur angélisme ?

La lecture de « La société de confiance » d’Alain PEYREFITTE, alors que j’étais en thèse d’économie à l’X, m’avait beaucoup marqué. De manière magistrale, ce dernier y prenait à rebours la pensée dominante – celles d’une majorité des économistes  -- qui fait des déterminants matériels les principaux facteurs du développement (capital, travail, ressources naturelles, climat, fiscalité …) pour avancer l’idée que les mentalités et les comportements ont un effet prépondérant.

Un peu plus de vingt ans plus tard, nous aurions versé dans la « société de défiance » comme la décrivent Yann ALGAN et Pierre CAHUC dans un ouvrage assez crépusculaire qui nous dépeint une société dans laquelle la méfiance est partout et à l’égard de tous, citoyens, pouvoirs publics, élus et marché. Pour eux, ce déficit de confiance réduit significativement l’emploi, la croissance et, surtout, l’aptitude des Français au bonheur. Et il n’y a qu’à regarder la scène qui se joue chaque samedi depuis deux mois, en jaune fluo, dans nos rues pour en avoir une autre illustration.

Et nous alors, en entreprise, comment pouvons-nous agir autour de la confiance ? Avons-nous des leviers ?

Ma conviction est que donner ou redonner confiance est un acte essentiel de management.

Mon constat c’est que bien souvent cette dimension est reléguée au second plan au sein des grandes organisations qui se focalisent plus volontiers sur les processus ou les organigrammes, probablement parce qu’il est plus facile pour les managers de les changer…

Ma proposition est d’identifier quatre marqueurs de la confiance en entreprise, à l’attention de celles et ceux qui adhéreront à l’idée qu’il est possible d’avancer dans cette voie.

- Autonomie : si un manager laisse de l'autonomie, c'est qu'il a confiance en son collaborateur. Accorder de l'autonomie – ce qui peut être ressenti comme une prise de risques au départ – tout en conservant un regard bienveillant sur le travail réalisé permet au collaborateur de progressivement gagner en assurance dans son activité.

- Justesse : un collaborateur ne sera pas dupe d'un manager qui prodigue en permanence des compliments. Puisque que l’autonomie peut parfois occasionner des erreurs ou des maladresses, au moins au début, il s’agit de trouver un équilibre entre encouragements et critiques, dans une pratique fluide du feedback.

- Authenticité : être vrai est un atout essentiel et c’est l’une des idées défendues avec force par mon ami François-Daniel MIGEON. Tout un chacun a ses propres capteurs pour déceler le mensonge. Il est du reste bien difficile de transmettre des idées si l'auteur n'en n'est pas lui-même convaincu. Il sera donc très délicat pour un manager de tenter de convaincre ses collaborateurs de la nécessité d'atteindre certains objectifs s'il n'est pas lui-même convaincu de la direction à suivre.

- Engagement : une équipe a besoin de sentir que le manager connaît, apprécie et est fier du travail réalisé. Ce sentiment de fierté qui invite à la confiance ne peut provenir que d'un fort niveau d'engagement du manager. « Etre bien à bord » mais sans tout faire.

Identifier ses marqueurs peut faire gagner un temps précieux pour établir la confiance mais cette dernière reste un bien fragile et ne résiste pas longtemps sans bienveillance, exigence vis-à-vis d'autrui mais aussi vis-à-vis de soi.

La confiance se donne plus qu’elle ne se gagne. Au final, ce n’est pas de l’angélisme si l’on est conscient de la difficulté d’établir cette confiance. C’est d’autant plus difficile que donner sa confiance suppose une confiance en soi suffisante... Et comme aime le rappeler mon ami Patrice NAUDY, « la confiance n’est pas un os, c’est un muscle ! ». Et si on essayait ?