La culture au service de la paix
Alors que tout laisse à penser que la guerre en Ukraine pourrait s’étendre, on oublie souvent qu’une telle situation reflète les aliénations que nous ne sommes pas parvenus à surmonter. La géopolitique calculatrice, l'esprit de compétition et les ambitions aveugles de certains États étouffent les élans de fraternité. Dès lors, bon nombre de personnes bien intentionnées font appel à l’injonction du mahatma Gandhi : « Soyez le changement que vous voulez voir en ce monde ». La formule s’appuie sur un constat réaliste. Notre action pour corriger le chaos est très faible. En revanche, nous pouvons modifier la qualité de notre vie intérieure de telle sorte à ne pas reproduire en nous la confusion que nous voyons à l’œuvre dans le monde.
Dans les dernières pages de 𝐿’𝑒𝑚𝑝𝑖𝑟𝑒 𝑛𝑢𝑚𝑒́𝑟𝑖𝑞𝑢𝑒 & 𝑠𝑎 𝑚𝑦𝑠𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒, je reprends cette aspiration en relatant ce que j’appelle « Aménager son jardin minimaliste ». L’expression désigne une disposition d’esprit propre à favoriser le retour à soi et la libération dans la tranquillité.
Avant cela, je remets en cause un optimisme enjoué que l’on a vu triompher en librairie comme en entreprise, au nom du bien-être. Les multiples crises qui nous précipitent dans des impasses ou, au pire, dans un drame radical, révèlent les limites de ce commerce. Ce commerce du bien-être fleurit sur le terreau que l’éducation a délaissé, à savoir la culture de la paix, de la lucidité et de la quiétude.
Ainsi, évoquant les mécanismes de l’ignorance innée, liée au désir et à la crainte, et l’élan intérieur pour surmonter leurs méfaits, je précise ceci :
« 𝑆𝑎𝑐ℎ𝑜𝑛𝑠 (…) 𝑞𝑢𝑒 𝑐𝑒𝑡 𝑒́𝑙𝑎𝑛 𝑖𝑛𝑡𝑒́𝑟𝑖𝑒𝑢𝑟 𝑛’𝑎𝑡𝑡𝑒́𝑛𝑢𝑒𝑟𝑎 𝑝𝑎𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑔𝑒́𝑜𝑝𝑜𝑙𝑖𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑒́𝑠𝑜𝑟𝑑𝑟𝑒𝑠 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑖𝑎𝑢𝑥, 𝑛𝑖 𝑓𝑟𝑒𝑖𝑛𝑒𝑟𝑎 𝑙𝑒𝑠 𝑣𝑒𝑙𝑙𝑒́𝑖𝑡𝑒́𝑠 𝑑’𝑎𝑙𝑙𝑒𝑟 𝑣𝑒𝑟𝑠 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑠𝑡-ℎ𝑢𝑚𝑎𝑛𝑖𝑡𝑒́. 𝑃𝑜𝑢𝑟𝑞𝑢𝑜𝑖 ? 𝑃𝑎𝑟𝑐𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡𝑖𝑡𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑢 𝑗𝑎𝑟𝑑𝑖𝑛 𝑚𝑖𝑛𝑖𝑚𝑎𝑙𝑖𝑠𝑡𝑒 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑣𝑎𝑛𝑐𝑒́𝑒𝑠 𝑡𝑒𝑐ℎ𝑛𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑟𝑟𝑒𝑠𝑝𝑜𝑛𝑑𝑒𝑛𝑡 𝑎̀ 𝑑𝑒𝑢𝑥 𝑓𝑙𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡𝑒́𝑠 𝑑𝑒 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑑𝑖𝑠𝑐𝑜𝑟𝑑𝑎𝑛𝑡𝑒𝑠. 𝐿’𝑢𝑛𝑒 𝑓𝑎𝑖𝑡 𝑎𝑝𝑝𝑒𝑙 𝑎̀ 𝑙𝑎 𝑑𝑢𝑟𝑒́𝑒, 𝑎𝑢 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑙𝑜𝑛𝑔. 𝐸𝑙𝑙𝑒 𝑛𝑒́𝑐𝑒𝑠𝑠𝑖𝑡𝑒 𝑑𝑒 𝑠𝑒 𝑡𝑒𝑛𝑖𝑟 𝑒𝑛 𝑟𝑒𝑝𝑜𝑠. 𝐿’𝑎𝑢𝑡𝑟𝑒 𝑣𝑎 𝑡𝑜𝑢𝑗𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑣𝑖𝑡𝑒. 𝐸𝑙𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑣𝑜𝑟𝑒 𝑙𝑒 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠. 𝐶𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑑𝑖𝑠𝑝𝑟𝑜𝑝𝑜𝑟𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎𝑡𝑡𝑒́𝑛𝑢𝑒 𝑙’𝑖𝑚𝑝𝑎𝑐𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑟𝑒𝑚𝑖𝑒̀𝑟𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑠𝑒𝑐𝑜𝑛𝑑𝑒. 𝐸𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟𝑡𝑎𝑛𝑡, 𝑜𝑛 𝑎𝑖𝑚𝑒𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑢𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑡𝑒𝑐ℎ𝑛𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑒𝑟𝑣𝑒 𝑙𝑒 𝑏𝑖𝑒𝑛-𝑒̂𝑡𝑟𝑒 𝑑𝑢 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒 𝑣𝑖𝑣𝑎𝑛𝑡, ℎ𝑜𝑛𝑜𝑟𝑒 𝑙𝑒 𝑏𝑒𝑠𝑜𝑖𝑛 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑙𝑙𝑎𝑏𝑜𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑢𝑛 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟𝑐𝑜𝑛𝑛𝑒𝑐𝑡𝑒́, 𝑠𝑜𝑢𝑡𝑖𝑒𝑛𝑛𝑒 𝑢𝑛𝑒 𝑒́𝑑𝑢𝑐𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑞𝑢𝑖 𝑐𝑒́𝑙𝑒̀𝑏𝑟𝑒 𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑣𝑒𝑙𝑜𝑝𝑝𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑐𝑖𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑙𝑙𝑖𝑔𝑒𝑛𝑡𝑒. 𝐶𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑣𝑖𝑠𝑒́𝑒 𝑖𝑑𝑒́𝑎𝑙𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑙𝑒 𝑐𝑎𝑟𝑏𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 𝑑’𝑢𝑛 𝑜𝑝𝑡𝑖𝑚𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑒𝑛𝑗𝑜𝑢𝑒́ 𝑎𝑢 𝑠𝑒𝑟𝑣𝑖𝑐𝑒 𝑑𝑢 𝑝𝑟𝑜𝑔𝑟𝑒𝑠𝑠𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑡𝑒𝑐ℎ𝑛𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑚𝑒𝑠𝑠𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑏𝑜𝑛ℎ𝑒𝑢𝑟. 𝐼𝑙 𝑚’𝑎𝑝𝑝𝑎𝑟𝑎𝑖̂𝑡 𝑎𝑢𝑗𝑜𝑢𝑟𝑑’ℎ𝑢𝑖 𝑞𝑢𝑒 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑑𝑒𝑣𝑟𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑚𝑒́𝑓𝑖𝑒𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑒𝑥𝑐𝑒̀𝑠 𝑑𝑒 𝑙’𝑜𝑝𝑡𝑖𝑚𝑖𝑠𝑚𝑒, 𝑐𝑎𝑟 𝑖𝑙𝑠 𝑎𝑡𝑡𝑒́𝑛𝑢𝑒𝑛𝑡 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑙𝑢𝑐𝑖𝑑𝑖𝑡𝑒́ 𝑒𝑡 𝑙’𝑎𝑐𝑢𝑖𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑛𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑟𝑒𝑔𝑎𝑟𝑑. »
J’ai écrit ce passage après l’épreuve du Covid grave. Avant la phase critique de réanimation, j’ai éprouvé l’écart entre la volonté de santé et la détérioration foudroyante du corps. La première ne peut rien contre la seconde. Deux ordres distincts. Deux forces concurrentes. Pour autant, on ne peut se résigner sauf à accepter sa propre fin.
Ainsi sommes-nous invités aujourd’hui à éveiller en nous cette dimension de révolte, celle qui ne peut se résoudre à tolérer l’inacceptable. Non pas une révolte qui serait un soulèvement agressif, mais une révolte sur le mode du « rouler en arrière » (étymologie latine du mot révolte, 𝑟𝑒𝑣𝑜𝑙𝑣𝑒𝑟𝑒), ce retour à soi qui fait que la dignité et la grandeur d’être humain descendent enfin jusqu’aux pieds, cessant dès lors d’être des idées.
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