La demande d'enregistrement d'un signe comme marque non constitutive d’un acte de contrefaçon

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel qui a rejeté la demande en contrefaçon de la marque de l’espèce (Cass. Com. 13 oct. 2021, n°19-20.959).

Exerçant sous les noms commerciaux « Cafés Malongo » et « Malongo » une activité, notamment, de vente de machines à café à usage professionnel ou privé, la société Malongo est titulaire de la marque verbale française « XPOD », déposée pour désigner, en classes 7, 11 et 21, des produits relevant du domaine des machines à café.

Elle était également titulaire du brevet européen désignant la France, déposé le 13 décembre 1994 sous le n° EP 0 735 837 B1 et publié sous le titre « Machine automatique pour la préparation d'infusions de boissons chaudes » (le brevet EP 837), la protection conférée par ce brevet étant expirée le 13 décembre 2014.

La société Technopool est titulaire des marques semi-figuratives française, communautaire et internationale « Z POD »pour ses produits en classes 7, 11, 21 et 30.

La société Ets Unic fabrique des machines à café nommées « Pony », dont le groupe d'infusion lui est fourni par la société Facotec, filiale de la société Technopool. Elle les vend aux professionnels de la restauration, parmi lesquels la société Cafés Richard, qui les met à la disposition de ses clients.

Considérant que la machine à café « Pony » contrefaisait certaines des caractéristiques revendiquées dans le brevet EP 837, et ayant appris que la société Facotec s'apprêtait à commercialiser une machine à café sous les marques « Z POD », la société Malongo les a assignées notamment, en contrefaçon du brevet EP 837, concurrence déloyale, contrefaçon de la marque « XPOD » et annulation des marques « Z POD ».

La société Malongo fait grief à l'arrêt d’appel de l’avoir débouté de sa demande en contrefaçon de la marque « XPOD ». Elle l’est également pour la Cour de cassatiuon. 

Elle rappelle qu’ « (elle) a précédemment interprété les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, en ce sens que le dépôt à titre de marque d'un signe contrefaisant constitue à lui seul un acte de contrefaçon, indépendamment de son exploitation (Com., 26 novembre 2003, pourvoi n° 01-11.784 ; Com., 10 juillet 2007, pourvoi n° 05-18.571, Bull. 2007, IV, n° 189 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 11-11.752 ; Com., 24 mai 2016, pourvoi n° 14-17.533) ».

Dans le même temps, à la suivre, « il y a toutefois lieu de reconsidérer cette interprétation à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Cette Cour juge en effet que le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe similaire à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, est fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJUE, arrêt du 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, points 26 et 27 et jurisprudence citée).

Or, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire ».Il en résulte que la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon.

OBSERVATIONS

Le moyen du pourvoi selon lequel la demande d'enregistrement à titre de marque d'un signe similaire à une marque protégée, pour désigner des produits ou services identiques ou similaires, constitue un usage du signe dans la vie des affaires et caractérise un acte de contrefaçon dès lors qu'il existe un risque de confusion entre les signes en présence est en conséquence jugé infondé.

Sur le présent arrêt, voir RLDI 2021/186, n°6058 ; égal. obs. Me Pierre Vivant, in RLDI 2022/188, à paraître.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000044220524?dateDecision=&isAdvancedResult=&page=2&pageSize=10&query=code+de+la+propri%C3%A9t%C3%A9+intellectuelle&searchField=ALL&searchProximity=&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT

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