La face cachée de l'echec
Un bébé à sa naissance dépend entièrement de sa mère et n’a pour seul moyen de communication que sa voix. Il pleure lorsqu’il a faim. Il pleure de nouveau lorsqu’il a soif. Il pleure pour lutter contre le sommeil. Il pleure parce qu’il a mal. Il pleure parce qu’il est agacé. Il pleure dès qu’il découvre un environnement neuf auquel il ne s’adapte pas. Quelle que soit la situation, il faut qu’elle lui convienne, sinon il pleure. Et en grandissant, il commence à faire travailler sa mémoire et à mettre des émotions sur des visages qui lui sont familiers. Il découvre ensuite l’imitation avant même de comprendre ce que c’est. Mais là où il devient un excellent maître pour l’adulte c’est lorsqu’il découvre qu’il peut se mouvoir tout seul, aller à quatre pattes et même marcher.
Observer un bébé qui apprend à faire ses premiers pas peut vous enseigner la leçon de toute une vie. Voici un être qui dès qu’il se lève le matin et jusqu’à ce qu’il s’endorme de fatigue dans la journée pour une petite sieste, ou le soir après le dîner, va répéter de façon presque mécanique exactement la même chose.
Il fera l’effort de se lever, essaiera d’avancer d’un pas, perdre son équilibre et tomber sur ses fesses ou sur mes mains. Mais tout de suite après, un large sourire distinguant son visage angélique, il se lèvera de nouveau et reprendra le même exercice encore et encore. Et même s’il arrive qu’il se fasse mal en tombant, c’est presque comme si la douleur n’entamait point en lui le désir plus qu’ardent de savoir marcher. Et cette expérience il va la renouveler jusqu’au jour où il va arriver à marcher tout seul sans tomber. Evidemment il ne se contentera pas de chaque petit succès qu’il aura accompli en se tenant debout quelques secondes de plus à chaque fois. Pour lui, la seule issue possible, c’est savoir marcher tout seul.
Pour le bébé, les échecs sont inévitablement la seule voie qui mène au succès. Il le sait trop bien pour que cela le décourage d’avancer. Il le sait tellement bien que la démotivation n’est pas inscrite dans ses gênes à cet âge. Il sait juste que l’échec est un élément qui n’a rien de négatif. Et comment le sait-il ? Tout simplement parce qu’à ce âge, il ne sait rien et ne sait pas encore poser de question. En admiration, le cercle qui le regarde avec étonnement ne doute jamais de ses capacités à y arriver. Au contraire, ce cercle le félicite à chaque fois qu’il tient, ne serait-ce que quelques secondes de plus que la fois précédente, ou même lorsqu’il tombe, un peu comme si, même dans sa chute, il y avait quelque chose de normal.
Que se passe-t-il alors avec nos conceptions de la vie d’adulte ? Où est passé ce public qui croyait en nos capacités et qui ne doutait jamais, même lors des plus mauvaises chutes ? Où est passée notre détermination à avancer et à faire face aux difficultés?
Curieusement nous restons toujours en admiration devant nos bébés et nous vivons avec la même intensité cette expérience que nous partageons toutes les fois que l’occasion nous est donnée avec nos proches. Mais nous la partageons un peu comme si en un instant, nous avions encore la possibilité de devenir ces personnes capables de croire que l’impossible est possible et que le bébé marchera. Et juste après avoir vécu ce miracle, nous nous déclarons vaincus devant l’absence d’un emploi, devant des difficultés financières, devant des obstacles. Juste après avoir de nouveau fait un avec notre détermination indestructible, nous sortons tout simplement de ce cocon pour rentrer dans un monde dans lequel nous avons peint l’échec en quelque chose de noir, de négatif, de sombre, de mal, le mal personnifié, la bête noire de notre époque. Pourtant, c’est bien nous-mêmes qui avions quelques secondes plus tôt, rappelé à notre bout de choux que l’échec c’est bien le succès ; mais le succès en pleine croissance.
Architecte Logiciel, UX/UI designer
5 ansÉnorme !