La fonction RH ou les cordonniers mal chaussés….

La fonction RH ou les cordonniers mal chaussés….

Il n’est pas de semaine qui passe sans que pléthore d’articles ne sortent sur le rôle fondamental de la fonction RH dans les transformations. Elle doit non seulement accompagner la transformation de l’entreprise (digitalisation, conduite du changement, refonte organisationnelle, culture managériale), mais aussi moderniser et digitaliser ses processus (a minima recrutement, mobilité, carrière), développer l’apprenance expérientielle et déployer la communication sociale (RSE, marque employeur). Tombent également dans son panier le développement des méthodes agiles et collaboratives, la création de nouveaux espaces de travail, la mise en œuvre de nouveaux leviers de collaboration et le déploiement de la big data. Une description de poste bien étoffée et qui s’allonge tous les jours : une belle opportunité de développement de la fonction avec cependant des enjeux forts et une charge de travail parfois écrasante.

Dans le cadre de leurs fonctions, les professionnels RH prescrivent couramment des actions de développement pour les managers, collaborateurs ou équipes ayant des problématiques de performance ou nécessitant un accompagnement pour prendre des responsabilités plus importantes. L’approche peut varier mais on est traditionnellement sur des questionnaires 360 accompagnés d’un coaching individuel, sur un séminaire d’équipe voire un coaching collectif pour aider le DG et son équipe à mieux avancer ensemble…

Or, et c’est là que le bât blesse, il est rare de mettre en oeuvre quelque accompagnement que ce soit pour les DRH et leurs équipes, y compris dans les situations complexes de transformations. 

Véronique est DRH dans un groupe international engagé dans un long processus de fusion-acquisition. Elle est consciente que la Fonction RH doit gérer ce projet sur le long terme, avec en toile de fond l’incertitude quant à l’avenir. Elle a proposé à sa direction un accompagnement des professionnels RH afin de leur donner des outils pour mieux gérer cette période de transition, et ainsi mieux accompagner les managers et collaborateurs. Mais pas de budget disponible….

Laurent, DRH Groupe, l’admet : autant il est courant de recourir à l’accompagnement pour les opérationnels, autant les DRH n’y pensent par forcément pour leurs équipes, à fortiori dans les situations de transformations qui mettent beaucoup de pression sur toute la structure…. On pourrait y voir là une déclinaison de la posture centrée autour du client, un « tout pour le business », qui se reflète également dans la posture des Opérationnels, oublieux des besoins de leur fonction RH, voire de ceux de leur CODIR.

Isabelle, DRH sortant d’une transformation organisationnelle issue d’un LBO, le confirme : « On se retrouve seul dans les sujets de transformation : on doit être parent, psy, coach, mais aussi prendre le lead quand les membres de l’équipe de direction se renferment dans leurs silos, ne savent plus fonctionner ensemble et cessent de faire front commun…. Il serait nécessaire à ce moment de prendre du recul, de se poser, de se faire accompagner pour reconnaître que c’est compliqué et douloureux, pour remettre à plat les priorités et avancer ensemble. » Un accompagnement était nécessaire pour (re)trouver un sens commun et continuer ainsi à donner du sens et des repères au reste de l’organisation. 

La fonction RH a longtemps été qualifiée de « bras armé » de la Direction : experte du droit et des relations sociales, gestionnaire administrative, opératrice de la paye et pilote des réorganisations. L’accélération du changement dans l’environnement a permis au cours des 3 dernières décennies au métier de DRH de prendre une orientation plus stratégique, au fur et à mesure que le facteur humain prenait plus d’importance aux yeux des dirigeants pour l’atteinte des résultats opérationnels. Les professionnels RH, devenus « HR Business Partners », restaient cependant dans leur pré carré d’expertise : les « ressources humaines ».

Or, du fait de la transformation digitale, la fonction RH, pour être légitime, doit acquérir de nouvelles compétences : sur la gestion de projets transverses impactant toutes les fonctions, sur les méthodes (par exemple, les méthodes agiles) et sur les développements techniques liés au digital (intelligence artificielle, blockchain…).

Au-delà de ces trans-formations nécessaires, les professionnels RH doivent aussi faire évoluer leur positionnement. A l’ère où l’entreprise ne propose plus des produits mais des expériences clients, l’expérience qu’elle fait vivre à ses collaborateurs devient une fin en soi. Dans ce contexte, une fonction RH plus affranchie et autonome pourra devenir un accompagnant mobilisateur-facilitateur légitime, gardien du lien pour tout le collectif d’entreprise et catalyseur de transformations plus efficaces et écologiques. 

Finalement, les vrais challenges de la Fonction RH dans les contextes de transformations sont plutôt dans l’être que dans le faire : reconnaissance de ses besoins propres, développement d’une autonomie et d’une légitimité mieux intégrées, gestion de la complexité liée au statut particulier de « bras armé-accompagnant ».

A charge pour les DRH de se donner la permission de se faire accompagner, en toute légitimité.


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