La jeunesse, reflet de son époque ?

La jeunesse, reflet de son époque ?

Depuis quelques mois, je travaille chez Youth Forever , une association qui étudie la jeunesse afin de défendre les causes qu’elle porte, comme la transition écologique. Mais pourquoi essayer de comprendre la jeunesse et pourquoi la défendre ?


Notre engagement auprès de la jeunesse s’inscrit dans une réflexion plus globale sur les générations et de profondes convictions sur l’importance de l’intergénérationnel. Comprendre la jeunesse ce n’est pas exclure et compartimenter bêtement les générations mais c’est vouloir les fédérer en mettant des mots qui correspondent à des réalités sociétales. Enfin, étudier la jeunesse implique de faire la différence entre les comportements liés à l’effet d’âge et ceux liés à l’effet de génération (et d’époque) pour essayer de comprendre le monde dans lequel on vit.


1. La jeunesse : une génération et une catégorie sociale

Une génération ça n’est pas une tranche d’âge, mais un ensemble d’individus nés à la même époque et qui vivent leurs tranches d’âge ensemble. Alors que le terme « boomer » est souvent connoté négativement, renvoyant à une personne déconnectée des réalités de l’époque - comme lors de l’utilisation du #boomer -, les baby boomers ça n’est pas une tranche d’âge figée, les baby boomers c’est aussi la jeunesse d’hier, et quelle jeunesse !

Pour avoir une voix et des valeurs, la jeunesse dépend de conditions matérielles qui en font en effet une catégorie sociale. Les médias de masse permettent une culture de masse : les jeunes des années 60 sont les premiers à avoir leur propre culture, une culture de la jeunesse avec ses codes, ses références culturelles et ses questionnements. C'est toute une imagerie - alimentée par la musique, le cinéma, les vêtements, la technologie, etc. - qui crée un univers de pop culture qui fait partie de l’identité jeune : le rock, les beatles, les jeans, les polos, les vestes en cuir, le transistor, le 45 tours… (1)

Aussi, pendant mai 68, les ouvriers et les jeunes ont fraternisé. La jeunesse prend alors une dimension politique, elle défend l'intérêt commun. Au sein de cette jeunesse se constituent des groupes avec des valeurs propres, ce qui ne revient pas à dire que les jeunes d’une même époque ont des convictions univoques.

La jeunesse c’est donc quelque chose d’assez nouveau à l’échelle de l’histoire. Aujourd’hui, on peut constater que le phénomène est amplifié : les réseaux sociaux, une information omniprésente, la mondialisation et les échanges interculturels donnent à la jeunesse une identité puissante.


2. L’histoire vécue

Au-delà de la jeunesse, une génération c’est donc en grande partie une réaction au monde dans lequel elle vit, c’est un puzzle d’expériences qui lui donne une histoire propre, c’est le trait d’union entre la grande histoire et l’histoire vécue par les individus.

Pour deux générations vivant à la même époque, un évènement ou une transition intervient à des moments de vie différents. Alors que pour la génération Z, la transition numérique est une condition de l’existence et un bagage avec lequel traverser les futures transitions, une telle transition a pour de précédentes générations une autre signification : un changement auquel s’adapter, une évolution qui facilite les usages, un bouleversement historique… C’est à chacun de le dire.

Bien plus qu’un ensemble de caractéristiques et statistiques fades qui opposent les âges, le concept de génération émerge d’un sentiment de génération et d’époque. À l’origine d’une génération, il y a un sentiment d’appartenance qui unit des individus qui ont une expérience similaire de l’histoire, des crises et des changements qui nous marquent, et qui nous marquent différemment en fonction du moment de vie lors duquel nous les vivons. Chaque génération porte un vécu, un rapport à l’Histoire - avec un grand h - qui est le sien et qui fait son histoire propre - avec un petit h.


3. Le sentiment d'appartenance à une génération

« La génération reste potentielle, elle ne devient effective qu’avec cette conscience de génération (Mannheim, 1928) qui habille ses membres d’une facette identitaire partagée, s’articulant à celle familiale et individuelle. » (Agnès Pecolo) (2)

Comment respecter ce sentiment d’appartenance générationnelle dans les débats intergénérationnels, sans forcément donner tort ou raison aux valeurs défendues d’un côté ou de l’autre ?

Ce sentiment de génération doit en effet être respecté à deux égards. D’abord, il doit être considéré en tant que tel : respecter que la personne doit pouvoir être fière de son histoire et de l’Histoire à laquelle elle participe. Mais aussi, nommer les valeurs qui émergent de ce sentiment de génération nous permet de prendre du recul sur ce que l’on pense et pourquoi on le pense.

Une génération est en effet un vrai facteur culturel différenciant. Le comprendre invite à ne pas chercher à tout comprendre. La discussion intergénérationnelle, c’est avant tout un enjeu de communication qui nécessite d’exprimer ses sentiments d’incompréhension plutôt que de pointer du doigt tout faux pas ou incohérence.

Il faut célébrer notre expérience personnelle de l’Histoire, célébrer la diversité des générations comme la diversité des âges, qui sont deux choses différentes. La génération est un critère sociologique qui contribue à la diversité culturelle de la société. Célébrons cette différence et questionnons-nous sur ce qui fait la richesse des différentes générations. 


Conclusion

Le sujet des générations et de la jeunesse convoque celui de l’âge, ce qui est souvent un raccourci. Chez Youth Forever on célèbre la jeunesse comme l’expérience, non pas comme étant opposées, mais comme deux faces de la même pièce - les richesses que le temps apporte. On pourrait d’ailleurs définir l’une grâce à l’autre et dire de la jeunesse que c’est une expérience de l’époque. Enfin, comprendre la jeunesse c’est aussi une porte d’entrée pour comprendre les générations dans leur ensemble.


 (1) Mathias Bernard, « La "culture jeune", objet d’histoire ? » dans Regards croisés sur la jeunesse, 2007.

(2) Agnès Pecolo, « Identité générationnelle », Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics, 2017.

Super article!

Très éclairant. Bravo Thomas !

Marion Batlle Poulain

Executive Coach ✧ Founder of My Journey by Lincoln

1 ans

Excellent article. Tellement fière !

Eric Adrian

CEO - Strategic Advisor to high-growth startups in digital transformation

1 ans

Superbe article. Bravo Thomas !

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